Je veux croire que cet article a été rédigé un peu précipitament, sous le coup de l’indignation, et non pour des raisons peu avouables. Car il s’agit soit d’une indignation un peu rapide, soit d’une manipulation.
Travaillant dans le notariat (en tant que salarié), je suis régulièrement amené à purger le droit de préemption d’une SAFER. Que se passe-t-il en pareil cas ? La SAFER dispose d’un délai légal de deux mois pour répondre. Rien ne peut la contraindre à répondre avant ce délai. Il en va de même lorsque l’on purge le droit de préemption urbain dont une mairie est généralement titulaire : celle-ci dispose de deux mois pour répondre, sans que l’on puisse exiger une réponse dans un délai plus bref.
Dans le cas du droit de préemption urbain, il arrive régulièrement que le notaire soit amené à essayer d’obtenir une réponse rapidement, lorsque la situation du client le nécessite. Il faut alors contacter la mairie, leur exposer la situation, demander que l’on veuille bien répondre rapidement. La plupart des mairies sont compréhensives et acceélèrent leur procédure interne. Il y en a toutefois qui ont pour politique de ne jamais répondre et de laisser le délai de deux mois expirer (ce qui vaut refus tacite de préempter). Il m’est arrivé, une fois, d’obtenir d’une telle mairie une réponse expresse rapide, mais ce fut exceptionnel, la situation très difficile du client ayant amené la mairie à déroger à sa poltique habituelle.
Dans le cas de la SAFER, les choses devraient se passer de la même façon. Mais la plupart des SAFER ont pour politique, depuis de nombreuses années, de monnayer l’accélération de la procédure : puisque rien ne les oblige à répondre avant l’expiration du délai de deux mois, certaines SAFER prennent bien soin de répondre in extremis, afin d’inciter le vendeur à lui payer une somme afin d’accélérer la procédure.
CETTE SOMME N’EST PAS EXIGEE NI PAYEE AU NOTAIRE : généralement, lorsque le vendeur est pressé, le notaire l’informe que la SAFER risque de lui demander une somme. Si le vendeur est d’accord pour la payer, le notaire la provisionne, c’est-à-dire que le vendeur fait un chèque au notaire, qui la verse aussitôt à la SAFER pour obtenir de celle-ci une réponse rapide (sans garantie de la part de la SAFER, mais généralement celle-ci, s’estimant payée, fait un effort, sans quoi plus personne n’accepterait de payer). La somme ne fait donc que transiter par la comptabilité du notaire, tout comme le prix de vente et la partie des frais d’acte qui sera payée à l’administration fiscale.
IL NE S’AGIT DONC AUCUNEMENT CONNEXION ENTRE LES SAFER ET LES NOTAIRES pour permettre à ceux-ci d’encaisser une quelconque somme. Cet article part donc d’un réel constat (il faut payer) pour en déduire des conclusions totalement fausses (et mensongères ?) (le notaire se fait payer, profitant de sa collusion avec la SAFER).
Avant que d’inciter au scandale, il faudrait sans doute s’informer sur la réglementation de la tarification et de la comptabilité notariale. La tarification est réglementée au niveau national ; toute somme non tarifée doit être expréssément acceptée par le client et ne peut être demandée que pour un service non tarifé. C’est d’ailleurs ce que les partisans de la suppression du notariat espèrent, à la suite du rapport Attali : la libéralisation appliquée à l’un des services publics du droit.
La comptabilité, quant à elle, est soumise à des contrôles très rigoureux, qui n’empêchent certes pas les fraudes, mais qui en limitent considérablement le nombre, comparé aux professions peu réglementées du droit, comme les avocats.
Le notariat n’est pas exempt de vices ; ceux qui y travaillent les connaissent bien. Pour autant, avant que de dénigrer bêtement cette profession, il faudrait se demander par quoi on la remplacera. Sans doute le système anglo-saxon ?