Votre article entraîne différentes questions qui me semblent difficiles à trancher et en tout cas sujettes à débat.
- Est-il vraiment opportun d’utiliser comme "matériel d’enseignement" pour un cours de langue française des textes contenant autant de fautes ? Sachant que certaines populations continueront, elles, de lire la Princesse de Clèves ou autres grands classiques de la littérature française, je ne le pense pas, bien au contraire ! (en revanche, je ne vois aucune contradiction à inscrire de tels textes dans le programme des cours de musique par exemple).
- l’Educ. Nat. a toujours eu, comme toutes les administrations françaises, une volonté affichée d’universalisme. A ce titre, il y avait, ce qui me fait toujours sourire, l’amusant "Nos ancêtres les Gaulois" enseigné dans les colonies africaines ! Il me semble difficile de décider ici s’il est nécessaire de le maintenir ou de l’abandonner.
- Le maintenir nécessite de s’entendre sur le "plus grand commun dénominateur", de la banlieue lilloise à la commune creusoise : il me semble que, du point de vue de l’Ecole, les seuls points communs demeurent les "grands classiques de la littérature française".
- L’abandonner présente une difficulté "matérielle" lourde à surmonter : une fois prise en compte la spécificité de certains dans un domaine, il n’y a plus de fin. Pourquoi alors ne pas multiplier les cours d’histoire, pour mieux connaître celle des Omeyades, des Abbassides, des Fatimides, des rois Juba Ier et II (rois berbères ayant eu de fructueuses relations avec l’Empire Romain), des esclavagistes rois du Bénin, etc. (personnellement j’aurais adoré, mais on passerait alors le bac à 40 ans
) ? Où arrêter la prise en compte des spécificités ? Je n’ai cité que des exemples relatifs à l’Afrique et au Moyen Orient, mais ça ne suffit pas : que dire des immigrés d’origine européenne ou asiatique ?
Bien sûr il est possible d’aménager les choses, mais il me semble qu’en ce qui concerne les matières "essentielles" (français, maths, histoire/géo, sc. physiques, bio), il faut, non pas prendre en compte les spécifictés des quartiers les plus défavorisés, mais l’inverse !!! Quand les enfants des classes les plus favorisées lisent à l’école la Princesse de Clèves, ceux des classes qui le sont le moins devraient lire la Princesse de Clèves ET les Fleurs du Mal ! En effet, les parents des classes favorisés considèrant que le programme scolaire n’est pas assez ambitieux poussent leurs gosses à le dépasser, à en faire un peu plus : l’Ecole doit prendre ceci en compte et l’institutionaliser pour tous !
Quant au racisme dont seraient victimes les personnes qui viennent des cités, je pense qu’elles se trompent lourdement de diagnostic (j’en débats régulièrement avec ma compagne, originaire d’une cité du 93) : la ségrégation dont ces personnes sont victime n’est pas vraiment raciale, mais sociale ! Une personne originaire d’une cité mais au patronyme bien français connait les mêmes difficultés d’intégration (par ex. au travail) que ses concitoyens d’origines étrangères.
Enfin, sur une note plus anecdotique, mais que je trouve tout de même révélatrice : mes 8 arrières-grands-parents étaient étrangers, du même pays, d’un statut social équivalent, et ont immigré en France à la fin des années 20/ débit des années 30. D’un côté de la famille, ils ont pris le parti de l’immigration, ont considéré que leur nouveau pays était la France, et ont fait tout ce qu’il était possible de faire pour s’intégrer : la première génération (celle de mes grands parents) en a vraiment bavé, leurs enfants aussi mais ils ont tous fait des études supérieures. D’un autre côté de la famille, l’immigration a été un déchirement, ils n’ont jamais réussi à complètement tourner la page, et pensaient un jour retourner "chez eux" : ils ont entretenu un passé finalement un petit peu mythifié, ont du mal à reconnaître qu’ils sont français, mais ont heureusement pour eux principalement vécu pendant les 30 glorieuses et s’en ont sortis - en en bavant également - (mais un seul des 4 enfants de la 2ème génération a eu le bac).