Le progrès de l’homme par l’avancement des esprits : point de salut hors de là. Enseignez ! Apprenez ! Toutes les révolutions de l’avenir sont incluses, amorties, dans ce mot : travail.
C’est par l’explication des oeuvres du premier ordre que ce large enseignement intellectuel doit se couronner. En haut les génies. Partout où il y a agglomération d’hommes, il doit y avoir, dans un lieu spécial, un explicateur public des grands penseurs. Qui dit grand penseur dit penseur bienfaisant.
La présence perpétuelle du beau dans leurs oeuvres maintient les poètes au sommet de l’enseignement.
Nul ne peut prévoir la quantité de lumière qui se dégagera de la mise en communication du peuple avec les génies. Cette combinaison du coeur du peuple avec le coeur du poète est le feu de la civilisation.
Ce magnifique enseignement, le peuple le comprendra-t-il ? Certes, nous ne connaissons rien de trop haut pour le peuple. C’est une grande âme. Êtes-vous jamais allé un jour de fête à un spectacle gratuit ? Que dites-vous de cet auditoire ? En connaissez-vous un qui soit plus spontané et plus intelligent ? Connaissez-vous, même dans la forêt, une adoration plus profonde ?
La vaste multitude regarde, écoute, aime, toutes les consciences émues jettent dehors leur feu intérieur, tous les yeux éclairent, la grosse bête à mille têtes est là, elle caresse le beau, elle lui sourit avec la grâce d’une femme, elle est très finement littéraire. Rien n’égale les délicatesses de ce monstre. La cohue tremble, rougit, palpite. Ses pudeurs sont inouïes. La foule est une vierge. Aucune pruderie pourtant, cette bête n’est pas bête. Pas une sympathie ne lui manque, depuis la passion jusqu’à l’ironie, depuis le sarcasme jusqu’au sanglot. Jetez un cri à cette populace : elle est capable d’ascension vers l’Olympe. Qui a fait cette métamorphose ? La Poésie.
Les multitudes, et c’est là leur beauté, sont profondément pénétrables à l’idéal. L’approche du grand art leur plaît, elles en frissonnent. Pas un détail ne leur échappe. La foule est une étendue liquide et vivante offerte au frémissement. Une masse est une bête sensible. Le contact du beau hérisse extatiquement la surface des multitudes, signe du fond touché. Remuement de feuilles, une haleine mystérieuse passe, la foule tressaille sous l’insufflation sacrée des profondeurs.
Là où l’homme du peuple n’est pas en foule, il est encore bon auditeur des grandes choses. Il a la naïveté honnête, la curiosité saine. L’ignorance est un appétit. Le voisinage de la nature le rend propre à l’émotion sainte du vrai. Il a, du côté de la poésie, des ouvertures secrètes dont il ne se doute pas lui-même. Tous les enseignements sont dus au peuple. Plus le flambeau est divin, plus il est fait pour cette âme simple. J’aimerais voir dans les villages une chaire expliquant Homère aux paysans.
Raphaël Zacharie de Izarra
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