Il est exact que le Pakistan est encore aujourd’hui un pays féodal et que la famille Bhutto faisait partie de son élite patricienne. Pour autant, dans un pays qui a tant de mal à se stabiliser depuis sa création, dans lequel il y a tant de pauvreté et d’illetrisme, où le poids de la religion est partout, il est difficilement concevable de voir émerger des responsables politiques ayant été formés dans les plus grandes écoles de droit, de politique, d’économie ..., qui ne seraient pas originaires de ces élites fortunées qui ont toujours dirigé cette région (c’est le cas notamment de l’arrière grand-père de BB qui était un de ces chefs féodaux). Car outre les opportunités que leur confèrent leur argent et le respect du pouvoir exercé de façon dynastique, ces élites ont aussi la possibilité de s’émanciper un peu de ce modèle qui plombe la société pakistanaise. Et le fait d’avoir été éduqués en occident a conféré tant à BB qu’à son père une certaine légitimité au niveau international.
Cet état de fait ne doit pas faire illusion, mais le poids des traditions et des conventions plombe toute idée de changement rapide, d’émergence d’une nouvelle élite intellectuelle issue du peuple.
Donc à la fois loin de moi de faire de BB une sainte, mais il faut reconnaitre qu’elle aurait pu continuer à vivre sur ses terres en féodale, sans se poser de question ... et sans avoir le moindre problème quant à sa sécurité ! Elle avait largement les moyens de vivre avec la fortune familiale, et faire de la politique, même si cela cultive un certain narcissisme, l’amour du pouvoir chez une femme décrite comme autoritaire, faire de la politique surtout comme opposante aux régimes en vigueur, a nécessité beaucoup de courage et de ténacité ! Elle n’a pas choisi la voie de la facilité pour se réaliser ! Il faut au moins lui reconnaitre cela !
Après, il faut être conscient que la voie est toujours plus dure à tracer pour les pionniers, et que ceux et celles qui suivront bénéficieront du peu de liberté et d’ouverture d’esprit qu’elle aura apporté ... et de l’espoir surtout qu’elle a su susciter auprès des couches populaires ; car malgré toutes les accusations de corruption qui ont émaillé ses différents gouvernements, il est impressionnant de constater avec quelle ferveur le peuple l’accueillait à chacun de ses retours ...
C’est vraiment un personnage ambivalent, c’est ce qui m’a intéressé, plutot que la légende BB ... mais peut-être que je n’ai pas assez insisté sur cette ambivalence dans mon texte ... Plus que des réalisations politiques ou économiques concrètes dans son pays, son apport essentiel aura été de tenir tête, en tant que femme et musulmane, revendiquant de surcroit ces 2 aspects qui auraient dû l’obliger à se murer dans le silence, pour en faire sa force. Son apport concret c’est l’espoir d’une vie autrement qu’elle incarnait aux yeux du peuple pakistanais, l’idée de résistance, que rien n’est totalement inéluctable, irréversible ; un rempart contre la résignation en quelque sorte.
Ensuite, le fait qu’une fois au pouvoir elle n’a pas tant agi pour la cause des femmes ou la démocratie, c’est aussi une réalité ; personnellement je pense que dans cela il y avait certainement un peu de cynisme, mais également une stratégie, dans le sens où elle avait bien intégré que pour faire évoluer durablement le Pakistan, il fallait agir par dose homéopathique contre ses traditions et ses interdits d’un autre temps. Un changement trop rapide ne pourrait être durable. Donc avant de parvenir à une démocratie s’apparentant peu ou prou à la notion que nous nous en faisons, il y a de nombreuses étapes à passer ...
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