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Lord Franz Ferdinand Of F. In S. 5 février 2011 03:41
Lord WTF !

Toujours à Alexandrie, j’ai demandé à ce que ce long com soit posté sur AV.

La plupart des analystes ou observateurs occidentaux, de même que les médias du dit Monde Libre, ont semble-t-il quelques difficultés à saisir ce qu’il se passe actuellement en Egypte et plus largement dans le monde arabe : nous ne leur en voudrons pas : sachant que du moment que l’on s’attache avant tout à vendre aux masses une vision pré-fabriquée du Monde en niant jour après jour les diverses et mouvantes réalités qui le constituent : arrive bien un moment où le binarisme devient inconsciemment la seule grille de lecture et où même les dits spécialistes s’empêtrent dans un discours somme toute autant monomaniaque que déconnecté du Réel : encore plus dés lors qu’il s’agit du monde arabo-musulman.

Un monde arabo-musulman qui si il n’est pas séparé du reste du monde par un rideau de fer l’est au moins par un voile du même métal et tout aussi imperméable : voile posé entre les populations et leurs gouvernants ; voile entre les touristes occidentaux-friands de vol charters, de buffet orgiaques, de souks&folkore indigène (made-in-china) et les populations locales ; voile médiatique sur des régimes amis ou alliés n’ayant rien à envier aux anciens régimes de l’Est ; voile devenant chiffon rouge avec la perpétuelle et monomaniaque menace islamiste justifiant à elle-seule la pile de voiles posés sur les consciences du Monde Libre.

Or ce chiffon rouge agité semble avoir eu bien trop d’effet sur ceux là-même qui en ont usé et abusé depuis des années : au point que ces évènements qui, en dépit du discours médiatique, politique ambiant actuel, n’ont rien de surprenant ni même d’imprévisible : ont pris de cours chancelleries et services de renseignements, analystes, spécialistes et autres téléctuels. Et oui, plutôt que de traquer de nébuleuses-toujours-plus-nébuleuses organisations islamo-terroristes et ne voir dans ces pays que des réservoirs à kamikazes, aurait-il fallu considérer l’ensemble de ces sociétés et entendre ce que ce monde autre avait à dire.

Ce qui, si le Renseignement occidental avait opté pour une intelligence axée sur l’open source (l’étude de l’arab web, de la blogosphère, et des divers alter-médias de derrière le voile de fer), aurait été entendu depuis quelques années : à savoir l’entrée piano mais sano, dans l’ère du post-islamisme : concept certes valise diront certains : mais qui en plus d’être une réalité devenue tangible et est sans nul doute une des principales clés de lecture quant à ces révolutions conçues comme romantiquement « spontanées » : islamisme(s) comme régime(s) sont les deux extrémités de cet ordre ancien que la jeunesse du Monde Arabe a décidé de trancher.   

L’exercice d’introduction passé : revenons à l’Egypte et à ce qu’il s’y passe afin de couper court aux analyses-sur-mesure assurant ,avant même que Moubarak n’ait fait le choix de sa nouvelle orientation professionnelle, de l’avènement d’un hardcore califat sur les bords du Nil : prédiction(s) funeste(s) s’il en est mais surtout fondée(s) sur la même grille de lecture et préjugés qui ont démontré non seulement leurs limites mais aussi l’incapacité des dits spécialistes du monde-arabe-éternellement-soumis-réservoir-à-terroristes à voir venir ces révolutions. Et donc usage avant autant que pendant et sans doute après, pour un bon bout de temps, du même mantra clé du binarisme contemporain : les bons contres les méchants.

Ainsi les évènements d’Egypte, sous cette lumineuse perspective se retrouvent au choix analysé ainsi : le classique laïques ou modérés vs les islamistes ; les vieux qui s’accrochent vs les jeunes qui s’agitent ; et bien entendu le Peuple vs le Dictateur. On comprendra alors mieux l’usage quasi obsessionnel du vocable « stabilité » dans toutes les chancelleries et analyses occidentales : la rue « arabe » étant par nature autant instable que donnant facilement dans le fanatisme : la stabilité voit donc les faveurs occidentales aller dans l’ordre : aux dictateurs-pas-si-méchants-puisqu’alliés-et-islamistophobes, aux éternels opposants démocrates laïques&pépères qui préfèrent les salons de cocktail occidentaux plutôt que les souks populeux de leurs pays, puis enfin aux vieux conservateurs emplis de la proverbiale sagesse bédouino-orientale qui veut que le peuple arabe ne comprenne que le bâton (vision semble-t-il largement partagée au sein des dites démocraties occidentales comme l’ont prouvées les réactions d’enthousiasme hystérique des gouvernements du Monde Libre face au soulèvement des Tunisiens, Egyptiens et autres Jordaniens ou Yéménites…). Bien entendu la réalité égyptienne est tout autre et dépasse largement ces visions binaires autant que l’aspect romantisme révolutionnaire de ceux qui sont restés perchés quelque part au milieu des années 60.

Mettons ironie de côté et tentons succinctement de fournir une vue plus adéquate de ce qu’il se passé en Egypte et de saisir les relations entre pouvoir et société, les relations au sein des structures de pouvoir, et le paysage social&politique égyptien. Bien entendu : cet article ne prétend pas être une thèse mais juste d’offrir quelques éléments de compréhension évitant et binarisme et lecture monolithique de la dite Révolution du Lotus.



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