Avant l’avènement de la photographie, il n’y avait jamais que les dessinateurs, les peintres, les graveurs et un peu les sculpteurs qui livraient au public -bien après les combats- une représentation de la chose. Les artistes pouvaient transformer des tripes à l’air en guirlandes célestes.
Il y avait eu l’épisode doublement douloureux du naufrage de la Méduse ou en plus de la réalité du drame, Gericault avait, pour la première fois, montré de la peau cadavérique. Jusque là, la mer avait été très peu représentée, les rois ne montaient jamais sur des navires, sauf pour quelques croisades. Et là, le choc de voir la défaite de l’archange, par le biais de ces rescapés affamés, se cannibalisant, la honte du Blanc puisque rien, pas même un animal ou un esclave n’apparaissait sous sa férule. Le Blanc affamé et cannibale quand 10 jours plus tôt il faisait encore le fier en perruque, ça casse pas mal de transcendances. On est en pleine mode romantisme, il y a du désespoir mais ce n’est pas celui d’un amoureux transi, c’est celui de la civilisation Blanche
L’artiste était donc tenté par le style journalistique, Hugo aussi quand il racontera la mort d’un condamné, Zola, Dumas, surtout.
Alors on freine sur les emphases guerrières. Bonaparte sur le Pont d’Arcole, c’est peut-être la dernière représentation bourrée de transcendances portant le concept de chef courageux. Mais ensuite, le héros sera le gamin de Paris de 1830 dont Hugo fera son Gavroche et ce sera sur une barricade. Le héros n’est donc plus celui qui est sur le magnifique destrier. C’est quasiment le contraire.
La photographie de la guerre de Secession secoue les tripes, Tout est banalement moche d’autant que c’est en noir et blanc.
Et ça n’arrêtera plus. Bien sûr des photos, des films seront truqués, recadrés mais énormément d’images seront livrées montrant au monde la réalité toute immanente de la guerre. Du coup, aiguilonnés par le réalisme des photos, les peintres peignent Sedan façon crue.
Avec l’aviation, les ailes, les archanges, les transcendances reprennent un peu de hauteur. Jusqu’à ce que les premiers biplans se mettent à larguer leurs premières bombinette. Là ça redevient moche.
Il y a bien eu la bataille d’Angleterre avec ses Spitfires et ses Hurricanes qui ont donné quelque prestige à la guerre mais c’est à peu près tout. On entrait dans la réalité très moche de la guerre. Hiroshima, Nagasaki, pas de quoi pavoiser.
Picasso en a marre des récupérations toujours possibles d’une esthétique de guerre, alors il fait son insaisissable Guernica
Quoi qu’il en soit, par la technologie et l’archangisme, c’est l’aviation qui porte encore le mieux les derniers restes de transcendances guerrières. Et puis un pilote, quand il est perdant, il descend du ciel sous une blanche corolle, c’est plus esthétique qu’un équipage de char carbonisé.
Plus ça va, plus on a des images vidéo toutes criantes de vérité. On tire un missile et quelque minutes après Momo en larmes nous montre la cervelle de sa soeur dans l’évier, sa mère qui hurle à travers les ruines « Pourquoi, pourquoi, mon dieu, pourquoi .. »
Il devient donc très difficile de croire encore à l’héroïsme de guerre quand on est dans le camp du vainqueur.
Alors que chez les pompiers de New York, chez les ingénieurs de Fuku, chez Greenpeace, on peut voir de l’héroïsme pur.
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