Il se trouve que je viens de tomber amoureux de la jeune femme la plus belle du monde...bien évidemment. Elle m’aime, je l’aime. Pour autant, on est pas au pays des bisounours...
Quand je lui dis que j’aime sa
liberté, elle me répond (bien légitimement) que l’attachement
suspend la liberté. Quand je lui dit que je ne suis pas jaloux, ça
la rend triste...
Bref, .au delà de notre intimité (et mon
témoignage s’arrêtera là...), les rapports du sujet à l’objet
vont bien au delà de vos analyses, à mon goût trop idéalistes,
trop contractualistes, pour ne pas dire... moralistes.
Sartre le disait justement :
"Il arrive qu’un asservissement
total de l’être aimé tue l’amour de l’amant. Le but est dépassé :
l’amant se retrouve seul si l’aimé s’est transformé en automate.
Ainsi l’amant ne désire-t-il pas posséder l’aimé comme on possède
une chose : il réclame un type spécial d’appropriation. Il veut
posséder une liberté comme liberté.
Mais, d’autre part, il
ne saurait se satisfaire de cette forme éminente de la liberté
qu’est l’engagement libre et volontaire. Qui se contenterait
d’un amour qui se donnerait comme pure fidélité à la foi jurée ?
Qui donc accepterait de s’entendre dire : "Je vous aime parce
que je me suis librement engagé à vous aimer et que je ne veux pas
me dédire ; je vous aime par fidélité à moi-même ?" Ainsi
l’amant demande le serment et s’irrite du serment. Il veut être aimé
par une liberté et réclame que cette liberté comme liberté ne
soit plus libre. Il veut à la fois que la liberté de l’Autre se
détermine elle-même à devenir amour - et cela, non point seulement
au commencement de l’aventure mais à chaque instant - et, à la
fois, que cette liberté soit captivée par elle-même, qu’elle se
retourne sur elle-même, comme dans la folie, comme dans le rêve,
pour vouloir sa captivité. Et cette captivité doit être démission
libre et enchaînée à la fois entre nos mains. Ce n’est pas le
déterminisme passionnel que nous désirons chez autrui, dans
l’amour, ni une liberté hors d’atteinte : mais c’est une liberté
qui joue le déterminisme passionnel et qui se prend à son
jeu."
(in L’être et le néant, III, 3)
Non, l’amour n’est pas un
contrat. Il n’y a de contrats que dans la vie marchande. Et le
« contrat social », politique ou amoureux ne sont que des
chimères. Non, je parlerais davantage de pacte. Un pacte qui
commence dés la séduction : ce
jeu plein de pièges (à cons) et de coups (tordus) que l’on inflige
à l’autre. Et qu’on consent à subir.... On a pas 36 milles
possibilités, on joue le jeu ou non. Et ce qui pousse souvent à ne pas le jouer, ce qui effraie, c’est son terrorisme. Cette terreur douce, à la fois criminelle...et bienveillante. Il
est initiatique, éducateur... Lisez Baudrillard, De la séduction.
C’est magnifique !
Voilà pourquoi je pense sincèrement qu’il est tout bonnement impossible d’empêcher les rapports de force dans une relation amoureuse et de séduction. Ce n’est même pas souhaitable, ce n’est même pas l’enjeu.
Et parlons
donc de démocratie... Si l’on considère que la démocratie consiste
à détruire les relations de pouvoir alors on se trompe
lourdement... (L’Histoire n’a pas de fin et n’en aura jamais...)
Non, la démocratie est bien davantage sa circulation, le tour et retour d’un pouvoir qui tourne. Voilà pourquoi il n’y a de relation amoureuse saine qu’à l’unique condition que la force tourne, que les positions de dominant/dominé puissent être renversées, occupées alternativement par les deux amants. Et que l’on y prenne du plaisir ...
Voilà la différence entre un pacte et un contrat. Les contrats (de vente, de paix, etc...) arrêtent la circulation des forces et décident de qui domine. Définitivement. Et c’est cela qui est insupportable... C’est cela la tyrannie.
ps : le « pacte » dont je parle, n’a bien évidemment rien à voir avec le libertinage ni ce que Sartre et « le Castor » ont pu « machiner », puisque leur correspondance a davantage révélé leurs échecs et leurs souffrances....
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