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De la démocratie en amour : la loi de l’accord (théorie du PCRA 5)

Des précédents textes (1, 2, 3, 4) consacrés au PCRA et à l’amour romantique il ressortait qu’il n’est rien de plus désirable que la rencontre avec un être libre que nous respecterons comme tel, notamment sous le rapport de son désir. La question est à présent de savoir comment construire très concrètement une relation où chacun se sentira non seulement libre, mais aussi respecté, accueilli, désiré en tant que tel. Comment construire une relation qui, dégagée de tout rapport de force, de toute forme de contrainte ou de manipulation, de tout conflit avec l’autre permette à chacun de renoncer au souci de soi, à ses défenses, pour se rendre pleinement présent à l’autre. La réponse proposée ici est celle d’une démocratie amoureuse où la loi que chacun s’applique à suivre est celle des accords convenus avec l’autre d’une manière parfaitement souveraine, c’est-à-dire, en toute liberté.
 
Au cours de nos vies et souvent dans une même journée, nous entretenons une multitude de relations qui peuvent être… :
(a) soit paisibles, c’est-à-dire, non conflictuelles, dégagées de tout rapport de force, de toute pression, comme cela arrive souvent lorsque l’on retrouve un(e) ami(e),
(b) soit porteuses de tensions, d’attentes ou d’exigences de l’un(e) vis-à-vis de l’autre, et donc inscrites dans un rapport de force comme cela arrive parfois et même souvent avec les conjoints, les enfants, les parents, les collègues, les chefs, les subordonnés, les voisins, les amant(e)s, etc.
 
Cette pression que les uns exercent sur les autres naît d’un besoin de sécurité, c’est-à-dire, de contrôle de notre environnement physique et social. Comme l’écrivait Oscar Wilde, « l’égoïsme n’est pas vivre comme on le désire, mais demander aux autres de vivre comme on veut qu’ils vivent ».
 
Cet égoïsme étant la chose la mieux partagée du monde, nous en voyons partout les manifestations et, dès lors, il nous semble complètement normal d’exercer à notre tour le pouvoir dont nous disposons pour amener l’autre à correspondre à nos attentes sans voir qu’en faire l’instrument de nos satisfactions, c’est lui manquer totalement de respect.
Car plus nous exerçons notre pouvoir, notre ascendant, notre autorité et plus nous dépouillons les êtres qui nous entourent de leur statut de sujet doué de libre arbitre, plus nous les chosifions pour en faire des objets de satisfaction, des marionnettes, comme Nora, l’héroïne de La maison de poupée (une pièce de théâtre toujours actuelle bien qu’écrite au XIXe) qui comprend que son mari a fait d’elle une femme-objet et qui va alors demander le divorce pour revenir à la liberté, à l’existence.
 
Il est clair que le mariage, qui accouple deux êtres sous un même joug (relation con-jug-ale), a allègrement contribué à ce processus de chosification ou de « marionnettisation » des êtres alors que seule la rencontre avec un être libre a de la valeur.
Seul un être que nous laissons libre de ses déterminations peut nous faire le présent de sa présence. Un être ligoté, un être que nous « tenons », dira et fera ce que nous souhaitons. Mais ses paroles et ses actes seront alors dénués de valeur puisque contraints et donc réalisés sans la sincérité et l’authenticité qui sont l’apanage des êtres libres.
 
Si nous voulons la vérité, si nous voulons pouvoir faire confiance à la sincérité du désir de l’autre, à l’authenticité de sa présence auprès de nous, si nous voulons vivre une vraie rencontre et non cette comédie humaine à laquelle la société nous éduque en instillant en nous depuis l’enfance la peur d’être seul, la peur de n’être rien sans l’autre, nous refuserons que l’autre soit en état de dépendance (sous contrainte et/ou intéressé(e)), nous accepterons qu’il/elle puisse désirer librement et s’abstenir de venir à nous si ce n’est pas ce qu’il/elle souhaite. Nous saurons alors que lorsqu’il/elle vient à notre rencontre, c’est que son désir l’y porte et rien d’autre.
 
En somme, c’est seulement quand deux êtres ne demandent ni n’exigent la présence de l’autre qu’ils peuvent se l’offrir mutuellement.
 
De la théorie à la pratique
 
Essayons à présent de rendre cela plus concret et posons comme principe le fait que … :
1. Nous voulons le vrai, c’est-à-dire : vivre une rencontre authentique, nous voulons la véritable présence de l’un à l’autre, nous refusons la comédie, les convenances et les stéréotypes qui font le pain amer des couples au quotidien
2. Nous voulons le respect qui naît de l’acceptation et de l’accueil de l’autre tel qu’il/elle est, hors de tout effort pour le changer
3. Nous voulons l’autre libre car c’est sa liberté qui fait la valeur, la vérité de sa présence.
4. Nous voulons la paix qui naît de la rencontre entre deux êtres libres qui se respectent en tant que tels.
 
Une fois ceci convenu, nous nous trouvons hors de toute espèce de conflit comme dans les premiers temps d’une rencontre, quand il nous semble que l’autre comble nos aspirations les plus secrètes et qu’il ne nous vient pas à l’esprit de lui demander ou de lui reprocher quoi que ce soit. Nous l’accueillons alors tel(le) qu’il/elle se présente à nous, avec un infini respect pour son désir car :
1. Ce dernier est orienté vers nous
2. Il nous apparaît semblable au nôtre
3. C’est un pur cadeau et non un dû — puisque l’autre ne nous doit rien encore et peut partir comme il/elle est venu(e).
 
Dans cet état d’accord parfait, nous vivons une magie qui peut aller jusqu’à faire croire à un destin commun tant nous voudrions qu’elle dure l’éternité. Mais elle n’atteint quasiment jamais son premier anniversaire car deux amants fraîchement énamourés sont comme deux œufs qu’on aurait miraculeusement fait tenir en équilibre l’un sur l’autre : le moindre souffle entraîne la chute qui les sépare.
 
Ce que je voudrais ici suggérer, c’est que les amants qui s’accordent, non pas implicitement mais en toute conscience, sur les principes évoqués plus haut (vérité, respect et liberté) peuvent faire durer cette magie autant qu’ils le souhaitent. La constante attention à l’accord est ici la clé qui ouvre toutes les portes. Elle consiste très simplement et fort logiquement à ne pas laisser le conflit s’immiscer dans la relation en se tenant à l’écart du rapport de force au travers duquel l’un(e) cherche à contrôler l’autre, à lui imposer ses représentations et ses attentes.
 
Concrètement, cela se réalise de manière très simple, mais pas pour autant facile, par le fait de venir à la rencontre dans un espace défini et balisé par des accords sur ce qui peut être légitimement attendu de l’autre et nulle part ailleurs.
 
Quand chacun n’attend de l’autre que ce à quoi ce dernier s’est explicitement engagé, nul conflit ne peut apparaître dès lors qu’il est aussi convenu d’un processus de « réparation » lorsque l’un ou l’autre manquera à ses engagements.
 
De cette attention exclusive à l’espace des accords, il s’ensuit que ce qui n’a pas fait l’objet d’un accord ne peut pas non plus faire l’objet d’un reproche. Ainsi, par exemple, l’espoir déçu de recevoir un bouquet de fleur — ou toute autre forme d’attention — ne peut pas être le motif d’un reproche car il n’y a pas d’accord à ce sujet (et il ne peut y en avoir puisqu’un cadeau n’a de valeur que spontané, c’est-à-dire, libre — si vous ne voyez pas les choses ainsi, je vous le dis tranquillement : vous avez un problème !).
 
Tout comme une attente ne devient légitime qu’après qu’elle ait été explicitement convenue (comme par exemple le fait de voir l’autre respecter l’heure d’un rendez-vous), un reproche n’est lui aussi légitime qu’après qu’il ait été reconnu qu’un des partenaires ne s’est pas tenu aux termes de l’accord.
 
Ainsi, si votre partenaire arrive en retard à votre rendez-vous, avant de l’agresser par un reproche intempestif, demandez-lui d’abord s’il/elle pense être en retard. Vous découvrirez peut-être qu’il/elle a une vision décontractée (méditerranéenne plutôt que suisse) des rendez-vous et qu’arriver 5 ou 10 minutes après l’heure dite, ce n’est pas être en retard. Vous comprendrez alors que la notion prêtait à équivoque, que votre accord manquait de précision et que la réalité du retard ne peut être établie puisqu’en définitive, vous n’étiez pas en accord sur ce qu’est être en retard. Tout reproche à cet égard est donc illégitime ! Par contre, une fois convenu qu’on est en retard lorsqu’on a, par exemple plus de 10 minutes de retard, l’accord sur la réalité du retard sera immédiat et un éventuel reproche deviendra légitime, quoique pas forcément nécessaire. Car si vous avez aussi convenu d’un protocole pour « réparer » un éventuel retard (par exemple (a) avertir et (b) présenter des excuses pour manquement à ses engagements), le fautif qui se tient aux termes de l’accord réparera de lui-même sans que vous ayez à faire de reproche. L’accord étant respecté, vous l’êtes aussi et la paix est intacte, non troublée.
 
Ainsi, si nous savons porter une attention constante à la présence ou l’absence d’accord avec le partenaire, nous nous trouvons tout à coup dans un univers très simple divisé en deux espaces :
(1) celui de l’accord, où les frustrations, vexations et autres petites blessures narcissiques qui pourrissent lentement mais sûrement le quotidien des couples disparaissent complètement, celui où règne la paix et où l’amour peut trouver place, de sorte que chacun est alors infiniment motivé pour respecter ses engagements et en élaborer de nouveaux.
(2) ou celui du non accord où tout est possible, y compris le pire, qui bien que n’étant pas sûr, reste de loin le plus probable.
 
Dans ce contexte, le choix me semble vite fait et une seule question se pose alors : comment se construit ou s’agrandit l’espace de l’accord ?
 
L’espace de l’accord
 
Pour tenter d’y répondre, observons la logique du couple en formation, la logique de la rencontre.
 
Il est assez évident qu’il s’agit d’une logique d’accord, une logique de consentement réciproque à des invitations réciproques. Les amants avancent l’un vers l’autre par une succession de consentements auxquels ils viennent un peu comme ils conviennent d’un rendez-vous.
Ce dernier naît, en effet, d’un oui qui porte sur le principe même du rendez-vous et qui dit explicitement l’accord initial des désirs — d’abord exprimés implicitement dans les paroles, les regards et les gestes.
S’étant accordés sur ce désir réciproque de se rapprocher ou de s’ouvrir à l’autre, le couple en vient à décliner cet accord dans le temps (jour, heure) et l’espace (le lieu du rendez-vous). Le rendez-vous lui-même deviendra une occasion de poursuivre ensemble sur le chemin du oui, pour aller vers d’autres consentements mutuels à la présence physique de l’autre et parvenir ainsi à ce temps T0 du couple qu’est la rencontre nue à nu, quand l’univers, c’est-à-dire, l’espace de l’accord, contient seulement les deux êtres et leurs corps unis.
 
La tâche consistant ensuite à s’accorder sur les objets que l’on introduit dans la bulle amoureuse est encore aisée. Echanger des paroles (des objets de conversation), aller prendre un café, se faire un restaurant, un spectacle, une ballade, etc., ne pose généralement aucune espèce de difficulté. C’est pourquoi le PCRA se cantonne à ce stade là.
 
Les problèmes apparaissent quand il est décidé d’ouvrir l’espace d’accord pour faire, aussi peu que ce soit, vie commune. Il ne va pas de soi et il est même périlleux pour le couple d’introduire dans son espace relationnel la multitude des objets du quotidien, tels que les aliments, la vaisselle, le linge, les sols et tout ce qu’il faut entretenir, la poubelle, le chien, le jardin, la voiture, la maison, les enfants, les familles, etc. S’ils n’ont pas fait l’objet d’un accord, s’ils ne sont pas des occasions de relier l’un à l’autre dans la paix, alors ils seront l’occasion d’interprétations divergentes, de petites équivoques qui deviendront rapidement sources de malentendus, de frustrations, de blessures et donc de conflits. Et là, pfffuiiit, adieu la paix !
 
Pour préserver celle-ci, les accords initiaux (sur la vérité, le respect et la liberté) devront être étendus à chacun de ces objets, c’est-à-dire, précisés partout où cela sera nécessaire (comme pour la notion « être en retard » lorsqu’il est question de rendez-vous), jusques et y compris dans le délicat rapport au corps de l’autre.
 
Ce dernier objet ne fait pas exception à la logique de l’accord. Malheureusement il règne un préjugé dévastateur qui voudrait que seul le spontané soit « vrai » de sorte qu’avoir des accords portant sur la chose sexuelle ferait perdre à celle-ci une part essentielle de sa valeur. Pourtant, c’est avant tout par la réussite ou l’insuccès qu’ils connaissent dans l’exercice délicatissime qui consiste à accorder leurs désirs sexuels que les couples se font et se défont.
 
Il faut dire qu’il n’est pas de domaine où la naïveté des représentations le dispute autant à l’intensité des affects et à la violence des paroles et des actes. Nous sommes dans l’archaïque, le pulsionnel et la spontanéité semble, en effet, de mise. Mais elle ne l’est pas, pas avant que chacun des partenaires ait intégré l’objectif de s’écarter résolument du rapport de force au travers duquel l’un(e) cherche à contrôler l’autre, à lui imposer ses représentations et ses attentes.
 
Et, que je sache, la seule alternative au rapport de force, c’est l’accord qui, nous l’allons voir, ne pose, en la matière, aucune espèce de problème. De fait, les amants dans leur chambre d’hôtel n’ont-ils pas convenu à l’avance de se retrouver tel jour, de telle heure à telle heure ? Sont-ils moins heureux pour autant ?
 
Nous savons tous que le désir se nourrit de l’obstacle, en particulier de l’interdit. Ce que nous savons moins, c’est que l’obstacle, même l’interdit, parce qu’ils obligent à trouver des accords pour les contourner, peuvent être source de paix et de sérénité pour les couples, qu’ils soient légitimes ou non.
 
Le problème des amours domestiques (je n’ai pas dit ancillaires) c’est qu’il n’y a plus d’obstacle a priori, dès lors, rien ne vient « contenir » le désir de l’un pour l’autre et le pire est alors aussi sûr que 1 et 1 font 2 car une différence ne manquera pas d’apparaître dans l’intensité des désirs.
Or toute différence est ici source de différends, de conflits, donc de blessures, de douleurs, de désenchantements qui lentement mais sûrement, installeront une distance dont certains s’accommodent mais d’autres pas.
La rupture guette.
Dès lors, la question n°1 des couples est bien de savoir comment maintenir un parfait accordage des désirs. C’est ce dont nous traiterons dans la prochaine et dernière partie de cette étude.

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22 réactions à cet article    


  • marcuz marcuz 4 juin 2011 13:37

    Il se trouve que je viens de tomber amoureux de la jeune femme la plus belle du monde...bien évidemment. Elle m’aime, je l’aime. Pour autant, on est pas au pays des bisounours...

    Quand je lui dis que j’aime sa liberté, elle me répond (bien légitimement) que l’attachement suspend la liberté. Quand je lui dit que je ne suis pas jaloux, ça la rend triste...
    Bref, .au delà de notre intimité (et mon témoignage s’arrêtera là...), les rapports du sujet à l’objet vont bien au delà de vos analyses, à mon goût trop idéalistes, trop contractualistes, pour ne pas dire... moralistes.

    Sartre le disait justement :

    "Il arrive qu’un asservissement total de l’être aimé tue l’amour de l’amant. Le but est dépassé : l’amant se retrouve seul si l’aimé s’est transformé en automate. Ainsi l’amant ne désire-t-il pas posséder l’aimé comme on possède une chose : il réclame un type spécial d’appropriation. Il veut posséder une liberté comme liberté.
    Mais, d’autre part, il ne saurait se satisfaire de cette forme éminente de la liberté qu’est l’engagement libre et volontaire. Qui se contenterait d’un amour qui se donnerait comme pure fidélité à la foi jurée ? Qui donc accepterait de s’entendre dire : "Je vous aime parce que je me suis librement engagé à vous aimer et que je ne veux pas me dédire ; je vous aime par fidélité à moi-même ?" Ainsi l’amant demande le serment et s’irrite du serment. Il veut être aimé par une liberté et réclame que cette liberté comme liberté ne soit plus libre. Il veut à la fois que la liberté de l’Autre se détermine elle-même à devenir amour - et cela, non point seulement au commencement de l’aventure mais à chaque instant - et, à la fois, que cette liberté soit captivée par elle-même, qu’elle se retourne sur elle-même, comme dans la folie, comme dans le rêve, pour vouloir sa captivité. Et cette captivité doit être démission libre et enchaînée à la fois entre nos mains. Ce n’est pas le déterminisme passionnel que nous désirons chez autrui, dans l’amour, ni une liberté hors d’atteinte : mais c’est une liberté qui joue le déterminisme passionnel et qui se prend à son jeu."

    (in L’être et le néant, III, 3)


    Non, l’amour n’est pas un contrat. Il n’y a de contrats que dans la vie marchande. Et le « contrat social », politique ou amoureux ne sont que des chimères. Non, je parlerais davantage de pacte. Un pacte qui commence dés la séduction : ce jeu plein de pièges (à cons) et de coups (tordus) que l’on inflige à l’autre. Et qu’on consent à subir.... On a pas 36 milles possibilités, on joue le jeu ou non. Et ce qui pousse souvent à ne pas le jouer, ce qui effraie, c’est son terrorisme. Cette terreur douce, à la fois criminelle...et bienveillante. Il est initiatique, éducateur... Lisez Baudrillard, De la séduction. C’est magnifique !

    Voilà pourquoi je pense sincèrement qu’il est tout bonnement impossible d’empêcher les rapports de force dans une relation amoureuse et de séduction. Ce n’est même pas souhaitable, ce n’est même pas l’enjeu.

    Et parlons donc de démocratie... Si l’on considère que la démocratie consiste à détruire les relations de pouvoir alors on se trompe lourdement... (L’Histoire n’a pas de fin et n’en aura jamais...)

    Non, la démocratie est bien davantage sa circulation, le tour et retour d’un pouvoir qui tourne. Voilà pourquoi il n’y a de relation amoureuse saine qu’à l’unique condition que la force tourne, que les positions de dominant/dominé puissent être renversées, occupées alternativement par les deux amants. Et que l’on y prenne du plaisir ...

    Voilà la différence entre un pacte et un contrat. Les contrats (de vente, de paix, etc...) arrêtent la circulation des forces et décident de qui domine. Définitivement. Et c’est cela qui est insupportable... C’est cela la tyrannie.


    ps : le « pacte » dont je parle, n’a bien évidemment rien à voir avec le libertinage ni ce que Sartre et « le Castor » ont pu « machiner », puisque leur correspondance a davantage révélé leurs échecs et leurs souffrances....


    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 4 juin 2011 15:56

      Bonjour marcuz,

      Merci pour ce commentaire qui apporte une belle contradiction superbement documentée.
      Pour lui faire la meilleure réponse possible, je choisis le format de réponse e-mail...

      Il se trouve que je viens de tomber amoureux de la jeune femme la plus belle du monde...bien évidemment. Elle m’aime, je l’aime. Pour autant, on est pas au pays des bisounours...

      Je m’en réjouis pour vous. Le pays de bisounours est assez vite lassant.

      Quand je lui dis que j’aime sa liberté, elle me répond (bien légitimement) que l’attachement suspend la liberté.

      Je manque d’information contextuelle pour décider de l’intention de communication de votre compagne. Je dirais que s’il s’agit pour elle de justifier une absence d’attachement de sa part, la citation de Sartre ci-dessous suffirait à lui montrer que cette position n’a rien de nécessaire.

      Quand je lui dit que je ne suis pas jaloux, ça la rend triste...

      Dès lors qu’elle a pour heuristique que l’intensité du désir s’évalue par la possessivité et la crainte de la perte, faire le constat que l’on vit avec un amant non jaloux peut en effet être déprimant. J’ai connu ça.

      Bref, .au delà de notre intimité (et mon témoignage s’arrêtera là...), les rapports du sujet à l’objet vont bien au delà de vos analyses,

      J’espère sincèrement que vous allez pouvoir me le (dé)montrer.

      à mon goût trop idéalistes,

      Je dirais plutôt simplistes vu le format nécessairement limité des textes que je présente

      trop contractualistes,

      vous m’intéressez...

      pour ne pas dire... moralistes.

      là vraiment, je serais surpris, mais je ne dis pas que c’est impossible car je ne peux prétendre maîtriser totalement ce que j’écris.

      Sartre le disait justement :

      "Il arrive qu’un asservissement total de l’être aimé tue l’amour de l’amant.

      Le « il arrive » est ici juste une formule prudente pour faire modeste et ne pas susciter la réactance du lecteur.
      J’imagine que s’il avait eu la volonté de faire science plutôt que philosophie, il se serait probablement risqué à l’hypothèse forte, sans aucune précaution particulière : "L’asservissement total de l’être aimé tue l’amour de l’amant".

      Le but est dépassé : l’amant se retrouve seul si l’aimé s’est transformé en automate.

      Exactement ce que je m’évertue à dire : nous voulons la rencontre avec un sujet et non un objet. Un automate reste un objet car, comme la marionnette lui manque le libre-arbitre qui est l’essence du sujet.

      Ainsi l’amant ne désire-t-il pas posséder l’aimé comme on possède une chose :il réclame un type spécial d’appropriation. Il veut posséder une liberté comme liberté.
      Mais, d’autre part, il ne saurait se satisfaire de cette forme éminente de la liberté qu’est l’engagement libre et volontaire. Qui se contenterait d’un amour qui se donnerait comme pure fidélité à la foi jurée ? Qui donc accepterait de s’entendre dire : "Je vous aime parce que je me suis librement engagé à vous aimer et que je ne veux pas me dédire ; je vous aime par fidélité à moi-même ?" Ainsi l’amant demande le serment et s’irrite du serment. Il veut être aimé par une liberté et réclame que cette liberté comme liberté ne soit plus libre. Il veut à la fois que la liberté de l’Autre se détermine elle-même à devenir amour - et cela, non point seulement au commencement de l’aventure mais à chaque instant - et, à la fois, que cette liberté soit captivée par elle-même, qu’elle se retourne sur elle-même, comme dans la folie, comme dans le rêve, pour vouloir sa captivité. Et cette captivité doit être démission libre et enchaînée à la fois entre nos mains. Ce n’est pas le déterminisme passionnel que nous désirons chez autrui, dans l’amour, ni une liberté hors d’atteinte : mais c’est une liberté qui joue le déterminisme passionnel et qui se prend à son jeu."

      (in L’être et le néant, III, 3)

      Très belle citation qui, telle que je la comprends, dit, en substance, que l’amant désire posséder un être libre, c’est-à-dire, un être qui vient librement, d’instant en instant, s’aban-donner à ses désirs, s’y conformer, mais sans jamais cesser d’être libre.
      Ce que Lacan a, je crois, très bien formulé aussi avec cette idée que « La femme cherche un maître pour le dominer ».
      Je vous le dis tranquillement, je ne doute pas une seconde que tout un chacun puisse être porté par des désirs aussi contradictoires que ceux-là.
      Mais précisément, le drame de la plupart des vies amoureuses est d’avoir à découvrir qu’ils sont absolument contradictoires et tout mon effort découle du fait d’avoir pris acte du caractère indépassable de cette contradiction qui, pour fixer les idées, consiste à croire qu’en compressant suffisamment la dialectique du maître et de l’esclave on pourra superposer l’un à l’autre.
      Ce que propose Sartre est une belle pirouette qui, à mon sens, relève de cet adage latin « ex falso sequitur quod libet » que je traduis en raccourci par « du faux il s’ensuit n’importe quoi ».
      Le faux se trouvant dans les tous premiers mots de la citation que je reformule pour faire apparaître clairement le problème :
      " L’amant désire posséder l’aimé non comme une chose mais comme une ..." (liberté etc.)
      Le faux, le problème, est dans ce postulat que l’amant désire posséder.
      C’est tout au plus une vérité statistique.
      Mais c’est faux en principe, parce que c’est le contraire de l’amour.

      Non, l’amour n’est pas un contrat. Il n’y a de contrats que dans la vie marchande. Et le « contrat social », politique ou amoureux ne sont que des chimères.

      Puis-je vous renvoyer au fait qu’à aucun moment je ne parle de contrat ? C’est assurément une projection que vous opérez.
      Ma proposition est bien plus « inclusive » car je parle de ce qu’il y a de plus fondamental, de plus générique, l’accord, dont le pacte, comme le contrat, n’est qu’une espèce ou une variété.

      Non, je parlerais davantage de pacte. Un pacte qui commence dés la séduction : ce jeu plein de pièges (à cons) et de coups (tordus) que l’on inflige à l’autre. Et qu’on consent à subir.... On a pas 36 milles possibilités, on joue le jeu ou non. Et ce qui pousse souvent à ne pas le jouer, ce qui effraie, c’est son terrorisme. Cette terreur douce, à la fois criminelle...et bienveillante. Il est initiatique, éducateur... Lisez Baudrillard, De la séduction. C’est magnifique !

      Je ne l’ai pas encore fait, mais c’est prévu, je sais que c’est une bonne référence smiley.
      Ceci dit, comme on juge d’un arbre à ses fruits, je serais volontiers porté à croire que je n’y trouverais pas ce que je cherche car je n’en ai pas vu venir d’échos par ailleurs.
      Mais j’irais voir, c’est sûr !

      Voilà pourquoi je pense sincèrement qu’il est tout bonnement impossible d’empêcher les rapports de force dans une relation amoureuse et de séduction.

      Je n’ai pas vu dans ce qui précède d’argumentation qui puisse emporter ma conviction.
      Mais je vous suis volontiers.
      Mon idée étant que, précisément, pour vivre en paix, il est sage de venir à la rencontre de l’autre sur le lieu de l’accord, ce qui n’est pas limitatif vu que l’on peut librement l’élargir jusqu’à obtenir un espace qui englobe l’univers...

      Ce n’est même pas souhaitable, ce n’est même pas l’enjeu.

      Oh que si.
      La paix est une aspiration fondamentale qui motive la plupart des divorces et qui explique la montée en puissance du célibat.

      Et parlons donc de démocratie... Si l’on considère que la démocratie consiste à détruire les relations de pouvoir alors on se trompe lourdement... (L’Histoire n’a pas de fin et n’en aura jamais...)

      Non, la démocratie est bien davantage sa circulation, le tour et retour d’un pouvoir qui tourne. Voilà pourquoi il n’y a de relation amoureuse saine qu’à l’unique condition que la force tourne, que les positions de dominant/dominé puissent être renversées, occupées alternativement par les deux amants. Et que l’on y prenne du plaisir ...

      Voilà la différence entre un pacte et un contrat. Les contrats (de vente, de paix, etc...) arrêtent la circulation des forces et décident de qui domine. Définitivement. Et c’est cela qui est insupportable... C’est cela la tyrannie.

      Dès lors que je travaille à un modèle psychologique basé sur le cycle, ce n’est pas moi qui vais vous contredire ici concernant la circulation.
      Elle est permanente.
      Mais ce que vous tenez pour la solution (le pacte) n’est qu’une description écologiquement valide (située) de ce qui fait que les humains peuvent souvent interagir en restant passablement en paix : le fait qu’ils se sont donnés des accords, explicites et implicites, mais des accords.
      La circulation est le b a ba de la chose, puisqu’on la retrouve dans le tour de parole.
      Le locuteur domine puis s’interrompt et laisse la parole à l’autre qui, de dominé (à l’écoute) devient dominant sous le rapport de la parole.
      L’accord est ici tacite et vous pourrez l’appeler pacte si vous voulez.
      Il s’avère que si l’un ne le respecte pas, il est généralement aisé de l’amener à convenir explicitement que l’on ne monopolise pas la parole et qu’on ne la coupe pas.
      Ce sera encore une fois un accord (et vous pourrez l’appeler pacte si vous voulez).
      Et je ne vois pas ici ce qui serait trop idéaliste, trop contractualiste ou même moraliste.
      C’est juste du savoir vivre en bonne intelligence que de s’accorder sur les attentes réciproques pour faire en sorte que la paix s’instaure entre les partenaires.
      Voilà désolé, mais il n’y avait pas dans votre tentative quoi que ce soit pour me faire m’écarter de mes propositions initiales.
      Mais peut-être ai-je manqué quelque chose,
      ce sera à vous de me dire.
      ps : le « pacte » dont je parle, n’a bien évidemment rien à voir avec le libertinage ni ce que Sartre et « le Castor » ont pu « machiner », puisque leur correspondance a davantage révélé leurs échecs et leurs souffrances....
      Je pense qu’il y aurait de belles analyses à réaliser à partir de leur relation.
      Mais si Sartre n’a pas fait le deuil de son désir de posséder, je ne suis pas surpris qu’échecs et souffrances soient au menu.

      • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 5 juin 2011 18:02

        @ marcuz

        Concernant Sartre, j’ai fait cette réponse... :

        "Ce que propose Sartre est une belle pirouette qui, à mon sens, relève de cet adage latin « ex falso sequitur quod libet » que je traduis en raccourci par « du faux il s’ensuit n’importe quoi ».
        Le faux se trouvant dans les tous premiers mots de la citation que je reformule pour faire apparaître clairement le problème :
        "
        L’amant désire posséder l’aimé non comme une chose mais comme une ..." (liberté etc.)

        Le faux, le problème, est dans ce postulat que l’amant désire posséder.
        C’est tout au plus une vérité statistique.
        Mais c’est faux en principe, parce que c’est le contraire de l’amour.
        "

        Je souhaiterais la préciser quelque peu.

        En fait, je crois que le problème de Sartre est qu’il télescope ici la dimension Eros de l’amour qui porte à la possession (le verbe posséder pouvant même désigner la copulation) avec la dimension de l’Agapé qui porte au don de soi et il essaie alors de résoudre la contradiction inhérente à ce télescopage alors qu’il serait si simple d’opérer le distinguo.

        Lorsqu’il est porté par son désir physique, l’amant est dans l’Eros et il aspire tout naturellement à posséder l’objet du désir. Lorsque Agapé est non seulement présent mais dominant, Eros se trouve contenu et l’objet du désir cesse d’être vu comme objet et est alors respecté comme sujet. Il n’y a pas de contradiction alors. L’amant ne désire pas posséder. Tout au contraire, il désire l’autre libre.

        Dans la présentation que nous fait Sartre, c’est le contraire qui prévaut : Eros domine Agapé, qui, bien que présent, est récupéré. Dès, le désir de posséder s’affirme comme désir d’une liberté qui s’aban-donne d’instant en instant et qui offre ainsi de manière constamment renouvellée l’intense plaisir de la prise de contrôle, de la possession.

        Est-ce que tout cela est assez clair ? Je n’en suis pas sûr... smiley


      • loco 4 juin 2011 22:46

         Bonsoir,
         Bon, j’ai quelque peine avec votre problématique de pouvoir et d’indépendance...
         Vous semblez vouloir partir d’un « je » assez défini, bien qu’il soit ’« un autre » , pour attendre, voire exiger, de l’autre....
         Imaginons un instant que la relation amoureuse soit impérative, une forme de la course à l’échalote qui vous prend par le fond du froc et vous pousse on ne sait où. Et que cette aspiration, ce désir profond qui dépasse le domaine du sexe, vous fasse douter, non, renoncer,pas plus, mais composer avec ce que vous aviez cru connaître de vous-même. Et que vos principes, attentes, vouloirs, deviennent soudain... relatifs,discutables.... moins importants que le plaisir de l’autre. Imaginez cette ivresse... et comment, en ce cas, ne pas espérer de cet autre qu’il puisse (je n’ai pas dit « doive ») vous rejoindre sur certains points, y travailler, comme vous travaillez vous-même à l’approcher sur d’autres.... 
         Un amour sans ivresse, sans perdition et sans espoirs.... n’est qu’une relation.. Fuyez !! :


        • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 5 juin 2011 18:46

          @ loco

          Désolé, mais l’amour sous contrainte ou qui vous prend comme une envie de pisser tellement incontrolable que vous êtes prêts à tous les compromis ne me paraît pas un modèle très satisfaisant.

          A un moment donné, il importe de savoir ce que l’on veut. Si vous êtes prêts à transiger sur tout en fonction des circonstances, vous serez vite comme un bateau sans gouvernail.

          Alors bien sûr l’ivresse du large, des courants et des vents qui vous amènent vers l’inconnu, c’est exhaltant sur le papier.

          Le problème c’est quand vous savez que les vents et les courants vont fatalement vous porter vers Charybde et Scylla.

          Pour ma part, je préfère avoir une carte et un gouvernail. L’aventure, la vraie commence alors car il s’agira alors d’explorer des espaces inconnus et non pas ces éternels « sentiers battus » qui mènent trop souvent à la catastrophe après l’illusion.


        • Eleostearique 5 juin 2011 11:27

          J’ai lu avec attention votre cinquième article.
          En le lisant je me suis rappelée le film, « Un jour sans fin ». Il me semble que le héros, en renonçant finalement à posséder l’héroïne, elle était passée du statut de l’objet à sujet, a eu l’agréable surprise de découvrir la jeune femme à ses côtés le lendemain. Un cadeau inattendu !

          Il me semble que les accords seraient selon vous ce qui permettrait de maintenir la magie des premiers instants.
          Vous dites que sans ces accords, généralement, les couples perdent leurs illusions et la magie de ses premiers instants.

          Trouver des accords dans un couple naissant me semble quelquefois périlleux. Amoureux, nous voyons en l’autre souvent la promesse que notre couple sera un couple parfait, que nous importe que les fleurs ne nous sont pas offertes, qu’importe le retard (nous l’attendons depuis tant d’années !), qu’importe qu’il nous ne demande pas notre accord pour le programme de la soirée, on se dit : Avec lui c’est une aventure ! / qu’importe ce qu’on fera, le plus important c’est que nous soyons ensemble ! / je lui fais entièrement confiance.
          Alors à quel moment nous déciderons de mettre en place ces accords ? Quand les désaccords se profilent à l’horizon ?
          Encore faut-il reconnaître qu’il y a désaccord ? C’est si facile de faire l’autruche pour préserver encore un peu plus longtemps la magie des premiers instants !


          • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 5 juin 2011 18:15

            @ Eleosterarique

            J’ai compris le film « Un jour sans fin » autrement que vous le faites. Ce qui a amené la réalisation du désir du héros, c’est qu’il a cessé d’en faire le seul objectif de sa journée (donc de sa vie). Il s’est construit une vie riche, pleine de sens et de succès par l’ouverture qu’il avait enfin vis-à-vis des autres et il n’a eu le moment venu aucune difficulté à y intégrer la belle.

            Vous m’avez parfaitement compris. La magie des premiers instants est basée sur l’illusion d’un accord généralisé tout simplement parce que la plupart de l’espace des possibles n’a pas été exploré et est donc seulement anticipé de manière idéalisée. Les accords permettent de réaliser effectivement cet accord généralisé qui suscite la magie des premiers instants.

            Tout à fait d’acccord avec votre observation : c’est si facile de faire l’autruche ! et de se laisser porter par l’ivresse d’une illusion que la réalité n’est pas encore venue démentir.
            A mon sens, il y a tout intérêt à venir aux accords quand la magie est encore là, avec l’objectif de la préserver. Quand elle est perdue, la chose est plus difficile et forcément plus douloureuse, mais toujours possible je crois.


          • Eleostearique 5 juin 2011 16:52

            A propos du commentaire de Marcuz.

            La jalousie pour certaines personnes est une preuve d’amour. 
            J’ai une amie qui a toujours rêvé de rencontrer un homme jaloux car son précédent amoureux ne l’était nullement ! Comme sa précédente histoire a été déplorable, elle en avait déduite que cet ami ne l’avait jamais aimé car il n’avait jamais manifesté le moindre signe de jalousie !
            Maintenant elle a un mari jaloux, possessif qui lui fait des scènes pour des petits riens. Il en est même devenu jaloux de ses amies qui d’après lui risquent de l’influencer de façon négative en lui suggérant par exemple que son mari est maladivement jaloux !
            Pourtant, c’est lorsque son mari manifeste ouvertement sa jalousie qu’elle retrouve du désir pour lui. Elle est prête à ce moment a oublié tous les mauvais moments qu’elle a connu avec lui pour lui trouver des qualités !

            Je me demande même si certaines personnes ne préfèreraient pas se séparer d’un partenaire qu’elles ne jugeraient pas « jaloux » pour conserver intact l’association qu’elles feraient entre « être amoureux » et être jaloux. Car sinon comment elles pourraient se rassurer sur l’amour que leur porterait leur partenaire.


            • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 5 juin 2011 18:27

              @ Eléostéarique,

              Merci pour ce très intéressant exemple.
              Dans la relation amoureuse nous vivons tous un enjeu identitaire, une évaluation de nous-même dans le regard de l’autre.
              Le problème est quand nous avons une faible estime de nous-même, une faible confiance en soi. Dans ce cas, les moindres signes d’attention de la part de l’autre peuvent constituer pour nous des satisfactions non négligeables.
              Ainsi, le jaloux, dans le pur désir de possession, qui traite l’autre comme objet bien plus que comme sujet (de par sa recherche constante de contrôle) peut ainsi, malgré tout, apporter des satisfactions à celui/celle qui cherche même les moindres signes de sa valeur dans le regard de l’autre.

              Mais cette nourriture qui nous fait objet davantage que sujet est toxique, comme une drogue, elle nous mine, nous affaiblit et nous rend aussi dépendants. Il faut apprendre à le reconnaître pour s’en déprendre et se porter vers la seule nourriture qui vaille : celle qui vient d’un être qui nous respecte en tant que sujet


            • Eleostearique 5 juin 2011 17:01

              A Luc-Laurent Salvador

              Je songeais que la recherche d’accord métamorphoserait le Prince charmant fraîchement rencontré en ...un homme banal !

              Est-ce bien ça l’amour ?


              • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 5 juin 2011 18:33

                @ Eleostearique,

                J’imagine que si vous aviez eu l’occasion de vivre la logique de l’accord vous sauriez que loin de faire du conjoint un être banal, elle place d’emblée la rencontre sous le sceau de la magie et de l’exceptionnel car la relation est alors dégagée de toutes ces angoisses et appréhensions qui l’alourdissent et font les affres des premiers émois qui tourmentent les angoissés.

                Tout cela tombe d’emblée et les amants libérés de toute conflictualité et de ces tristes tentatives d’emprise réciproque se retrouvent immédiatement projetés dans le céleste.

                Pour ma part, le choix est vite fait.


              • tikhomir 6 juin 2011 11:46

                J’avoue avoir un peu de mal avec ces accords. Il est bien évident qu’à un moment ou à un autre, au moins l’une des deux parties, brisera un ou plusieurs accords voire finira par partir et laisser l’autre tout seul. L’un va forcément rompre un accord un jour ou l’autre, l’autre le lui reprochera et le premier dira « oui, mais je suis libre » et l’autre « oui, mais tu t’es engagé sur ce point » et le premier « Oh ça va, garde ta morale » et paf, c’est la dispute assurée voire parfois (souvent de nos jours), la rupture. Où est la paix ?

                Un bon moyen pour avoir la paix dans ce que vous dites, c’est la rupture, on se dispute à la rigueur une bonne fois, c’est un mauvais moment à passer et voilà. Mais cela n’a rien d’évident et vous le dites dans cet article : les gens ont peur d’être seuls.

                Vous savez aussi bien que moi que les gens sont soumis aux émotions, aux sentiments, etc. et ce, au delà des accords X ou Y. Le risque à trop vouloir s’accorder, c’est de ne suivre que « la lettre » mais plus l’esprit et d’induire une certaine rigidité pesante et lorsque c’est pesant, il est grand le désir d’enfreindre les règles pour avoir la sensation de retrouver un peu de liberté.

                Beaucoup ont peur de tout : de l’engagement, de la solitude, du conflit, des autres, etc.. Et qu’est-ce qu’ils font ? Rien de plus que ce que la bête société leur a dit de faire : fuir. Fuir, l’engagement, éviter d’être seul (mais sans être trop engagé, d’où les PC ou PCRA), éviter les conflits et les fuir aussi (ruptures).

                Ce n’est peut-être que mon impression, mais quand je regarde ce qu’il se passe autour de nous (dans notre région du monde en tout cas), je vois que la plupart des gens sont terrorisés... par quoi ? Mais rien en plus et le pire, c’est qu’ils appellent ça « être libre »... Il y a de quoi rire... ou pleurer.

                Je pense donc qu’avant, pour que les choses se passent mieux, il faudrait que les gens cessent d’avoir peur.

                C’est un peu la même chose en ce qui concerne la paix. S’il est clair que toute personne aspire à la paix et au bonheur, quelques accords ne suffisent pas et vous le savez bien. Au delà de tout ça, il y a une maîtrise de sa personne à avoir, de ses émotions, une analyse des faits, et de sa propre personne mais aussi de l’autre, de sa/ses relations à faire et à refaire régulièrement.

                Vous avez déjà parlé de la maîtrise de soi-même et c’est là que je vous rejoins : c’est révolutionnaire.

                Mais je pense tout de même, peut-être que cela viendra dans le prochain et dernier article, qu’il manque quelques notions pour la mise en pratique de la théorie.


                • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 6 juin 2011 19:45


                  Bonsoir tikhomir,

                  Votre message est très intéressant pour moi car il me permet de repérer les liens que je n’ai pas fait ou pas suffisamment soulignés car, précisément je ne les repère pas dans votre propos.

                  Partons de la fin qui va droit à l’essentiel, la maîtrise de soi.

                  Comment pensez-vous qu’elle vienne ? Essentiellement par le fait d’accepter à l’exercice délicatissime de... respecter l’autre. Le contrôle de ses émotions, représentations, paroles, comportements etc. n’est jamais aussi bon que lorsque en présence d’autres que nous respectons.

                  Et la logique de l’accord est, par excellence, l’exercice de maîtrise de soi où on se voue au respect de l’autre. Ce dernier est ainsi explicitement invité à tenir le rôle de « garant » des engagements que l’un a pris vis-à-vis de lui/elle.

                  On ne lutte qu’avec soi-même. Venir à l’accord, lorsqu’on a compris ce qu’est un accord, c’est se donner pour projet de tenir, contenir, controler un comportement ou une attitude dont on ne veut plus parce qu’on a reconnu qu’elle était irrespectueuse vis-à-vis de l’autre.

                  Que ce soit arriver en retard, couper la parole, monopoliser la parole, mentir, crier, ne rien remettre en place ou je-ne-sais-quel autre « travers », quand on a reconnu que l’autre est fondé à demander à en être protégé, on ne fait, via l’accord, que se donner un challenge à soi-même.

                  Et l’autre (qui fait de même de son côté) nous y aide, comme deux mains se lavent mieux l’une l’autre.

                  Celui qui consent à l’accord et qui ensuite dit « dégage » à celui qui le met face à ses engagements ne mérite pas qu’on cherche à s’inscrire dans des accords avec lui.

                  Il ne laissera personne en paix.

                  Mais deux personnes qui ont compris que la logique de l’accord n’exige nullement d’eux la perfection mais seulement 1) la capacité à reconnaître qu’ils n’ont pas atteint leur objectif, qu’ils ont manqué de respect à leur partenaire et 2) la volonté de réparer ainsi qu’il est prévu par l’accord (indispensable) vont pouvoir vivre à tout instant dans la paix la plus totale.

                  Car les moments de désaccord naissant pourront toujours être renvoyé à des temps de construction de l’accord, des temps d’accordage.

                  Quoi qu’il en soit, je crois devoir insister sur l’idée que la logique de l’accord certainement une des meilleures stratégies possible de maîtrise de soi car elle amène à passer par la case la plus délicate pour l’Homo Sapiens actuel  : celle où l’on adopte une posture responsable et on reconnait ses manquements, le non-respect de ses engagements.

                  C’est ça le plus difficile : reconnaître (qu’on a pas respecté l’accord). La réparation est généralement plus facile à accomplir  (demander pardon, dédommager, régler la sanction convenue, etc.).


                • tikhomir 6 juin 2011 21:44

                  Oui, à peu de choses près (ne chipotons pas sur les détails, ce n’est pas le sujet ici), nous sommes toujours d’accord et je vous entends très bien. Oui mais oui mais... Vous faites votre révolutionnaire là.


                  La société ne favorise pas ces comportements, cet environnement qui dit qu’il faut céder aux pulsions, ne pas trop s’engager, etc.. Là vous demandez (disons plutôt « proposez ») exactement l’opposé. C’est donc révolutionnaire. Cela va être difficile de faire admettre aux gens qu’il faut se maîtriser alors que le monde dit le contraire.

                  Si on enlève le contexte du PCRA, de l’acte sexuel, les niveaux d’engagement, etc., franchement, j’entends globalement le même discours dans votre bouche (enfin, façon de parler par écrit...) que dans celle d’un moine catholique qui parle de la vie en communauté avec ses frères moines. D’un homme et d’une femme mariés et leurs enfants. Je vous dirais aussi de moi-même et de la petite communauté d’amis que je fréquente. Etc.. Tout cela est inhérent à toute vie partagée sérieusement. Toute vie communautaire, partagée sérieusement doit avoir une règle explicite ou implicite (où l’esprit de charité prime et non la lettre) commune à tous les individus du groupe et à laquelle chacun adhère, c’est évident.

                  Fut un temps, certaines des règles dont vous parlez étaient évidentes et n’avaient pas besoin d’accord : la ponctualité, ne pas mentir, crier, couper la parole, etc.. On appelait ça « la politesse ».

                  Je sais bien que vous n’avez pris que des exemples, mais ce sont de bien tristes exemples.

                  D’où ma question : si vous proposez ce type d’engagement aux gens, les accords, s’y tenir, la maîtrise de soi-même, etc.. Est-on encore dans la logique du PCRA ? Peut-on encore appeler ça un PCRA ? Je rappelle PCRA = Plan Cul Régulier Affectif, cela se distingue du bête « plan cul (régulier ou non) », par le fait de pouvoir aussi sortir ensemble, etc.. Si en plus, il y a autant d’engagement et d’accords : ce n’est plus vraiment un PCRA, c’est une relation de couple, une vraie. C’est donc différent d’un PCRA tel qu’imaginé par ceux qui adhèrent au concept.

                  Tel que je lis vos textes, le PCRA n’est pas quelque chose de satisfaisant en soi et ce que vous racontez ne me semble pas être la « théorie du PCRA », mais un cas particulier de quelque chose qui pourrait (et qui l’est chez un certain nombre de gens encore) être généralisé. On pourrait simplement appeler ça : « théorie de la vie commune » (indifféremment du degré de vie commune).

                  Non ?

                • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 6 juin 2011 22:24

                  Oooops. Il est bien trop tard ici pour que je puisse faire une réponse détaillée. Mais vous me faites découvrir un énorme bug dans ma communication.

                  La théorie du PCRA était cantonnée au PCRA. Et j’en ai tout dit je croyais en montrant ses limites.
                  Bref, après, je suis allé sur l’autre rive.
                  Le PCRA est toujours au milieu du gué et ne m’intéresse pas plus que ça à présent.

                  Ce dont je parle n’a strictement, mais alors strictement rien à voir avec le PCRA
                  Et je mesure à quel point j’ai mal conçu mes titres.
                  qui induisent affreusement en erreur.

                  Autrement dit, ce dont je traite est d’une renaissance actuelle (au double sens du terme) de l’amour courtois.

                  Laissons le PCRA où il est. Passons aux choses sérieuses.
                  Voilà, je m’en tiens là pour ce soir. Enfin disons ce matin.
                  Encore désolé pour le contresens...

                  Je reviendrai ce soir sur tout ça.


                • tikhomir 7 juin 2011 10:53

                  Je me disais bien aussi qu’il y avait un problème avec l’histoire du PCRA. C’est vrai que j’ai une réflexion simple : le titre reflète le contenu. C’est peut-être moi qui suis trop simple et maintenant que vous le dites, je vois mon erreur de lecture. Ceci dit, même sans ça, cela ne change pas mon propos sur la généralisation de ce que vous dites, amour courtois ou non, je trouve que cela ressemble beaucoup à d’autres types de relation. Ce qui diffère beaucoup, c’est 1/ le type d’engagement 2/ la façon d’exprimer son amour de l’autre.

                  J’ai donc à nouveau hâte de vous lire smiley.


                • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 7 juin 2011 21:13

                  Le titre « Théorie du PCRA » correspond au projet initial d’expliquer « pourquoi il existe quelque chose comme le PCRA ? ».
                  Il est clair que j’ai voulu aller au-delà de cette seule question et j’aurais donc dû changer le titre pour les articles suivants.

                  La réflexion que je mène porte sur les conditions de possibilité de la rencontre amoureuse qui me paraît la plus désirable, celle qui vise la rencontre des êtres et non pas seulement celle des besoins physiques et affectifs.

                  Il est clair que « théorie du PCRA » est le plus mauvais titre qui soit pour désigner cette tentative.

                  Merci de m’avoir donné l’occasion de cette mise au point.


                • Malika 6 juin 2011 19:23

                  D’après ce que j’ai compris, les accords donneraient lieu à une sorte de règlement intérieur de la vie de couple.
                  J’aurais l’impression, si je devais mettre en place des accords dans ma relation, de ramener du travail à la maison !
                  Par ailleurs, ce n’est pas gagné car un des partenaires peut avoir une sainte horreur des discussions « prises de tête » ? Je pense que les accords dès le début d’une relation ferait fuir le partenaire, il aura peut-être le sentiment ...qu’il n’y a pas de sentiment mais de froid calcul destiné à nous protéger des assauts de ce dernier !


                  • Malika 6 juin 2011 19:49

                    Une petite curiosité ?

                    Quand deux êtres libres se rencontrent dans le cadre que vous définissez, que se passe-t-il ?
                    Il me semble que la relation serait intense et également éphémère !
                    Pourront-ils vivre sous le même toit tout en étant libre ? Pourront-ils s’engager dans l’achat ou la construction d’une maison ? Pourront-ils envisager de fonder une famille ? Est-ce que l’arrivée d’un enfant ne va pas saccager leur belle relation !
                    La mère exténuée, sentant bon le lait, ayant les traits tirés par les heures passées au chevet de son nouveau-né, préoccupée par les rougeurs apparaissant ici et là sur la peau du bébé, s’inquiétant des kilos qui alourdissent ses hanches...serait-elle toujours perçue comme un être libre, où serait-elle devenue un amour ancillaire ?
                    Le quotidien n’a pas de place dans cette relation !
                    Elle me fait penser aux contes de fées, cela nous fait rêver mais nous savons bien que ces histoires ne dépasseront jamais le cadre du livre.


                    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 6 juin 2011 19:54

                      Bonsoir Malika,


                      Que voilà de belles observations.

                      Oui, avec les accords il s’agit bien de ramener du travail à la maison, 

                      du travail... sur soi !

                      Si vous considérez ne pas avoir à faire de travail sur vous, demandez à votre partenaire. Peut-être sera-t-il d’un autre avis.
                      Et s’il l’est effectivement, s’il pense que vous auriez à travailler sur tel ou tel point, demandez-lui alors s’il pense, lui, avoir un travail à faire sur lui.
                      S’il est un tantinet sensible et intelligent, il vous demandera votre avis...

                      Si par contre vous rencontrez le genre de gars qui vous dit « pas de prise de tête », pas de discussion, tout va toujours bien, au moins en ce qui le concerne, eh bien, fuyez, ou faites le fuir.

                      La recherche d’accords respectueux du partenaire est une bonne épreuve. Le compagnon de valeur sera toujours désireux de passer cette épreuve.

                      Celui qui n’est là que pour un PC mais vous vend du sentiment à la louche fuira avant d’y venir.

                      Si vous me permettez ce conseil... ne vous laissez pas avoir par ceux qui jouent les victimes. Sachez ce que vous voulez. Et vous l’aurez.


                      • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 6 juin 2011 20:02

                        @ Malika,


                        Je réponds à présent au second message qui porte sur la question du quotidien.

                        Je dirais que la réponse est facile ici. Lorsque deux amants se rencontrent hors de tout contexte réel, hors de toute inscription dans le quotidien, ils n’ont aucune peine à être en accord à tout instant. C’est la magie des voyages. C’est pour ça que les lunes de miel se font hors de la maison.

                        Quand on se limite à ce contexte, nul besoin d’accords.

                        C’est quand on rentre dans le quotidien que les accords deviennent impérieux. Car alors, ainsi que vous le suggérez excellement, adieu la magie.

                        Avec les accords, elle reste, elle grandit même avec l’étonnement de voir la paix grandir encore et encore, de jour en jour... smiley

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