1,5 million d’euros, acte I - Le grand ménage, acte II
Marianne dans son dernier numéro révélait le scandaleux parachute doré, parachute doré honni de la doctrine sarkozyaque (quand cela paye électoralement), de Denis Gautier-Sauvagnac. Cette dénonciation de petits arrangements entre amis a quelque peu secoué la maison et la patronne des patrons, Laurence Parisot. Cela lui a même coupé la chique et raccourci ses vacances, tant que ce n’est pas la tête, même si nous sommes tombés en monarchie, la peine de mort a été abolie et la guillotine rangée au musée des horreurs.

Madame Parisot a dit qu’elle ne laisserait pas faire, et ma foi cela a traîné quarante-huit heures. C’est un délai raisonnable. Mais le coup de mitraille en vaut la peine.
Revenons-en à notre affaire. Les rouages des relations sociales grinçant le plus souvent, les héritiers du comité de forges, l’UIMM ont décidé de puiser dans leur cassette pour huiler (fluidifier sera le terme de DGS) les engrenages. En fait cette forteresse syndicalo-patronale crée en 1972 l’EPIM (entraide professionnelle des industries de la métallurgie) pour aider les entreprises après de lourds conflits sociaux. La restructuration de la métallurgie est passée par là. Ces cotisations volontaires (de 1793 au départ - ce n’était pas la date de la Terreur révolutionnaire - les cotisants sont tombés à 175 en 2006). Les sommes collectées et défiscalisées car déductibles de l’impôt sur les sociétés (donc indirectement payées en parties par l’ensemble des contribuables) sont rondelettes (310 millions), celles reversées sont moindres (144). On pense aujourd’hui que ce syndicat dort sur un pactole - rien de mieux que de l’eau pour fluidifier, et qu’un fleuve pour fournir l’eau courante d’autant mieux quand cette eau est chargée d’or - de 600 millions d’euros. On imagine bien ce que l’on pourrait faire de positif pour cette industrie avec cette somme plutôt qu’elle n’alimente les circuits financiers et, pour une petite part de 19 millions, la fluidification des relations sociales. Ce sont Les Echos qui avaient révélé l’affaire. Au total 26 millions d’euros ont fui des réservoirs du syndicat dont quelques gouttes bien épaisses pour payer les collaborateurs de Sauvagnac. On remarquera alors que ce n’est pas le rôle d’un syndicat, que celui-ci a aussi servi de banque à ses dirigeants dont 2,3 millions pour DGS. Mais le conglomérat syndiqué de la métallurgie n’est pas avare de ses picaillons. En effet il a dépensé depuis septembre 2007, 30 000 euros par mois (oui 30 000, les avocats sont donnés, notre avocat de président en sait quelque chose) pour les frais juridiques de la défense de son ex-président. En plus des 1,5 million d’euros pour le départ à la retraite, l’UIMM s’est engagée à payer également tous les redressements et amendes, car si DGS ne dénonce personne, alors il est censé être redressé fiscalement comme nous l’apprend le journal Le Monde. Lorsque l’on dit que l’on n’a pas acheté son silence, il faudra nous expliquer alors pourquoi on paierait un redressement fiscal qui serait évité tout simplement en dénonçant les bénéficiaires. La réponse est dans la question. Avec les 200 évadés fiscaux au Liechtenstein, cela ramènerait un peu de galette au Trésor public et remplirait les caisses vides et vidées par le pouvoir. Le scandaleux est à tous les étages dans cette affaire. Scandale du salaire déjà, à 20 000 euros nets, alors qu’il s’agit d’une fonction syndicale et non de la direction d’une entreprise. Scandale des versements occultes aux dirigeants qui ne payent ni les charges ni les impôts, spoliant les caisses sociales et les caisses de l’Etat. Scandale de cette prime de départ, ce parachute doré, alors que de belles âmes déclaraient que c’était habituel dans le monde économique sauf qu’un syndicat n’est pas une entreprise et que, donc, dans ce cas c’est purement choquant. Scandale de la lenteur de la justice pour la mise en taule. En effet, Kerviel à peine 15 jours après la découverte des faits découvre les hôtels grillagés de la République, DGS, après 5 mois de mise sur la place publique, mais 7 mois après le début d’enquête est en vacances, avec prime en poche, emploi sauvegardé, pouvoir conservé et salaire versé.
Tout cela a fait du bruit et n’a pas été du goût de Laurence Parisot. On lui a reproché sa timidité. Cette timidité se retrouve dans les propos lénifiant de Fillon et le silence assourdissant de notre bien-aimé Guide qui pourtant a un avis sur tout, qui pourtant a sifflé la fin de match des parachutes dorés, qui pourtant a demandé très rapidement la démission de Bouton, le réitérant lors de son fameux entretien au Parisien. Il est vrai qu’il avait emmené avec lui en Afrique du Sud Anne Lauvergeon, présidente d’Aréva et membre du conseil qui avait avalisé le fameux parachute. Vous remarquerez au passage qu’il y a beaucoup de ci-devant dans cette histoire : Frédéric Saint-Geours nouveau président qui laisse faire, Michel de Virville qui a négocié l’accord incriminé et inique et qui, le comble, avait pris la présidence de l’UNEDIC, cet organisme qui cherche par tous les moyens à réduire ses versements d’indemnités chômage et enfin Dominique de Calan, lui aussi mis en examen, lui aussi aurait une prime au départ et au silence. Il est à noter le silence complet de l’UMP dans cette histoire. Alors que du côté du FN (ça, taper, ils aiment, surtout ce genre de dénonciations, le tous pourris), du PS et du Modem, notamment avec les déclarations vigoureuses de Marielle de Sarnez (une "de" aussi) - c’est vrai que je favorise ici les déclarations du Modem, mon péché mignon - eux l’ont ouvert à grands cris. Mais on va l’entendre d’ici peu cette UMP qui virevolte comme une girouette et s’indigne à contre-temps quand ce n’est pas à contre-emploi.
En attendant, même si la réaction de la présidente du MEDEF fut tardive (quoique 48 heures ce n’est pas trop), elle a été d’une violence inouïe dans ce monde feutré et dur. On peut s’interroger sur sa franchise lorsqu’elle dit qu’elle ignorait tout. On peut s’interroger sur la spontanéité de sa réaction et se demander si elle n’aurait pas agi sous la pression. On peut ne pas lui laisser le bénéfice du doute, en revanche on peut constater que la réponse du berger à la bergère a été un boulet de canon, boulet rouge et chauffé à blanc, boulet non fondu dans les forges. Elle a répété à plusieurs reprises qu’elle était en colère. Elle a demandé un sursaut de transparence et d’honnêteté. Elle a surtout demandé une démission en bloc des dirigeant de l’UIMM. Monsieur de Virville ayant déjà donné la sienne. Les autres vont suivre. C’est sans aucun doute un tremblement de terre. La déclaration de madame Parisot est d’une extrême violence. Elle impose à tous les membres de l’UIMM de se révolter en quelque sorte et à tous les dirigeants qui ont un mandat paritaire au nom du MEDEF de les remettre en les mains de ce même MEDEF. Il ne faut donc pas se tromper. C’est une bombe atomique. L’UIMM jusqu’à l’élection de miss Parisot a été une forteresse dans la forteresse, un faiseur de rois. Cette organisation syndicale, puissante économiquement (elle représente les industries les plus lourdes et des milliers et des centaines de milliers d’emplois) a perdu de son influence avec la modification du paysage économique, mais ni sa superbe, ni son pouvoir, ni son arrogance. Son candidat battu par une femme en plus avait dû leur rester en travers de la gorge. On peut se demander, du reste, si ce n’est pas un chien de sa chienne, qu’a réservé par ses déclarations Laurence Parisot à ce bastion du passé et de l’iniquité, de la force qui écrase et domine. Trop sûrs d’eux, ils ont cru qu’ils pouvaient tout se permettre, riches, ils ont pensé que tout s’achetait dans l’impunité. On pourra reconnaître, qu’elles qu’en furent les raisons avouables et non avouables, honnêtes ou intéressées, spontanées ou forcées, que ce coup de pied, ce formidable coup de pied dans la fourmilière sera un bien. Et si par ailleurs l’appel à un autre patronat est entendu, si un jour les plus ouverts, les plus tolérants, les plus honnêtes, les moins arrogants d’entre eux, les plus humains prenaient un jour la majorité et le pouvoir, l’économie et la morale pourraient se réconcilier. Ce jour-là madame Parisot, toute patronne fût-elle, toute hyper-libérale fût-elle, y aura tenu un rôle qu’il faudra retenir. Cependant la messe n’est pas dite, nous ne sommes pas à Latran. En effet, la forteresse ébranlée ne se rend pas si facilement. Le Monde nous éclaire : Denis Gautier-Sauvagnac a vertement répliqué, dimanche, par l’intermédiaire de son avocat : ses conditions de départ "ont été fixées selon une procédure régulière et juridiquement incontestable", et "l’injure n’apporte rien au débat, il vaut mieux garder son sang-froid plutôt que de s’évertuer à envenimer une situation dont la justice est saisie", a déclaré Me Jean-Yves Le Borgne à l’AFP, en référence à la mise en examen de son client dans l’affaire du retrait en liquide d’une vingtaine de millions d’euros sur des comptes de l’UIMM entre 2000 et 2007. Il a ajouté que l’ancien président de l’UIMM "s’interroge sur les réelles motivations d’une véhémence qui ne sert pas la cause de l’entreprise". Et dénoncé une tentative d’"OPA" sur l’UIMM.
Le nouveau président de l’UIMM, Frédéric Saint-Geours, a de son côté fait savoir qu’il convoque, lundi, "une réunion exceptionnelle du bureau pour prendre les décisions qui s’imposent", au "vu de la campagne violente à l’encontre" de cette fédération patronale. Laurence Parisot, qui souhaitait le rencontrer lundi pour lui demander des "éclaircissements", se voit priée d’attendre l’issue de cette réunion. On remarquera juste que la technique de l’UIMM est la même que celle de Sarkozy : contre-attaque, insinuation, demande de se calmer, recadrage (légalité des sommes versées), victimisation et suspicion (on s’interroge sur les réelles motivations d’une véhémence...) et nous faire prendre des vessies pour des lanternes (Ah la Lanterne !). Comme si utiliser 20 millions d’euros détournés pour fluidifier les relations sociales et payer au noir les collaborateurs du président de l’UIMM n’était qu’une peccadille, comme si rien n’était plus normal que de garder à un poste de dirigeant celui qui a reconnu ces versements illicites, comme si lui conserver sa paye et de plus le gratifier de 125 années de SMIC était moral, et que ceux qui s’indignent n’étaient de sinistres mauvais joueurs, aigris, jaloux, vous connaissez la suite. Du reste à cette heure notre Guide est toujours silencieux.
Extrait du JT de 20 heures de France 2 (je n’ai pas trouvé de vidéo sur Dailymotion ni Youtube) ici.
17 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON