10 Mai 1981 : « le Palace vote François Mitterrand »
Au début des années 80, le monde de la nuit parisienne est déjà une caisse de résonnance. Et c’est dans ce contexte qu’intervient la prise de position de Fabrice Emaer, fondateur du « Palace ».
En mai 1981, je n’avais pas 20 ans, et plein de projets en tête. J’avais - entre autre - le projet de reprise d’une radio, qui émettait d’Italie vers la France, Radio Azur 102. Après avoir conclu un accord avec le propriétaire de la radio, à Monaco, J’avais rencontré, rue Bayard, Jules Felten de la CLT (propriétaire de RTL) qui était intéressé par le projet. J’avais pris contact avec Patrick Meyer, ancien directeur de Radio 7 , de Radio France, pour les programmes, et j’avais même rencontré le président de la Sofirad, qui ne m’avait pas caché tous les ennuis que mon projet illégal allait m’attirer…
Entre projet de radio libre et Palace…
J’ai donc, très vite, au cours de la campagne présidentielle de mai 81, compris que François Mitterrand était le candidat de la libéralisation des ondes. Je me souviens, à Paris, dans un lieu que je fréquentais, le Palace et le Privilège, de la réplique d’une de nos relations ; à ma profession de foi « Mitterrand ? Et nos châteaux ? »… A cette époque, la nuit parisienne était pleine d’extravagances, avec cette soirée organisée par Karl Lagerfeld dans un Palace couvert de roses rouges fraiches, en présence de Kenzo et chroniqué par Alain Pacadis. Même si l’attachée de presse des lieux, Sylvie Grumbach, m’avait fait part de sa filiation personnelle avec Pierre Mendes-France, je ne me souviens pas cependant d’un élan militant en faveur du candidat de la gauche…
La prise de position de Fabrice Emaer
C’est dans ce contexte qu’intervient la prise de position pour Mitterrand de Fabrice Emaer, une figure de la nuit parisienne, le créateur et le patron des lieux. Fabrice était un homme grand et élancé, blond, et élégant. Il figurait dans toutes les revues au bras des stars de la nuit. Le glissement du Palace avait commencé par l’affichage d’une lettre de réponse signée Pierre Beregovoy, s’engageant pour l’abolition des discriminations contre les homosexuels , à l’entrée du Privilège. Et puis lors de l’anniversaire de Fabrice Emaer, devant l’ensemble des habitués du Palace, dont peu étaient de gauche, cette phrase de Fabrice avait marqué « mes amis, si vous voulez vraiment me faire un cadeau, alors, votez pour François Mitterrand. Oui, Le Palace vote François Mitterrand ! » Je me souviens encore du visage désolé de tant d’invités, dont des nièces de Valéry Giscard d’Estaing…
Le 10 mai, Bastille, et motards…
Et puis arrive cette soirée du 10 mai 1981. Nous sommes, avec mon ami Christophe Gauthier, dans l’appartement cossu des parents de James, un de ses amis, qui regardaient la télévision en famille, et avec des avis partagés sur ce qui allait arriver maintenant… Et puis nous voila partis, avec James et Christophe, sur les portes bagages de deux scooters, vers la place de la bastille. Sur les quais, nous slalomons entre les voitures avec tant de gens heureux et fous de joie, klaxonnant, certains brandissant des affiches de Mitterrand. Et nous nous frayons un passage dans cette foule, à la bastille. Nous y arrivons avec Michel Rocard éclairé par les projecteurs des télévisions. Dans la nuit, nous sommes retournés au Palace, ou j’ai croisé Fabrice « Alors, satisfait ? » et lui me répondant juste « Voila, voila, c’est fait ». Et des télévisions, au bar du Palace, qui reproduisaient les dépêches AFP, dont celle-ci « La voiture du nouveau Président est arrivée à paris précédée de motards de la police ». Les motards… Je me suis dit que les signes du pouvoir ne changeaient pas, eux…
Le 12 mai, soirée Sony
Le mardi 12 mai 1981, ma jeune agence DRS (Donfu, de Rosnay et Starter) avait réservé le Palace, pour une grande soirée festive pour les revendeurs de Sony France, à l’occasion de la sortie du Walkman 2 . La journaliste Michèle Alberstadt m’avait déjà reçu le vendredi précédent en fin de journée dans son émission sur radio 7, ou j’avais raconté l’histoire de la création du walkman par le PDG de Sony faisant son golf, et laissé entendre mon soutien à François Mitterrand, porteur –lui aussi - d’un projet de libéralisation des ondes.
Et soirée symbole des années 80, entre Palace, Mitterrand, Walkman et Libération…
Ce soir là, le 12 mai, nous avions tout prévu pour notre client. Un ballet avait été préparé par le chorégraphe Larry Vickers, avec des danseuses danseurs qui devait alterner des rythmes sonores et muets, avec des walkmans dans les oreilles. Un feu d’artifice concluait le tout. Il régnait une ambiance de changement diffuse. D ailleurs, dès l’entrée je rencontre une journaliste « historique » de Libération. Elle m’informe que la nouvelle formule du journal est pour le lendemain. Aussitôt, j’insiste pour que son équipe vienne fêter cet évènement ici, au cours de notre soirée. Et ils sont venus, en effet, tard dans la nuit, descendant de Barbès. Et voila comment, entre le Walkman, Le Palace, Libération et François Mitterrand, nous étions en présence d’un cocktail vivant des années 80….
Le début de nouvelles histoires..
Les jours suivants je reçu un coup de fil de Patrick Meyer, qui avait décidé de créer sa propre radio, baptisée RFM, de la banlieue parisienne. Une radio qui compte toujours, aujourd’hui dans le « PAF ».. Pour ma part, j’abandonnais naturellement le projet de radio émettant d’Italie. Je m’apprêtais même à adhérer à la sixième section de Paris du Parti Socialiste, et à vivre de l’intérieur ces années de changement. Mais ce sont d’autres histoires…
Eric Donfu
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