11 Novembre : armistice ou capitulation de l’Allemagne ?
À la onzième heure du onzième jour du onzième mois de 1918, l'infernal vacarme des canons, des mitrailleuses et des fusils a enfin cessé, après avoir fait des millions de morts, principalement des jeunes gens, la plus grande boucherie de tous les temps… jusqu’alors..
Tous les combattants savaient ce que signifiait ce silence, mais personne n'avait sauté de joie. Il leur a fallu des heures, et même des jours, pour revenir à la simple réalité et des années pour s’en remettre, quand ils s’en sont remis. La Première Guerre mondiale venait de se terminer. Par un « armistice ». Un accord dans lequel les deux parties ont convenu de cesser de se battre, plutôt que de se rendre. Pour les deux camps, l'armistice était le moyen le plus rapide de mettre fin à la tuerie.
En novembre 1918, les belligérants qui se battaient depuis quatre ans étaient à court d'essence. Les offensives allemandes avaient été repoussées au prix de lourdes pertes. En renfort des armées anglaise et française, l’intervention des Etats-Unis qui pouvaient envoyer des troupes fraîches au combat avait fait basculer le rapport de forces et l'issue de la guerre semblait d’autant plus claire que les alliés de l’Allemagne, eux, se retiraient progressivement de ce bourbier, à commencer par les Ottomans qui allaient payer cher leur engagement en perdant leur empire.
Les deux camps se sont mis d’accord pour arrêter le carnage avant « la fin de la partie », mais le terme « armistice » n’est-il pas utilisé pour éviter d’infligerla honte d’une capitulation à l’un des deux camps ?.
Côté « alliés », une invasion de l’Allemagne aurait nécessité de gros investissements logistiques et humains, et le moral des troupes était au plus bas. Les mutineries et les désertions de plus en plus fréquentes. Et Berlin est loin de la frontière franco-allemande. Pour les autorités et les industriels, il était nécessaire de mettre fin à la guerre le plus tôt possible, mais qui serait victorieux ?
Côté allemand, la situation économique était catastrophique, la famine oubliée depuis quelques siècles y sévissait et les pouvoirs politique et militaire étaient suffisamment faibles pour que les Allemands redoutent d’être acculés à terme à une reddition. La situation s’aggravait « à l’heure.
En fait, ce sont les Allemands qui ont suggéré au début d'octobre l’idée d’un « cessez-le-feu » définitif, une « armistice », en commençant par « prendre la température » du camp adverse en s’adressant au président américain Wilson , car il craignaient que les Britanniques et les Français n’exigent des conditions sévères. Mais cette tentative n'a pas abouti. Les Allemands avaient finalement envoyé un message radio au maréchal Foch, commandant en chef des forces alliées, demandant l'autorisation d'envoyer une délégation traverser les lignes pour négocier un armistice, pour un cessez-le-feu général. Quarante-cinq minutes plus tard, Foch a répondu. Il a ignoré la demande de cessez-le-feu, mais a donné aux Allemands la permission d’envoyer leurs représentants pour des pourparlers.
Le 7 novembre, à 20 heures, trois voitures ont traversé la ligne de front dévastée, zone tampon où il ne restait que cratères de bombes et lignes de barbelés entre les ruines de villages abandonnés. Un clairon allemand a sonné une trêve et un soldat a agité un drapeau blanc. Les émissaires allemands sont alors montés dans une voiture française puis dans un train où ils ont passé la nuit. Le matin du 8 novembre, ils sont arrivés dans la forêt de Compiègne, à côté du wagon de Foch, là où la réunion allait se tenir.
La tâche des diplomates allemands était une lourde charge. Ils craignaient l’humiliation publique : quiconque proposerait de déposer les armes serait relégué au rang de traitre par les militaristes et les nationalistes allemands jusqu'à la fin de ses jours.
En termes de négociations, les marges de manœuvres étaient faibles. Lorsque les Allemands lui ont demandé quelle était l’offre des alliés, Foch a répondu : « Je n'ai aucune « proposition » à faire. » Il avait reçu pour mission des gouvernements alliés de simplement « présenter » l’accord qu’ils avaient préparé et non pas de le « proposer ». La nuance n’a échappé à personne et c’est le général Weygand qui a lu les termes du contenu de l’accord que les Alliés avaient décidé.
Les Allemands se seraient alors trouvés désemparés en apprenant qu'ils devraient rendre les armes, leur crainte étant d’être dès lors incapables de faire barrage aux révolutionnaires communistes très actifs, mais ils n’étaient pas en position de force.
Tôt le matin du 11 novembre, Erzberger et Foch se sont rencontrés pour les « négociations » finales. L’émissaire allemand a fait de son mieux pour persuader Foch d’adoucir l'accord. Foch a fait quelques concessions, notamment en laissant les Allemands garder quelques armes pour leur permettre de sauver la face et écarter le « danger » d’une révolution allemande qui risquait de faire tache d’huile et n’aurait pas fait les affaires des autorités françaises. Finalement, juste avant l'aube, l’accord a été signé.
Les Allemands ont accepté de retirer leurs troupes de la France, de la Belgique et du Luxembourg dans les 15 jours, sous peine d’être faits prisonniers. Ils ont dû abandonner leur arsenal : 5 000 pièces d'artillerie, 25 000 mitrailleuses et 1 700 avions, ainsi que 5 000 locomotives, 5 000 camions et 150 000 wagons. L'Allemagne a du également restituer les territoires d'Alsace et de Moselle qu’elle avait annexés en 1870. Et ils ont accepté l'occupation humiliante des forces alliées le long du Rhin jusqu'en 1930.
Estimant qu'il leur fallait vaincre l'Allemagne, les alliés ne voulaient pas lui permettre « de s'en tirer à bon compte", et pensaient l’avoir suffisamment affaiblie pour lui retirer toute capacité à recommencer la guerre.
Après les célébrations des deux côtés de l’Atlantique, une conférence a été convoquée deux mois plus tard à Versailles pour élaborer un traité de paix définitif, mais chacune des puissances alliées a essayé de tirer la couverture à elle. Ce n'est qu'en mai que les Alliés ont réussi à se mettre d'accord sur une position commune à présenter aux Allemands. Dans l'accord signé en juin, l'Allemagne vaincue était contrainte d'accepter le paiement de réparations qui s'élevaient à 37 milliards de dollars (près de 492 milliards de dollars en dollars d'aujourd'hui). Cette humiliation et l'amertume durable qu'elle a engendrée ont contribué à ouvrir la voie à une nouvelle guerre mondiale, deux décennies plus tard.
Pourtant, le 11 novembre est devenu une date à caractère sacré, symbole d’une intégrité territoriale et d’une souveraineté nationale qui ne doivent pourtant pas avoir le même sens aujourd’hui à Paris, à Berlin et à… Bruxelles.
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