11 Septembre : Abu Zubeidah, la doublure ratée d’un Ben Laden hors service (7)
Pourquoi l'avoir torturé, le sachant fou ? La question demeure, et on en aura la réponse bientôt. Le lampiste schizophrène ne savait rien sur un mouvement lui-même diffus, mais présenté partout comme organisé. Simple portier de camp jihadiste monté en grade médiatiquement seulement par la seule volonté du gouvernement américain, et non par reconnaissance de ses capacités au demeurant fort limitées, il n'avait rien à dire en effet, et aucune révélation à faire sur le mouvement, et encore moins sur Ben Laden, qu'il n'avait jamais vu. Mais la torture a cet avantage comme quoi vous pouvez faire dire à celui que vous harcelez ou frappez ce que vous souhaitez lui faire dire par coercition. L'équipe de Bush, qui avait déjà bien menti sur Saddam Hussein et ses armes de destruction massive inexistantes, grâce au fameux et providentiel Curve Ball, ce faussaire ayant fait commettre à Colin Powell l'une des plus grandes opérations de propagande jamais réalisée, imaginait sans doute que Zubeidah pourrait présenter lui aussi un Al-Qaida capable de recourir au pire... nucléaire, en le "chatouillant" un peu. C'était oublier qu'il était fou, et que même sous la torture, et autre chose que de simples chatouilles, un fou le reste. Zubeidah se montrera pourtant fort coopératif : il avouera tout ce qu'on lui avait dicté !
Zubeidah prend de la valeur : on le vend 10 millions de dollars

Des tripatouillages qui mèneront à Mumbaï
Avec le Lashkar-e-Toiba (LeT) on avance en terrain miné. Car durant toute l’année 2009, un américain, dénommé David Headley, visiteur régulier du Lashkar-e-Taiba, a joué les sergents recruteurs de jeunes djhadistes, avant de se faire arrêter. Comme assistant il avait le Major Abdul Rahman Saeed, jeune retraité... de l’ISI. Headley ne sera pas soupçonné d’être un recruteur avant l’article de The Hindustan Times qui le mettra en cause en décembre seulement. Il sera inculpé le 8 du même mois. "Une dépêche de l’Associated Press du 24 Novembre, 2009 disait que cinq officiers de l’armée pakistanaise, y compris un brigadier à la retraite et deux lieutenants-colonels d’active, avaient été détenus pour être interrogé au Pakistan. Ils avaient tous été en contact téléphonique avec Headley". Le 10 décembre, deux jours après son inculpation, on apprend que cinq Américains ont été arrêtés lundi à Sargodha, dans le Pendjab pakistanais, chez un homme soupçonné d’appartenir au Aish-e-Mohammed (JeM), l’autre groupe radical pakistanais. Dans le Figaro, une très étrange phrase signée Marie-France Calle fait le lien entre les groupes : "Parmi les Américains qui viennent au Pakistan pour le djihad, il y a de vrais « pros », comme David Coleman Headley, et des « amateurs ». Le cas, sans doute, des cinq étudiants fraîchement débarqués de leur État de Virginie, dans la banlieue de Washington. Tous musulmans, certains d’origine pakistanaise, ils étaient bien « venus pour la guerre sainte », comme l’a déclaré l’un d’entre eux à la police pakistanaise". Des jeunes gens recrutés par... David Headley, dont le procès a été rapidement escamoté... le recruteur de chair à kamikazes.
La traque de Zubeidah... reprise par Hollywood !
On va même faire de la traque de Zubeidah au Pakistan un épisode de la traque de Ben Laden dans Zero Dark Thirty, une histoire racontée en détail par le NYT le 22 juin 2008... : c'est en effet exactement l'histoire attribuée à la découverte de Ben Laden dans le film !!! Incroyable scénario, car on a bienpuisé dans les racontars sur Zubeidah pour faire cette séquence particulière et marquante du film ! !! "Selon un article du New York Times en date du 22 juin 2008, en février 2002, la CIA apprend que Zubeidah est à Lahore ou Faisalabad, villes pakistanaises à environ 80 miles de distance et avec une population combinée de plus de 10 millions d'habitants. The Times ne dit pas comment la CIA a appris cela. La CIA connait le numéro de téléphone cellulaire de Zubeidah, même s'il n'est pas expliqué non plus comment cela a été découvert. Cependant, il avait été signalé par ailleurs que le numéro de Zubeidah avait été suivi depuis au moins 1998 et qu'il était toujours surveillé après le 11 Septembre. Les spécialistes de la CIA ont utilisé utilisent un scanner électronique qui peut suivre n'importe quel téléphone cellulaire en fonction et donner son emplacement approximatif. Cependant, Zubeidah n'ouvrait son téléphone que brièvement pour relever les messages, donc son emplacement n'avait pas pas être directement localisé. Un fonctionnaire de la CIA de talent nommé Deuce Martinez s'est alors attelé à la tâche. Il a affiché un grand morceau de papier blanc sur un mur, et a écrit le numéro de téléphone de Zubeidah au milieu de celui-ci. Ensuite, lui et d'autres ont ajouté les numéros liés à ce téléphone, en utilisant les capacités de surveillance de la NSA et du renseignement pakistanais. La carte des contacts de Zubeidah s'est agrandie. Finalement, Martinez et d'autres ont été en mesure de localiser l'emplacement de Zubeidah parmi 14 adresses dans Lahore et Faisalabad, et ces lieux ont été mis sous surveillance. Plutôt que d'attendre plus longtemps pour plus de renseignements encore, tous les 14 emplacements ont été perquisitionnés en même temps dans une opération conjointe des pakistanais et de la CIA le 28 Mars 2002, et Zubeidah se trouvait dans l'une des adresses de Faisalabad". Vérifiez, c'est exactement le scénario de Zero Dark Thirty ! On notera l'information primordiale : la CIA possédait depuis longtemps le numéro de téléphone de Zubeidah !
Le camp de Khalden... où traînait aussi Ali Mohamed
Al-Qaida ou pas Al-Qaida pour Zubeidah ? En fait le camp de Khaden reçoit de l'argent d'une myriade de groupuscules. Comme l'a montré le juge Brugière, qui a en effet lui aussi découvert que les fameuses terres tribales pakistanaises sont davantage le fait de l'ISI que celles d'Al-Qaida : "il n'est pas membre d'Al Qaïda et il n'a pas prêté allégeance à Oussama Ben Laden - qu'il connaît, évidemment. De même, il précise que les camps d'entraînement en Afghanistan ne sont pas tous financés par Al-Qaïda. Certains sont gérés par des groupes cachemiris pakistanais, d'autres par les Talibans". Tout ce petit monde se fréquente, s'aide, coopère, mais si le jihad mondial est en ligne de mire, il faut se souvenir que d'autres jihads, plus localisés, mobilisent des moyens : Cachemire, on l'a vu, mais aussi Philippines, Malaisie, Ouzbékistan, Xinjiang, Algérie, Somalie. Cette complexité de la scène jihadiste afghane n'est toujours pas comprise par de nombreux observateurs, et les défenseurs de Mohamed Harkat joueront sur cette incompréhension : Harkat (un livreur de pizza algérien, Mohamed Harkat réfugié lui aussi au Canada est un membre avéré du FIS algérien qui avait été obligé de quitter le pays après la reprise en main de Bouteflika) a peut-être rencontré Abu Zoubeidah, mais puisqu'Abu Zoubeidah n'est pas membre d'Al Qaïda, tout s'arrange".
Ce camp était alors dirigé avant lui par Ibn al- Shaykh al-Libi et non par Zubeidah, qui en sera le second. Dans le camp, un autre personnage sulfureux traîne ses guêtres : Ali Abdul Saoud Mohamed, alias Ali Mohamed, employé de la CIA travaillant à Fort Bragg, venant régulièrement inspecter les camps des opposants aux soviétiques ! Ali Mohamed, très bien décrit dans l'ouvrage "Triple Cross", comme étant bel et bien un agent américain, passant sa vie entre Fort Bragg et Khalden ou d'autres camps d'entraînements !!! Ali Mohamed, ou la preuve vivante de l'implication de la CIA dans la manipulation des jihadistes !!! Zubaïdah, dès ce moment là est obligatoirement déjà sur les tablettes de la CIA, et travaille donc en coordination avec elle ! "La vérité est que Khalden n’était pas simplement un camp d’entraînement d’Al-Qaida : des terroristes d’autres organisations qu’Al-Qaida s’y sont entraînés", avouera "poliment" le Weekly Standard en août 2009 seulement... sept ans après la capture de Zubeidah, reconnaissant par la même occasion qu'il n'y était pas obligatoirement affilié !
Al-Qaida, une fabrication de l'administration Bush
Car Al-Qaida n"est qu'un label pratique... pour les américains. Présentée avec force par l'administration Bush au lendemain des attentats du WTC et du Pentagone comme une entité unique, Al-Qaida est tout sauf cela, indiquent les spécialistes Bauer et Raufer dans "L'énigme Al-Qaida" (paru en 2005) : "concluons l'entité dite "al-Qaida" n'est pas une IRA, encore moins un Komintern salafiste. Le portrait-robot d'al-Qaida, tel que dressé par la Maison Blanche et le Pentagone - une cauchemardesque entité conspirative d'ampleur mondiale et militairement organisée - n'est accepté par aucun expert sérieux au monde. Cette fort théorique esquisse, plus de 6 000 arrestations de jihadis de par le monde en quatre ans - souvent interrogés sans douceur - n'ont pas permis de la matérialiser, ni en Amérique, ni ailleurs. Les meilleurs alliés de l'Amérique de G.W. Bush échouent à en démontrer la consistance, ou n'y croient tout simplement pas (in "Could al- Qaida be just a bogeyman", Los Angeles Times, 16/01/2005). De septembre 2001 à janvier 2005, 664 supposés jihadi ont été interpellés pour terrorisme en Grande-Bretagne. Seuls 17 d'entre eux ont ensuite été convaincus d'activisme islamiste - aucun lien prouvé, pour aucun d'entre eux, n'a pu être établi avec le fort évanescent al-Qaida, Même Israel, allié favori de l'Amérique ; même les services spéciaux israéliens n'y croient pas (malgré tous les efforts de MEMRI !) « confrontés à un mouvement jihadi des plus flous, une sorte d'amicale des vétérans du jihad afghan, les services spéciaux israéliens ont, dit-on, exclu le qualificatif "al- Qaida" et parlent à l'inverse de "jihad mondialisé" ; ce qu'un officier de renseignement israélien décrit comme "des dizaines de petites entités interconnectées, coopérant entre elles à degrés divers". Malgré tout, la Maison Blanche refuse d'admettre cette Vision des choses. » (< Abu Musab al- Zarqawi : the mysterious man behind the beheadings »,Slate, 29/06/2004.)" La conclusion s'impose d'elle-même : Al-Qaida est avant tout une création simplificatrice américaine de langage, permettant d'amalgamer des groupes différents aux aspirations et aux méthodes différentes, "Ainsi, entre les années 2001 et 2004, le problème central de la guerre à la terreur tient à une direction politique américaine dédaignant au fond la réalité. À l'aide de mensonges, actes propagandistes, incantations et coups tordus concoctés par son ministère de la Défense, la Maison Blanche tente en fait de configurer le monde, pour qu'il ressemble à ce que GW Bush et Ariel Sharon voudraient qu'il soit. Une tâche métaphysique à l'aune de laquelle la nature d'al-Qaida n'a bien sûr nulle importance". Les américains vont donc chercher un ensemble, alors qu'il ne s'agît que de groupuscules jihadistes éparts, qui, à un moment donné, se réclament ou non d'Al-Qaida. D'où la difficulté à les traquer. C'est exactement ce que dit Power Of Nighmares, la véritable clé pour comprendre la manipulation qu'est Al-Qaida.
Une bien étrange arrestation
L'arrestation de celui qu'on a présenté comme la doublure de Ben Laden ne se fera pas sans heurts, Zubeidah recevant ce jour-là trois balles dans le corps dont une au niveau des testicules. On le montrera, blessé, hagard, sur un brancard, avant qu'il ne soit envoyé à l'hôpital (photo ci-dessous à droite). C'est la photo terrible qui circulera sur le net. Il faudra attendre pour en obtenir les véritables circonstances. C'est Wikileaks qui en 2011, neuf ans après, racontera que Zubeidah a été arrêté dans la maison de Faisalabad d'Hamidullah Khan Niazi, un leader du mouvement parkistanais Let, largement infiltré et contrôlé par l'ISI. Mais aussi que ce dernier a été aussitôt relâché avec tous ceux raflés ce jour-là par les pakistanais ! En somme, le seul a être resté en prison s'appelle... Zubeidah.
Et on voudrait nous faire croire à autre chose ? Capturé, il est aussitôt envoyé ... en Thaïlande ! Dans une de ces prisons de "renditions" d'aussi sinistre mémoire qu'Abou Grhaib car c'est là qu'on pratiquera les pires tortures.
En Thaïlande, le premier à l'interroger ne le torture pas, pour autant : il s'appelle Ali Soufan, il est du FBI, qui refuse ces méthodes barbares d'interrogatoires, et témoignera bien plus tard lui aussi "en ouvrant la bouche sept ans après" en affirmant "qu'il n'y avait pas raison à le torturer "car "il avait tout dit tout de suite". Il fera aussi remarquer que ce qu'on a attribué aux méthodes coercitives avait déjà été obtenu en douceur auparavant par lui-même : "ainsi pour Padilla, alors que les techniques violentes avaient été autorisées dans un "mémo" en date du mois d'août, Padilla avait déjà été arrêt" en mai..." fera t-il remarquer, au contraire de ce qu'avait clamé G.W.Bush dans son discours de 2006. Zubeidah n'y avait été pour rien. Soufan affirmera aussi au passage que "personne n'avait jamais réussi à approcher de près Khalid Shaikh Mohammed"... la chasse réservée du gouvernement. Il fera remarquer que c'étaient des "mercenaires" recrutés et non des officiers de la CIA qui avaient pratiqué les tortures.
L'état mental de Zubeidah laisse à désirer
A peine arrivé en Thaïlande, des informations commencent à sortir... sur son état mental. L'agent du FBI Dan Coleman déclare le 18 décembre 2007 dans le Washington Post "que tout le monde savait qu'il était fou, et qu'il était tout le temps accroché au téléphone". Cinq ans avant, Vincent Cannistraro, ancien responsable de la CIA avait pourtant déclaré au contraire "qu'il était le gars qui avait un contact direct avec les leaders des cellules d'Al-Qaida et qui savait où tous ils étaient. Et qu'il aurait été à coup sûr le gars pour diriger de nouvelles attaques"...Un cas psychiatrique tenté selon ses accusateurs par la folie nucléaire ? Mais c'était le docteur Folamour, après avoir été Frankenstein !!! Plus sérieusement, on soigne d'abord Zubeidah, blessé, mais c'est pour mieux le torturer après, pour qu'il résiste davantage sans flancher entre deux... Dans la liste des tortures répertoriées et pratiquées, on trouve la privation de sommeil, l'exposition alternative au froid ou au chaud (ce qui a tué Mohammed Omar Abdul-Rahman comme j'ai pu vous l'expliquer aussi)...
mais aussi l'usage de "psychotropes". On ne précise pas lesquels, mais depuis l'ère Phœnix et l'usage de LSD, on peut tout craindre. Pas vraiment de quoi améliorer son état mental, qui va vite se dégrader. Celui qu'on a présenté comme le "mastermind" est en effet devenu complètement fêlé ! Devenant par la même un fort mauvais client à présenter à la presse ! Des documents découverts par le FBI montrent qu'au camp de Kaldhen, déjà, son état mental l'avait réduit à une simple boîte postale, n'étant au courant de rien. Il ne savait rien : c'était un simple "réceptionniste" !!! "Comme le gars à l'entrée de l'hôtel" résume Dan Coleman. Difficile de "vendre" un tel "organisateur du 11 Septembre avec ce portrait de... groom !
Un fou reste un fou, même sous la torture
Ce qui n 'empêchera pas G.W.Bush de continuer à le présenter comme "fondamental", pour la seule raison de ne pas paraître lui-même ridicule : " lorsque le directeur de la CIA George Tenet a annoncé (à G.W.Bush) que Abu Zubeidah était gravement malade mentalement, dans l'incapacité d donner des renseignements utiles cachés dans son cerveau malheureusement, voici est ce qui s'est produit : "J'ai dit que c'était important," aurait dit Tenet à Bush lors d'une de leurs réunions quotidiennes. "Vous ne allez pas me laisser perdre la face sur cette question, n'est ce pas ?" ."Non, monsieur, Monsieur le Président," a répondu Tenet. Bush "a été fixé sur la façon d'obtenir la vérité de la part de Zubeidah », écrit Suskind, et il a demandé brièvement, " Ces méthodes dures marchent-elles vraiment ?" Les interrogateurs ont fait de leur mieux pour trouver, rapporte Suskind. Ils ont attachés Abu Zubeidah à une planche, pour reproduir l'agonie de la noyade. Ils l'ont menacé d'une mort certaine. Ils ont utlisé des médicaments. Ils l'ont bombardé avec du bruit assourdissant et des lumières crues, le privant de sommeil. Sous la contrainte, il a commencé à parler de complots de toutes sortes - Contre les centres commerciaux, les banques, les supermarchés, les systèmes d'eau, les centrales nucléaires, les immeubles d'habitation, le pont de Brooklyn, la Statue de la Liberté. Après chaque nouveau conte, "des milliers d'hommes et de femmes en uniforme ont couru en pleine panique vers chaque cible ...." Et donc, Suskind écrit, "les Etats-Unis ont torturé un homme souffrant de troubles mentaux, puis se sont mis à courir à chaque mot qu'il chuchotait.." Le régime bushien s'était enfermé dans une voie sans issue avec Zubeidah. Mais en refusant de faire machine arrière. Un entêtement coupable, à ne point douter.
sur la torture :
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A2302-2005Jan11.html
le rapport de la Croix Rouge sur la torture des détenus de Guantanamo, ou Zubeidah (Zubaydah) est fréquemment cité.
http://assets.nybooks.com/media/doc/2010/04/22/icrc-report.pdf
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