12 degrés Celsius au pied du téléphérique du glacier de la Grande Motte : où va le monde ?
En ce 14 avril 2024, au pied du glacier de La Grande Motte sur les hauteurs de Tignes il faisait 12 degrés Celsius. Le soleil cuisait les skieurs dont certains ne rêvaient plus que de se mettre en maillot de bain. J’étais de ceux-là. Et en regardant le magnifique panorama crénelé par les cimes enneigées et dont la vue embrassait jusqu’au Mont-Blanc, je me suis demandée où allait le monde ? Depuis le temps qu’on nous parle de transition écologique et de lutte contre le réchauffement climatique, rien ne change vraiment dans la pratique.
Pourtant, la disparition de ce monde hivernal et invisible qui est enfoui sous la neige enfreindrait notre imaginaire et par là même notre potentiel créatif et même scientifique, mettant en péril notre humanité.
Pendant que les glaciers fondent comme neige au soleil
Du glacier du Pissaillas à celui de la Grande Motte, les effets du dérèglement climatique se font chaque jour plus apparents qui réduisent la surface de ces glaciers ? D’année en année, leur taille diminue. Va-t-on voir fleurir les pâquerettes à la place des edelweiss au printemps ? À la vitesse à laquelle les glaciers fondent, il n’est pas exclu de voir la flore alpine remplacée par celle des pâturages en hiver. En montant sur le télésiège des Marmottes quelques mètres plus bas, j’ai eu l’étrange sensation d’être assise sur une chaise chauffante, tant le soleil avait chauffé les banquettes. Cette année, je n’ai pas vu de chamois à la Daille, comme les autres années ; ni de loups qui étaient pourtant de sortie sur les pistes de ski en févier de cette même année 2024. Mais où se cachaient-t-il ? Avaient-ils été perturbés eux-aussi par ces températures estivales. En revenant à Val d’Isère, j’appris qu’il avait fait jusqu’à 29 degrés à Bourg Saint-Maurice ce jour-là. De quoi en perdre sa godille, son bonnet et ses gants !
Au fur et à mesure que les glaciers fondent, la part du monde invisible se réduit. Je connais bien Val d’Isère pour y skier régulièrement depuis plus de vingt hivers. Or, d’année en année j’entends les locaux, comme les professionnels de la montagne me dirent que le domaine skiable des glaciers diminue comme une peau de chagrin. Et que là où il y a quelques années encore, il était possible de gagner une combe depuis un glacier en hors-piste, c’est devenu impossible, car désormais c’est la roche qui apparaît. Que nous resterait-t-il à découvrir, si tout devenait visible, puisqu’il n’aurait plus alors rien d’invisible à expliquer. Comment mobiliserions-nous notre imaginaire, puisqu’il n’y aurait plus de mystère à percer ? Ainsi nos capacités scientifiques se réduiraient-elles. Comment mobiliser nos capacités d’abstraction, si tout est clair sous nos yeux. Où trouver l’inspiration pour bâtir un monde meilleur ? Comme l’a si bien décrit Ada Lovelace, mathématicienne britannique et pionnière de l’informatique, notre imaginaire nous permet d’entrer dans le monde de l’invisible, qui est le monde de la science.
Les effets du dérèglement climatique se font chaque jour plus présents
Depuis la Cop21, neuf longues années se sont écoulées. Les résolutions adoptées prévoyaient en leur temps de contenir le réchauffement climatique au-dessous de 2 °C au cours du 21ème siècle et de poursuivre au mieux les actions des Etats, afin de le limiter à moins de 1,5 °C. Malheureusement, les événements climatiques extrêmes n’ont de cesse de se produire en ce printemps 2024. Et le dérèglement climatique de frapper de plus en plus violement en plein jour la planète entière. Canicules alpines, pluies diluviennes à Dubaï. Le cours des rivières atmosphériques est complétement dévié. Et ensuite, froid glacial sur toute la France. Depuis le 18 avril, les bonnets et les gants sont de retour en plaine. Or, plus le monde invisible et notamment celui qui est enseveli sous la neige l’hiver disparaîtra, plus faibles seront nos chances de trouver des solutions scientifiques pour construire un monde durable pour les raisons mentionnées ci-dessus. Pourtant elles sont nécessaires pour relever le défi de la lutte contre le réchauffement climatique. Et maintenir la vie sur notre planète.
La Loi de restauration de la nature et le Pacte vert européen incarnent les solutions politiques européennes pour rompre avec l’inertie des gouvernements dans la lutte contre le réchauffement climatique. La révolution écologique européenne appelée de ses vœux par un candidat de la gauche sociale-démocrate ne tomberait sans doute pas à plat. Car c’est bien une révolution qu’il nous faut, après tant de tergiversations de la part des Etats. Une action des villes serait la bienvenue pour restituer du corps à l’action publique. Insuffler un nouveau souffle à la réduction des gaz à effet de serre. Encourager la séquestration du CO2. Et minimiser l’utilisation des gaz responsables de la pollution atmosphérique. Rendre la neige à la montagne participera de cette motivation. Rendre le froid, le gel et la bise à l’hiver également. Tout comme redonner les températures primesautières, le dégel et la brise au printemps. Un printemps qui pour le moment ressemble plutôt à l’hiver, alors que l’hiver a trop souvent ressemblé au printemps. Bien que le court épisode de froid qui s’est terminé le 27 avril n’ait aucune chance de faire oublier les températures anormalement élevées d’avril.
En laissant ce fameux monde invisible perdurer et prendre toute sa place sur notre planète, les esprits seront maintenus en éveil et en emplis d’envie de découverte. Ces découvertes qui font que l’humanité puisse progresser et vivre en harmonie dans un monde durable.
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