1430 ou 2009 : Une autre année d’épreuve pour les damnés de la Terre
« Rien de nouveau sous le soleil, Il y a un temps pour tout. Un temps pour vivre et un temps pour mourir. »
L’Ecclésiaste
Il est symptomatique de constater qu’une fois de plus - c’est mathématiquement prévu- il y a une conjonction entre l’année hégirienne 1430 et l’année chrétienne ou grégorienne 2009. On sait que le nouvel an hégirien se passe rituellement dans la clandestinité la plus totale, « étouffé » si l’on peut dire, par une autre nouvelle année, celle de ceux que les Occidentaux intronisent « universels » par confiscation justement de l’universel à leur seul entendement. Pourtant, il existe d’autres cultures, d’autres religions qui ont des façons spécifiques de segmenter le temps et le passage des saisons. Je n’en veux prendre pour exemple que l’an juif nous sommes ce 6 janvier 2009 à la date du 10 Tevet 5769 . En Algérie on peut aussi ajouter comme date symbolique de segmentation du temps le Yannayer 2956 qui témoigne de la flèche du « temps » amazighe à travers la victoire de Sheshonq ou Schichnak 1er sur un pharaon de la XXe dynastie égyptienne dont la civilisation est encore plus vieille. Naturellement, le nouvel an chinois lui aussi est un indicateur de cette brève histoiredu temps pôur parler comme Stephen Hawkings. S’il est indéniable que le calendrier occidental s’est imposé, il faut reconnaitre que les civilisations ancienens comme la chinois, la japonaies ou même l’iranienne gardent toujours leurs repères et les fêtent comme il se doit. On l’aura compris, ce sont les pays arabes et musulmans en pleine errance identitaire qui, en premier, par un mimétisme ravageur, fêtent avec ostentation le nouvel an grégorien.
Pour revenir à cette "nouvelle année", nous donnerons notre avis sur ce que nous réserve cette nouvelle année 1430 ou 2009 et serait-ce une continuité ou fin du monde ? Ce qui caractérise cette nouvelle année, c’est qu’elle se présente, à tort ou à raison comme incertaine, bien plus que les précédentes. L’année 2008 fut riche en événements. En gros, il y a la crise financière dévastatrice, puis une instabilité politique sur plusieurs lieux de la planète puis l’éternel Irak, le traditionnel conflit Iran-Occident, la continuation du génocide en Palestine, les Jeux de Pékin, le lancer de la chaussure d’un damné de la Terre à la face du plus puissant homme de la Terre et enfin l’élection de Barack Obama. Il faut ajouter aussi l’entêtement des pays industrialisés à ne rien faire de tangible pour éviter que la Terre ne soit confrontée à des changements climatiques de plus en plus récurrents
Pour Michel Collon, il est pratiquement sûr que tout dépendra de la politique américaine. Il ne voit pas de changements significatifs de la politique américaine même si le locataire de la Maison-Blanche change. Ecoutons-le : « Après Bush, chacun espère un changement ou craint le pire. McCain ou Obama ? Qu’est-ce que cela changera pour l’Irak, l’Afghanistan, la Palestine, l’Afrique, le Caucase, Cuba ou le Venezuela ? Et dans les relations avec les grandes puissances : Europe, Japon, Russie, Chine ? Nous ne pensons pas que la politique internationale des Etats-Unis se décide à la Maison-Blanche. En fait, l’élite US est actuellement hésitante sur la stratégie à suivre dans les prochaines années. Ce texte analyse les deux options qui s’offrent à elle. La crise économique rend la question encore plus brûlante : comment les Etats-Unis s’y prendront-ils pour rester la superpuissance qui domine le monde ? »(1)
« (...)En Afghanistan et en Irak, les Etats-Unis ont déclenché deux guerres qu’ils ont été incapables de gagner et qu’ils ne gagneront jamais. Bush aurait bien voulu en déclencher une troisième contre l’Iran, mais trop affaibli, il a dû y renoncer. Le but de cette guerre était d’assurer à Washington le contrôle du pétrole. En Amérique du Sud, les Etats-Unis ont perdu, entièrement ou partiellement, le contrôle de presque toutes leurs colonies. De même, en Asie du Sud, un groupe de stratèges US s’inquiétait récemment de la montée des résistances dans toute la région et proposait de renforcer la capacité de projection des Etats-Unis en Asie du Sud. (...) Il y a dix ans, Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller du président Carter et stratège le plus important des Etats-Unis, publiait Le Grand Echiquier, sorte de mode d’emploi du "Comment rester la seule superpuissance dominant le monde". Il y expliquait, avec la brutalité de quelqu’un qui n’est plus aux affaires, que Washington devait absolument affaiblir ses rivaux : Russie, Chine, mais aussi Europe et Japon, et les empêcher de s’allier entre eux. Diviser pour régner ».(1)
"Globalement, Bush a provoqué tant de résistances que la domination des Etats-Unis s’est affaiblie. Les secteurs qui l’avaient porté au pouvoir - armement, pétrole, automobile, défense, compagnies pharmaceutiques - constatent que les guerres de Bush n’ont apporté ni de grands profits, ni de nouvelles zones d’exploitation. En fait, elles ont coûté davantage qu’elles n’ont rapporté. (...) Même au sein des services secrets et de l’armée, plusieurs frondes se sont déclenchées. En décembre 2007, lorsque Bush a voulu préparer une attaque contre l’Iran sous le classique prétexte des armes de destruction massive, seize services de renseignement US ont surpris tout le monde en publiant un rapport qui constatait que l’Iran avait suspendu son programme nucléaire militaire depuis au moins 2003. Dans son livre, Le déclin des Etats-Unis est inévitable Brzezinski proposait une stratégie agressive et machiavélique pour sauver l’Empire US. Mais lui-même, croit-il que ça marchera ? Aussi surprenant que ça paraisse, la réponse est : Non. « A long terme, la politique globale est vouée à devenir de moins en moins propice à la concentration d’un pouvoir hégémonique dans les mains d’un seul Etat. L’Amérique n’est donc pas seulement la première superpuissance globale, ce sera très probablement la dernière. »(1)
La raison tient dans l’évolution de l’économie : « Le pouvoir économique risque aussi de se disperser. Dans les prochaines années, aucun pays ne sera susceptible d’atteindre 30% environ du PIB mondial, chiffre que les Etats-Unis ont maintenu pendant la plus grande partie du XXe siècle, sans parler de la barre des 50% qu’ils ont atteinte en 1945. Selon certaines estimations, l’Amérique pourrait encore détenir 20% du PIB mondial à la fin de cette décennie pour retomber à 10-15% d’ici l’an 2020, tandis que les chiffres d’autres puissances - l’Europe, la Chine, le Japon - augmenteraient pour égaler approximativement le niveau des Etats-Unis. (...) Une fois que le déclin du leadership américain sera amorcé, la suprématie dont jouit aujourd’hui l’Amérique ne pourra être assurée par aucun Etat isolé. » (p. 267-8)
Quelle sera la politique internationale des Etats-Unis dans les années qui viennent ? La première option possible, c’est l’option militariste. Les néo-conservateurs de Bush l’ont incarnée ces dernières années avec la stratégie Wolfowitz. L’agression et l’intimidation comme stratégie générale. Multiplier les guerres, gonfler au maximum les commandes au complexe militaro-industriel pour tirer la croissance et la domination des multinationales US, pour intimider aussi les alliés et les rivaux. (..)
L’autre option, c’est celle défendue par Brzezinski et qu’il aime à appeler « soft power » (le pouvoir en douceur).
"D’autres parlent d’un « impérialisme intelligent ». En fait, il s’agit de réaliser les mêmes objectifs des Etats-Unis, mais par des formes de violence moins directes, moins visibles. En comptant moins sur les interventions militaires US, très coûteuses, et davantage sur les services secrets, les manoeuvres de déstabilisation, les guerres par pays interposés, et sur la corruption aussi...(...)A présent, après le désastreux bilan de Bush, la bourgeoisie US hésite entre les deux options. Ou bien la fuite en avant, c’est-à-dire la guerre tous azimuts. Ou bien un repli tactique, reculer pour mieux sauter et réorganiser les méthodes d’action. La question n’est pas tant de savoir quel président elle choisit, mais bien quelle stratégie. (...) Les Etats-Unis ont beau dépenser à eux seuls plus que toutes les autres nations du monde ensemble pour les budgets militaires, cela ne réussit plus à leur assurer la suprématie mondiale. Ils sont eux-mêmes victimes, si l’on peut dire, de leur contradiction fondamentale : tout ce qu’ils font s’oppose aux intérêts de l’immense majorité des habitants de cette planète, ils créent donc eux-mêmes la force qui les abattra.
Un autre évènement rituel au fil des ans est la plaie toujours sanguinolente, à la face de l’Occident est leur responsabilité dans le conflit quasi centenaire de Palestine - après la fameuse Déclaration de Balfour- Pour le Comité Action Palestine : « L’année écoulée a été, à beaucoup d’égards, caractérisée par la continuation et l’accentuation de la politique coloniale sioniste, et ceci dans toute la Palestine historique : extension des colonies juives, arrestations massives de Palestiniens, expulsions et apartheid, attaques meurtrières de l’armée sioniste, blocus criminel à Ghaza, collaboration des dirigeants de l’Autorité palestinienne, division des principaux mouvements politiques palestiniens. L’armée d’occupation a perpétré plusieurs massacres comme par exemple celui de Ghaza fin février qui a fait plus de 100 morts en moins d’une semaine. La colonisation, sous toutes ses formes, se poursuit à un rythme effréné. La ville d’Al Qods est particulièrement menacée, car ses habitants sont délogés par l’intermédiaire de tout un arsenal de moyens administratifs et policiers, afin de laisser place nette à une judaïsation galopante. L’élément politique essentiel de l’année 2008 est la répression massive des résistants palestiniens en Cisjordanie, notamment ceux du Hamas, par les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne : le Hamas est devenu l’ennemi commun d’Israël et de l’Autorité palestinienne »(2)
Pendant ce temps, l’offensive terrestre israélienne est en train de tenter d’éradiquer le Hamas, en éradiquant en priorité les habitants. Le silence assourdissant de l’administration Obama est révélateur d’un accord tacite pour cette punition collective. Chose encore plus inquiétante, l’alignement inconditionnel de Hillary Clinton sur la politique israélienne.
S’agissant des perspectives économiques mondiales, les tensions qui sont apparues, pour la première fois, sur les marchés financiers américains dans le courant de l’été 2007 se sont transformées en véritable crise financière mondiale durant l’automne 2008. L’aggravation de la conjoncture financière a atteint son paroxysme en septembre 2008 avec l’effondrement subit de plusieurs grands établissements financiers aux États-Unis, faisant craindre la possibilité que l’escalade des pressions financières pose un risque systémique pour l’ensemble du système financier international. (...) On s’attend à ce que les États-Unis, le Japon et les pays de la zone euro entrent ensemble en récession durant le second semestre 2008, avant qu’un redressement progressif ne commence à se faire jour dans la première moitié de 2009. Dans les pays de l’Ocde, la croissance du PIB pourrait se chiffrer à 0,1% en 2009 et remonter à 2,0% en 2010. Pour ce qui est des pays en développement, leur rythme de croissance subira l’impact de ce ralentissement des économies de l’Ocde sous l’effet conjugué de la compression des flux commerciaux, ainsi que du recul des prix des produits de base non énergétiques et des perturbations subies au niveau des apports financiers. Avec l’affaiblissement de la progression des investissements, leur niveau de croissance globale devrait être ramené à 4,5%, contre 6,3% en 2008 Le commerce mondial devrait diminuer d’environ 2,1% en 2009, ce qui marquerait le premier déclin de cet ordre depuis 1982. Suite à la flambée intervenue dans les prix du pétrole brut, des matières premières et des produits alimentaires entre 2006 et le milieu de 2008, un recul s’est amorcé en grande partie du fait que le spectre de la récession a réduit les attentes en matière de demande d’énergie, de métaux, de produits alimentaires et d’aliments pour animaux. (...) Dans un tel contexte, les décideurs des pays développés et en développement doivent être préparés à affronter le scénario catastrophique d’une croissance encore plus faible, comprenant la possibilité d’une chute du PIB mondial pour la première fois dans la période de l’après-guerre et d’un effondrement financier qui pourrait conduire à un arrêt soudain des flux de crédit vers la grande majorité des emprunteurs, exception faite des plus solvables. Le danger pour tous les pays est qu’un effort trop agressif pour combattre ce qui semble être un ralentissement inévitable pourrait s’avérer trop coûteux et ébranler les solides paramètres fondamentaux qui avaient précédemment soutenu la croissance.(3)
Etrangement, on n’entend pas les Altermondialistes. D’aucuns disent que le mouvement s’essouffle. Souvenons-nous de l’utopie des forums sociaux mondiaux, dont le manifeste de Porto Alegre. Plus que jamais, les pays du Sud, surtout les plus faibles, sont livrés à eux-mêmes. Les pays du Sud qui auraient pu constituer des « locomotives » comme l’Inde, la Chine, voire le Brésil, ne coopèrent pas avec les pays du Sud les plus pauvres, tout occupés à sauter dans un nouveau moule : « les pays émergents » et avoir une légitimité décidée par les pays riches du G7, en leur créant un espace approprié : le G20. 1430 ou 2009 seront des années de misère d’inondation en un mot aussi de détresse voire de sang et de larme pour les peuples qui attendent toujours le Messie ou le Mehdi capable de les arracher à la malédiction du sous-développement. On l’aura compris, il n’y aura , en définitive, rien de nouveau sous le soleil pour les faibles , si ce n’est une détérioration lente et inexorable de leur rapport à la vie.
1.Michel Collon : Quelle sera demain la politique internationale des USA ? http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2008-09
2.Comité « Action Palestine » Bilan de la résistance palestinienne en 2008, 27 décembre 2008
3.Perspectives pour l’économie mondiale 2009 : http://go.worldbank.org/XZD6E681F0
Pr Chems Eddine CHITOUR
Ecole Polytechnique Alger
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