1914-2014 : Après un siècle de guerres, passons à la prière...
Cédant à la mode victimaire, je viens ajouter ma petite complainte. Mais attention, hein, originale, la complainte : Je ne suis ni Juif , ni Noir, ni Arabe, ni Amérindien. Non, juste un Blanc d'ici qui, lui aussi, trouve à se plaindre de la folie guerrière de l'espèce humaine...
Moi aussi, j'ai mal ! moi aussi, j'ai perdu mon grand-père en 1943, ce qui veut dire qu'étant né en 1958, je n'ai pas eu la joie de le connaître. Pourquoi ?
Non, ce n'est pas Auschwitz. Il n'y a pas qu'Auschwitz dans l'histoire de l'iniquité et de la cruauté humaine, sans quoi cela se saurait, et la vie serait, depuis 1945, un paradis sur terre... Non, ce n'est pas Auschwitz : C'est Verdun.
Mon grand-père, en effet, né en 1897, fut gazé en 1918 à Verdun (à seulement 21 ans, le pauvre) et il en résulta une sorte de pneumonie-tuberculose chronique dont il ne se remit jamais. Malgré tout, il lui resta assez de force et de vigueur pour entrer dans la vie active, séduire ma jolie grand-mère, qu'il épousa en 1929 et qui lui donna deux filles...
Ma mère a donc perdu son père à l'âge de dix ans, âge particulièrement cruel pour ce genre d'épreuve, car l'on y est suffisamment mûr pour comprendre parfaitement l'irréversibilité de cette disparition, mais assez enfant encore pour ressentir comme un abyssal désespoir le manque terrible de cet astre solaire que constitue forcément le père dès lors qu'il est digne de son enfant, surtout pour une petite fille, manque si douloureux à cet âge critique qu'elle ne s'en remettra jamais, car il laisse une plaie ouverte jusqu'à la vieillesse, je veux dire jusqu'à la mort : Cela, je l'ai vu de mes yeux.
Nous pouvons volontiers reconnaître à la part somatique de notre être une sorte de capacité génitrice de méfaits aussi grande peut-être, mais en sens inverse, que les bienfaits vitaux de notre composante germinale : Je veux dire par là que mon grand-père est tombé gravement malade en 1942, à la simple vue des Allemands prenant possession de sa paisible petite ville de province : Les bruits de botte, dès 1938, et la défaite de 1940, lui avaient déjà assombri le moral et la santé, mais la vue des troupes allemandes passant sous ses fenêtres, c'était plus qu'il n'en pouvait supporter : Il tomba malade, dut être alité, et mourut en février 1943, laissant une veuve et deux orphelines.
Dois-je accuser la terre entière ? Vous réclamer des larmes pour le malheur particulier qui m'affecte, de n'avoir pas connu mon grand-père ? Dois-je haïr les Allemands pour cela ? Méditer secrètement une vengeance ? Dois-je faire un procès retentissant à quiconque osera sous-entendre que cette affaire n'est qu'un détail de la seconde guerre mondiale, et fonder une association qui ne manquera pas de se porter partie civile pour réclamer quelques dizaines de milliers d'euros de dommages et intérêts ?
Dois-je, du haut de mon orphelinat, donner des leçons à la terre entière et rappeler chaque matin dans les journaux le calvaire qu'ont vécu les poilus de Verdun ? Dois-je exiger du gouvernement une loi réprimant l'antipoilutisme ? Dois-je lui demander par ailleurs une réparation pour le manque à gagner de mon héritage, pour l'écourtement de la vie de mon grand-père à cause de l'enfer de Verdun ? Dois-je demander aux Allemands une rente pour avoir provoqué la mort de mon grand-père, et une forte indemnité pour les perquisitions dont certains de ses biens avaient fait l'objet, sa superbe Peugeot 402 de 1938, notamment ?
Oui, si je pensais, comme certaine communauté, que la vengeance est un devoir et que des sentiments douloureux doit découler un flux d'espèces trébuchantes, sans doute me lancerais-je dans toutes ces actions qui s'avèreraient peut-être lucratives...
Mais si, plus simplement, je cherche à comprendre le siècle immonde qui vient de s'écouler, que dois-je conclure ? Les soldats Allemands qui se trouvaient face à mon grand-père à Verdun étaient-ils vraiment les premiers responsables du gazage qu'ils lui ont infligé ?
Qui est responsable d'Hiroshima ? Le pilote américain qui a lâché la bombe, ou la fine équipe d'Einstein&Oppenheimer qui l'a mise au point ? Qui est responsable des millions de morts de la famine organisée en Ukraine dans les années 30 ? Le dénommé Staline, ou le comité d'intellectuels pervers qui inspirait son action ?
Et qui est responsable de Verdun ? Le peuple de France ? le peuple d'Allemagne ? Qui déclencha la guerre de 1914 ? Pourquoi fut-elle déclenchée ? A qui profita-t-elle ? Ne fut-elle pas déclenchée d'un commun et secret accord des principaux gouvernements en vue d'atteindre les objectifs que s'était fixés l'Angleterre : Epuiser les forces des puissances européennes continentales, France et Allemagne en tête, détruire les deux dernières souverainetés chrétiennes, à savoir l'Empire catholique autrichien, qui sera réduit à la taille d'une petite république de second rang, et l'Empire russe orthodoxe, ravagé pour y fonder une monstruosité expérimentale livrée aux fumeuses théories scientifico-racistes élaborées dans les loges et les synagogues au XIXe siècle ? Et, last but not least, achever de réduire à l'Asie Mineure l'encombrant Empire Ottoman.
Non ? C'est faux ? Dois-je penser que c'est juste parce que l'archiduc d'Autriche a été assassiné à Sarajevo que l'on a déclenché ce qui fut la plus grande boucherie jamais vue jusqu'à cette époque ? Allons donc ! On peut raconter cela aux enfants, bien sûr, mais passé un certain âge, c'est plus difficile à faire admettre...
Nous pourrions, éventuellement, développer très longuement les thèses soulevées ici pour en faire un intéressant faisceau de présomptions, mais l'Internet n'étant pas encore tout à fait censuré (cela dit, dépêchez-vous, car il semble que le temps presse !), chacun peut trouver un commencement de preuve à ces idées, somme toute logiques, dans cette incommensurable bibliothèque électronique.
Pour ma part, tirant les leçons du passé, je vous recommande de ne pas aller mourir pour Donetsk ou Tchernobyl, les Russes et les Ukrainiens s'arrangeront beaucoup mieux si on les laisse entre eux, car cela fait plus de mille ans qu'ils vivent ensemble : De quoi nous mêlons-nous, dans un tel cas ?
Et si d'aventure un "BHL", un Kouchner ou un Attali vous dit que la guerre est inéluctable, eh bien : cotisez-vous pour lui offrir un fusil, et qu'il parte avec ses amis bellicistes à l'assaut de Sébastopol si le coeur lui en dit.
Pour ma part, je vous supplie, mes chers compatriotes, d'appuyer mon appel au gouvernement de ne pas se lancer, quelles que soient les circonstances, dans une nouvelle guerre fratricide en Europe, car si je n'ai pas eu de grand-père, j'aimerais au moins ne pas infliger le même malheur à mes futurs petits-enfants...
Je vais donc ranger mon fusil (d'ailleurs, je n'en ai pas) et me contenter de prier pour le repos de l'âme de mon grand-père : cela devrait lui être plus salutaire que le bruyant ferraillage d'éventuelles actions politico-mercantiles.
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