1943-1947 : le parti communiste français tourne définitivement le dos à Marx, Engels, Lénine et Staline…
Au-delà de son adhésion à la IIIème Internationale (1920) et des 21 conditions qu’il devait désormais remplir en permanence, le parti communiste français, en se ralliant très officiellement à la politique impérialiste proclamée par Charles de Gaulle dès après la disparition de Jean Moulin, se trouvait complice d’un mouvement historique très dangereux qui avait déjà été dénoncé, en son temps, par Karl Marx, et dans des conditions somme toute assez comparables : il s’agissait pour celui-ci d’analyser les conditions dans lesquelles, après la révolution de 1848 et, plus particulièrement, après avoir effectué le coup d’Etat du 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte avait pu s’appuyer sur un corps de fonctionnaires en croissance très significative. Karl Marx écrivait :
« Ce pouvoir exécutif, avec son énorme organisation bureaucratique et militaire, avec sa vaste et ingénieuse machinerie d’Etat comptant une armée d’un demi-million de fonctionnaires à côté d’une autre armée d’un autre demi-million, cet effroyable corps de parasite qui enserre, tel un filet, le corps de la société française, en obstrue tous les pores, naquit au temps de la monarchie absolue, au déclin du système féodal dont il contribua à précipiter la chute. » (Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Oeuvres IV, La Pléiade, Gallimard, 1994, page 526)
Si 1944 renfermait assez manifestement toutes les conditions d’une révolution prolétarienne, celle-ci n’a en réalité jamais été préparée par le parti communiste qui n’y a d’ailleurs jamais pensé. Le résultat qui devait s’en dégager très vite rejoignait ce sur quoi Karl Marx avait tenté d’attirer l’attention :
« Toutes les révolutions perfectionnèrent cette machine au lieu de la briser. Les partis qui se disputèrent à tour de rôle le pouvoir considéraient la mainmise sur cet énorme édifice d’Etat comme le butin principal du vainqueur. » (Idem, page 531)
Or, c’est dans cette dernière direction que le parti communiste français a choisi de s’engager, sans jamais tenir aucun compte de ce que le Conseil de la Résistance de Jean Moulin avait initié de façon criante : la dynamique soviétique inscrite dans l’organisation des Comités de libération départementaux, locaux, d’entreprises, etc., constitués à son image sur tout le territoire français, avant comme pendant la Libération, et pour préparer son après…
Au-delà de Karl Marx, et parce qu’il était confronté à la tâche révolutionnaire que commandait la première révolution de février 1917 qui avait vu Kérenski se saisir du pouvoir exécutif après l’abdication du tsar, Vladimir Ilitch Lénine avait immédiatement écrit L’État et la Révolution (août-septembre 1917), où nous lisons ceci…
« Le développement, le perfectionnement, la consolidation de cet appareil bureaucratique et militaire se poursuivent à travers la multitude des révolutions bourgeoises dont l’Europe a été le théâtre depuis la chute de la féodalité. C’est, en particulier, la petite bourgeoisie qui est attirée aux côtés de la grande et lui est soumise, dans une large mesure, au moyen de cet appareil qui dispense aux couches supérieures de la paysannerie, des petits artisans, des petits commerçants, etc., des emplois relativement commodes, tranquilles et honorables, plaçant leurs bénéficiaires au-dessus du peuple. » (V. I. Lénine, L’État et la Révolution, Oeuvres complètes, tome 25, Editions sociales 1970, page 441. C’est Lénine qui souligne. De même pour la citation suivante.)
Avec les nationalisations… qui, très éloignées d’être une socialisation, n’étaient, en réalité, qu’une étatisation, et avec le statut de la fonction publique (dont le système hiérarchique extrêmement ramifié ne s’éloigne guère du schéma militaire ordinaire) mis en oeuvre sous l’autorité de son secrétaire général Maurice Thorez – ministre d’Etat du gouvernement d’abord désigné par Charles de Gaulle, pour ensuite être dirigé par un socialiste -, le parti communiste a offert à la politique impérialiste française un soutènement qui aura permis à la grande bourgeoisie d’entraîner notre pays dans deux guerres coloniales (Indochine, Algérie) qui se sont enchaînées pour les dix-sept premières années d’après 1945 (pour s’achever en mars 1962 par les Accords d’Evian signés avec l’Algérie), ainsi que, depuis la Seconde Guerre mondiale elle-même, dans des interventions militaires, permanentes jusqu’à notre époque, en Afrique… le tout aboutissant, en 2011, à la destruction de la Libye de Muammar Gaddhafi…
Agissant ainsi, le parti communiste français a répondu très curieusement au parallèle à établir, selon Lénine, entre deux types de dictature. Créé en 1920, sous l’égide de la IIIème Internationale communiste, pour mettre en oeuvre une dictature ouvrière et paysanne, il est délibérément venu conforter le pouvoir de la grande bourgeoisie impérialiste avant même que le territoire de la France ne soit libéré… Relisons Lénine qui écrivait tout juste avant la Révolution d’Octobre 1917 :
« Les formes d’État bourgeois sont extrêmement variées, mais leur essence est une : en dernière analyse, ces États sont, d’une manière ou d’une autre, mais nécessairement, une dictature de la bourgeoisie. Le passage du capitalisme au communisme ne peut évidemment manquer de fournir une grande abondance et une large diversité de formes politiques, mais leur essence sera nécessairement une : la dictature du prolétariat. » (Idem, page 446)
Ainsi, suivant les chiffres donnés par Alexandre Mirlicourtois, c’est toute une partie de la société française qui se trouve aujourd’hui « sécurisée » par l’existence d’un Etat impérialiste qui doit impérativement trouver de quoi survivre tel qu’en lui-même grâce au sang répandu ici ou là par l’armée française… sans que la ressource d’une fonction publique d’implantation coloniale puisse pour l’instant se couler dans les brèches des zones apparemment conquises (Libye), pas plus que les experts états-uniens venus installer la démocratie occidentale en Irak sur la destruction du régime de Saddam Hussein n’ont pu éviter de repartir très vite, leurs ordinateurs sous le bras…
D’où le marasme actuel pour une France qui se cherche désespérément…
NB. Cet article est le quatre-vingt-seizième d'une série...
« L’Allemagne victorieuse de la Seconde Guerre mondiale ? »
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