2000, décennie de la peur, de l’idiotie, de la gabegie… mais…

Les années 2000 ont été expressivement intenses. Logique, les moyens économiques et technologiques n’ont jamais été aussi importants. La croissance mondiale a été soutenue. Les gens se sont équipés en moyens de communication. C’est incontestablement la décennie des téléphones portables, du numérique et de l’Internet. Un DVD coûte moins cher à produire qu’un 45 tours de l’époque des seventies. Mais la technique ne fait pas tout. Une décennie se caractérise par des événements politiques et des mutations socioculturelles sur le long terme, dont on ne voit les conséquences qu’une fois les transformations accomplies. Quelles sont les tonalités qu’on peut retenir de 2000 à 2009 ?
Premièrement, cette décennie a été celle des peurs diversifiées et plus ou moins imaginées, produites dans les esprits. Peurs, colères et émotions, la décennie 2000 aura été celle des affects médiatiques. Depuis le 11 septembre, des peurs nouvelles dont apparues. Le terrorisme se réclamant de l’Islam a conduit les Etats-Unis à mener une offensive militaire contre un ennemi diffus, liquéfié, mobile, dépourvu d’organisation centrale et d’un Etat. Bref, rien de commun avec la guerre menée par ces mêmes Etats-Unis face au Japon où chaque territoire était un bout d’empire nippon à défendre ou à reprendre face à un soldat ennemi. La nébuleuse terroriste ressemble à une sorte de mafia qui au lieu de faire des affaires comme dans les pays industrialisés (Russie, Italie, Etats-Unis, Japon), se croit investie d’une mission divine visant à punir l’Occident. Les Etats occidentaux ont fait le nécessaire, officiellement s’entend, pour contrer l’ennemi terroriste et sécuriser les territoires. Il a suffit d’un attentat manqué pour que le système immunitaire policier se renforce dans les aéroports.
A ces peurs de l’étranger terroriste se sont ajoutées les peurs intérieures, symbolisées par l’événement politique français de la décennie, Le Pen au second tour après une campagne où la sécurité a été un thème dominant. Ensuite, d’autres peurs sont arrivées. Je ne parle pas du TCE, car il s’agit là d’une défiance des peuples face aux élites. De vraies peurs ont été produites, dans deux domaines, la santé, avec les microbes et autres virus ; et le climat. SRAS, vache folle, grippe aviaire, grippe porcine, OGM, réchauffement climatique. Voilà un signe des années 2000.
Deuxièmement, nous avons vécu la décennie de l’idiotie. Avec le succès de Bigard, Arthur et Dubosc, les ricanements de Ruquier, les phrases de Séguéla, Loft story, Secret story, Star academy, pipolisation, troupeaux de fans dans les stades prêts à débourser 50 ou 100 euros pour voir se pavaner des artistes plus doués en communication qu’en composition. L’idiotie se décline dans les goûts moyens, formant le succès des Dion, Madonna, U2 et autres soupes musicales écrites sous forme de comédies aux textes et compositions insipides à côté desquelles Lopez paraît tel un Mozart alors qu’Offenbach s’en retourne dans sa tombe. L’idiotie, elle a aussi sa transcription politique. La décennie a vu gouverner des idiots, surtout les politiciens bavards de droite comme de gauche. A chacun de se reconnaître. Quant au principe de précaution, c’est l’idiotie gravée dans le marbre de la Constitution. Enfin, l’idiotie a gagné les médias de masse. C’est pour cette raison que des grands quotidiens ont quelques difficultés à se vendre. Il faut dire que ces journaux ne peuvent plus payer des journalistes de fond et de terrain. Les managers et autres directeurs et chefs s’en mettent plein la poche d’où le troisième volet des années 2000…
Troisièmement, gabegie et indécence ont signé le tournant, ou plutôt l’accentuation de tendance, prise par le monde des élites. Sans oublier les stars. Des salaires démesurés, des revenus calculés par des élites ayant perdu le contact avec les réalités prosaïques et le prix du kilo de poireaux. Ces parachutes dorés, stock options, jetons de présence, salaires et primes de traders et de PDG, revenus de sportifs et stars de la chanson et du cinéma. Démesure et gabegie, avec également l’indécence des augmentations décidées pour les plus hauts cadres de la fonction publiques, avec les conseillers et les frais de fonctionnement de ces gouvernants pour qui servir la France nécessite un statut haut de gamme. Tout a été dit…
… mais, et c’est le plus important. Les années 2000 ont vu se dessiner ou du moins se renforcer une contre-culture qui n’a pas abdiqué. Ont vu ? C’est vite dit, car tous ne voient pas forcément. Pour voir, il faut aller de plus près dans les lieux alternatifs, y compris sur le Net, où quelques créateurs proposent des choses intéressantes que les médias de masse se plaisent à occulter parce que ce n’est pas bon pour l’audimat. Et parfois, ce n’est pas politiquement correct. Difficile de dire si la contre-culture des années 2000 a été plus présente que celle des années 1990. Honnêtement, il est hautement improbable que ces marges esthétiques, éthiques et intellectuelles puissent subvertir le système. Sauf miracle, les années 2010 ressembleront aux années 2000. Seul un Dieu peut nous surprendre***
Meilleurs vœux pour les années 2010 !
*** les connaisseurs reconnaîtront une sentence sibylline d’Heidegger qui dans un entretien a dit que « seul un Dieu peut nous sauver »
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