2009, un été atypique et pathétique

1968, la France s’ennuyait puis elle s’est fait peur un mois de mai. Le Général avait disparu, puis la vieille garde gaullienne avait sauvé notre pays de la chienlit. En vérité, la France ne s’ennuyait pas. Sa jeunesse était en pleine mutation mais les médias, sous très haute surveillance, se gardaient bien de diffuser des images suspectes, comme par exemple ces garçons aux cheveux long dans le vent venus d’Angleterre. Par la suite, les médias sont devenus plus spontanés, offrant quelques émissions impertinentes. Jusque dans les années 1980. Le soir, on pouvait voir chez Polac des cendriers volants. Dans Sexy folies, des psy encanaillés fricotaient avec des présentateurs défroqués pour décortiquer quelque croustillante gauloiserie enrobée par des lingeries de chez Chantal Thomas. Et puis la douce folie médiatique a laissé place à la froide raison déontologique des prélats de la machine médiatique. La France ne s’ennuie plus depuis longtemps mais la télé est devenue ennuyeuse. Secret story n’est pas une émission grossière, elle est tout simplement vulgaire. Et quand la crise fut venue, rien n’a pu réactiver la joie des plateaux dévoués maintenant à la promo sans se cacher. Le JT est fait comme une émission de variété qui va chercher ses figurants d’un quart d’heure de célébrité dans les faits divers où il y a des victimes et des témoins toujours pris en charge par la cellule psychologique qui elle ne connaît pas la crise et ne chôme pas. Les Enfoirés sont des enc. 

2009 est une année atypique. Devinez qui a déclaré cela ? Vous pensez en premier à Frédéric Lefebvre, le préposé aux phrases prédestinées pour le zapping de Canal et les moqueries des Internautes. Raté, ce sont les dirigeants de la firme Total qui ont décrété 2009 année atypique parce que cette grande entreprise a enterré quatre de ses employés morts lors d’incidents survenus en fonction sur l’un des sites français. Des incidents à répétition. Pas comme les autres années. Des incidents au-dessus de la moyenne. Total n’assure plus la sécurité de ses employés. Les syndicats ne sont pas contents. La grande entreprise est grippée. Comme du reste la société. Au sens figuré parce qu’au sens propre, on l’attend de pied ferme, cette grippe, qui ne passera pas par nos mains propres, soigneusement passées au savon avant que l’inspectrice des institutrices ne nous passe un savon. Avez-vous remarqué comme les médias de masse sont moroses ces temps-ci ? Finis les reportages sur les fêtes de la jet set. Cette fois, les folies du luxe ne doivent plus s’afficher. Ce serait indécent, alors que les Conti ont traité la CGT de racaille et que les ouvriers licenciés se ramassent à la pelle telles des feuilles mortes fanées et dépitées de tant d’ingratitude. Les profits ne sont déplacés, les économies nationales aussi, mais ce sont les mêmes qui ont le pognon placé et qui font la fête à Saint Trop. Mais pas question de les montrer avec trop d’ostentation. L’écran doit porter la burqua virtuelle. Il ne faut pas voir le luxe attiser la colère des citoyens au pouvoir d’achat amputé, même si Luc Chatel est venu tel un huissier du gouvernement constater la baisse des prix pour les fournitures scolaires dont on se demande si elles vont servir puisque les écoles seront fermées.

2009 n’a rien d’une année 1969 érotique. Cet été 2009 ressemble à l’été 1939. Oh, que n’ai-je pas dit. Bon, même si on peut gloser avec facéties sur les deux lignes Maginot inutile, rien ne laisse présager des jours terribles, comme après la drôle de guerre. Le virus de la grippe passera la ligne Maginot sanitaire mais le pays sera encore debout. Mais fatigué et usé par une crise plus sociale qu’économique. Beaucoup de mauvaises nouvelles. Les entreprises n’embauchent plus, même chez les cadres. Le tarif d’EDF va augmenter, l’essence aussi. Les maisons de retraites vont être plus chères. La Sécu sera en déficit comme du reste l’Etat et ça flambe. Malgré cela, le gouvernement gaspille l’argent avec les vaccins et vient de claquer des milliards en exonération pour baisser la TVA des restaurateurs qui n’ont pas baissé les prix alors que les citoyens semblent baisser les bras. 2009, cette année là, cet été là, nous avons peut-être compris l’impasse où nous sommes. Condamnés à œuvrer pour entretenir des usines à gaz, des machines administratives et étatiques, pour financer des erreurs de gestion, des emprunts locaux déraisonnés contracté au nom de l’ego d’élus fiers d’offrir des équipements à leur électeurs, enfin, offrir est un euphémisme, puisque nos élus nous offrent des services publics mais c’est nous qui payons et les cadeaux s’avèrent parfois empoisonnés. D’année en année, nous nous éloignons de la festivité et de la joie. Mais nous restons les auteurs de notre propre bonheur. Même si pour notre malheur, nous héritons d’une mauvaise gestion et des conséquences liées à des choix discutables qui ont été faits sans nous demander notre avis. Moi qui ai l’âme d’un bon père de famille, je sais ce que coûte une berline standing en entretien. Alors je préfère m’en passer, d’autant plus que je n’ai pas les moyens d’en acheter une et quand bien même je pourrais, je réserverais mon argent pour d’autres achats, notamment des biens culturels. Par contre, nos gouvernants nous imposent des choix coûteux et ce faisant, ils amputent notre budget pour des finalités dont l’utilité publique reste à établir. Cet été 2009 semble atypique. Bien morne. La France ne s’ennuie pas, elle marque un signe de fatigue évident, qu’on peut capter dans les médias, y compris nos commentateurs sportifs qui, passée l’euphorie de l’instant chronométré, affichent des postures neurasthéniques. C’est sûr que ceux là n’ont pas pris de coke pour conjurer la morosité, contrairement aux Américains, plus assidus dans ce vice, dont on vient de détecter la trace sur les billets de banque. Mais ne sautez pas de joie trop tôt, ce ne sont que des traces, imperceptibles sauf en utilisant un spectromètre de masse, inutile donc de sniffer un billet, on pourrait vous dire que vous êtes à la masse. Mais nous sommes tous à la masse, nous qui regardons les médias de masse livrer les événements d’un été 2009 plus pathétique qu’atypique.