Ce fut sans enthousiasme et avec résignation que j'ai mis un bulletin nul dans l'urne le 6 mai dernier.
L'affligeant débat d'entre deux tours où les deux finalistes avaient rivalisé de mauvaise foi, complices mimant un affrontement sans merci pour mieux masquer leur convergence profonde, n'y avait pas été pour rien. En décidant de ne pas cautionner ce simulacre, j'ai au moins pu garder ma conscience tranquille.
Avec le recul, je m'en félicite : les dernières semaines ont dû ressembler à un festival de cocufiage pour les électeurs soi-disant critiques de François Hollande au deuxième tour.
Durant une année, François Hollande n'a pas eu de mots assez durs pour brocarder la TVA dite sociale de Nicolas Sarkozy, dont, soit dit en passant, la mise en place s'est plutôt assimilée à un acte manqué. Promise dès 2007, abandonnée sans bruit au mois de juin, puis ressortie en 2011 comme la promesse d'une punition si le président sortant était réélu, c'est peu dire que la création de cette TVA sociale a été engagée à reculons, comme si une mesure de cette ampleur pouvait intervenir en fin de mandat.
Pour François Hollande et une bonne partie de ses supporters, financer une partie de la protection sociale par une taxe sur la consommation et alléger en conséquence les cotisations sociales est une mesure inspirée par Satan en personne. Qu'importe, si nombre de politiques conviennent, depuis plus de 10 ans, qu'une protection sociale "universelle", qui bénéficie à tous et non aux seuls salariés, ne peut se financer uniquement par des impôts sur les salaires. TVA, impôt sur le revenu, CSG… les pistes pour élargir l'assiette du financement de la protection social ne manquent pas.
Par la grâce d'un rapport sur la "compétitivité des entreprises", rendu le lundi à midi, et après un arbitrage express de…24 heures, le gouvernement a décidé, finalement, d'augmenter la TVA en échange d'un allègement de l'impôt sur les sociétés.
On peut ergoter sur les différences de forme entre Nicolas Sarkozy et François Hollande : ce dernier a fait pire que la TVA sociale, mesure qui a au moins le mérite de constituer une réforme fiscale. La mesure gouvernementale s'apparente plutôt à une super niche fiscale. Tout en manifestant, comme sous la présidence Sarkozy, un acquiescement aux impératifs ultra libéraux portés par des apprentis sorciers sous couvert de la crise économique
[1]. Autre manifestation de soumission révélée par cette mesure, qui n'est pas des moindres : le financement hérité du XIXe siècle de la protection sociale ne sera pas touché, la Bastille de la gestion des cotisations sociales ne sera pas effleurée. Les "partenaires sociaux" ont dû apprécier le geste.
On reconnaît un lâche à ce qu'il préfère taper sur les faibles que sur les forts. Force est de constater que cette définition s'applique aux débuts de la présidence Hollande.
Afin d'entretenir un rideau de fumée sur les prévisibles renoncements, le mariage homosexuel est promu comme le grand marqueur idéologique du quinquennat.
Sans doute sur la base de sondages prévoyant une large adhésion à ce projet, le gouvernement voyait là le moyen d'affirmer son caractère progressiste face à une poignée de réactionnaires isolés.
Las, ce n'était pas de l'adhésion mais de l'indifférence, contredisant, entre parenthèses, le discours des militants qui se plaisent à dépeindre une société obscurantiste et oppressive vis-à-vis des homosexuels.
L'écran de fumée risque toutefois de se retourner contre ses concepteurs mal informés une fois que le plus grand nombre se sera saisi de la question, auparavant réservée à un cercle étroit de militants et de féministes.
Du moins, pendant que l'on se déchirera avec cette polémique, le Veau d'Or pourra être adoré tranquillement.
En politique étrangère, nulle rupture avec l'ère Sarkozy. Au nom de la démocratie, on poursuit l'anéantissement de la Syrie, comme dans les années 90 celui de l'Irak, avec la bienveillance des grandes démocraties du Golfe. Contre toute évidence, on feint de prêter un pouvoir de nuisance démesuré au Diable de Damas, aux abois. Ce n'est pas le moment de froisser ceux qui tiennent les cordons de la bourse et les vannes de pétrole.
Si, comme en Syrie, des Français s'essayent à la violence islamiste en France, Manuel Valls a une excuse toute trouvée : c'est à cause de Sarkozy.
Il y a certes une part de contexte expliquant le "dérapage" de Manuel Valls dans l'ambiance électrique de l'Assemblée nationale. Il n'en est pas moins l'expression d'une lâcheté profonde devant des faits que le ministre de l'Intérieur et maire d'Évry ne peut ignorer.
Le regain d'antisémitisme observé depuis 10 ans ne trouve pas sa source dans un mouvement historique de la société française mais, en large partie, dans le ressentiment anti israélien qui anime une partie des immigrés maghrébins et Français d'origine maghrébine, comme l'a magistralement montrée l'affaire Merah.
On assiste tout bonnement à l'importation d'un conflit étranger sur le sol français via l'immigration.
Il est plus facile, alors, de chercher à diluer le malaise né de cette violence persistante en reprenant le discours victimaire et, pour tout dire, d'un égocentrisme inouï, propre aux porte voix attitrés de l'Islam ou des musulmans : "surtout ne faisons pas d'amalgame", "les premières victimes de Mohammed Merah, ce sont les musulmans" a-t-on pu entendre lorsque l'origine des meurtres a été élucidée !
Par sa rareté même, le témoignage du frère de Mohammed Merah démontre d'ailleurs qu'à part quelques voix isolées, aussitôt mises au ban de la pseudo communauté, il n'y a aucune réflexion interne sur les causes de cette violence.
Souhaitons à Manuel Valls que les péripéties du conflit israélo-palestinien lui donnent plus de répit qu'au gouvernement de Lionel Jospin en 2000-2002. Avec la recrudescence des affrontements à Gaza, rien n'est moins sûr.
François Hollande a gagné sans gloire l'élection présidentielle de 2012 en brocardant les insuffisances et les errements de son adversaire pour masquer ses propres limites. Un peu comme Nicolas Sarkozy en 2007 a réussi à faire oublier, le temps d'une campagne électorale, les aspects les plus contestables de son bilan de ministre depuis 2002.
Même s'il se place sous la protection de "saint Obama", on peut d'ors et déjà pronostiquer que François Hollande ne sera pas réélu en 2017.
Ségolène royal avait trouvé un slogan de campagne ambigu avec sa "France présidente"
François Hollande aurait dû annoncer clairement la couleur et, plutôt que "le changement maintenant", prévoir "la lâcheté présidente" en 2012.
[1] Ainsi constate-t-on avec surprise que la Grèce se voit prescrire une augmentation de la durée légale du travail, alors qu'il n'y a plus beaucoup de travail…