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Accueil du site > Tribune Libre > 2024 : une année de transition, mais vers quoi ?

2024 : une année de transition, mais vers quoi ?

« Haïti fait partie du "cercle de feu". L'année 2023 a été marquée dans le pays, selon certaines organisations de droits humains, par une explosion des assassinats (en augmentation de 40%) et des kidnappings (près de 3000), ainsi que par des guerres de territoire de plus en plus meurtrières entre des coalitions de gangs rivaux (environ 250 gangs en Haïti, dont plus de 110 opèrent dans la métropole de Port-au-Prince et créent des zones à risque un peu partout), provoquant des milliers de morts, des violences sexuelles et des déplacements massifs. S'ajoutent à ce tableau sombre la corruption totale du système judiciaire, une mauvaise gouvernance socio-politico-économique, le trafic généralisé d'armes de guerre, une force de police défaillante, des menaces de sanctions de la part de la "communauté des amis d'Haïti" envers certains membres de la classe politique et de la pseudo-élite financière pour trafic de drogue et violation des lois haïtiennes, ainsi que l'immobilisme face aux aspirations du peuple en souffrance. 

Tous les indicateurs sont au rouge :
a) L'Organisation des Nations Unies (ONU), par le biais d'une proposition d'occupation d'Haïti, a voté en faveur de l'utilisation du Kenya comme force de maintien de la paix pour protéger les infrastructures contre les gangs qui ont pris le pays en otage ;
b) La Communauté caribéenne (CARICOM) s'active depuis plus d’un an en Haïti pour proposer une transition pluraliste (encore de facto) aux acteurs de la scène politique ;
c) La carotte électorale est également agitée par la "Communauté des Amis d'Haïti", communément appelée CORE GROUP, pour apaiser le malaise institutionnel qui a envahi tous les secteurs de la vie nationale ;
d) Le pays est devenu un amas de « territoires perdus ». Personne n'est à l'abri de la violence générale. L'inflation déjà vertigineuse devrait augmenter considérablement, les taux directeurs des banques centrales devraient atteindre leur pic cyclique, et la récession est à nos portes. Ces problèmes ont entraîné une inaccessibilité croissante des produits de base, y compris la nourriture et les médicaments, dont les prix ont été multipliés par cinq en deux ans. L'économie haïtienne a connu cinq années consécutives de contraction, passant de 1,7 % en 2019 à 4,9 % en 2023. Les conséquences sont alarmantes : entre 2020 et 2023, la mortalité infantile a augmenté de 43 % et celle des femmes enceintes de 63 %. 5,2 millions de personnes vivent dans une extrême pauvreté, soit 49,1 % de la population, en situation d'insécurité alimentaire et de malnutrition. Les nouveaux colonisateurs et leurs complices locaux continueront de priver les Haïtiens de leurs moyens de subsistance et de leurs repères, les forçant ainsi à adopter une culture artificielle et homogénéisée. 
Vaste programme de destruction massive !

Sous la tutelle du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), qui a lamentablement échoué, le gouvernement de facto en place depuis plus de 29 mois, selon les souhaits des tuteurs nationaux et internationaux, est malgré tout en panne de résultats et totalement indifférent aux souffrances du peuple haïtien. En 2024, selon les tenants de la démocratie pour les autres, certains choix du gouvernement contesté pourraient se consolider, car le débarquement militaire onusien, entériné par ce gouvernement pour "mieux contrôler le pays", conduira à des élections soi-disant libres, honnêtes, démocratiques, transparentes, propres, heureuses et magnifiques, jamais vues dans ce pays. En publiant un budget totalement irréaliste de 320,64 milliards de gourdes, les décideurs nationaux donnent l'image d'équilibristes sur le fil du déni, en mode pseudo-électoral. Il n'est pas surprenant que, comme en Tunisie, en pleine mascarade républicaine, l'intelligence artificielle qui gouverne Haïti soit tentée de proposer au peuple, via Internet (dans le cadre d'une consultation en ligne, étant donné que tout le pays est sous l'emprise des gangs), de s'exprimer librement sur sept thèmes : affaires politiques, qualité de vie, sécurité, affaires sociales, économie, développement durable et éducation, afin d'intégrer les résultats au projet d'une nouvelle constitution (déjà décidée). Le mensonge éhonté fait son entrée en scène, et tout le monde attend Godot, alimentant ainsi le fantasme sur d'éventuelles interventions militaires étrangères pour "sauver" Haïti. Compte tenu de ce qui précède, 2024 peut être considérée comme une année de toutes les tensions, ouvrant la voie à davantage de spéculations, à des hausses progressives du dollar américain (la monnaie nationale) et à une tendance au "pays lock" non programmé, conduisant à plusieurs "kouri" et à une intensification des activités des gangs. La financiarisation des fossoyeurs de rêves, le contrôle des médias et le soutien aux gangs figurent parmi les outils de prédilection des antihaïtiens.

Les analyses traditionnelles de fin d'année rappelleront le caractère exceptionnel de 2023 : les crises politiques, les crises d'essence, la consolidation du "blackout", le chômage, une "inflation abyssale" dépassant largement la cible de la banque centrale, justifiant ainsi une politique impopulaire du ministère de l'Économie et des Finances, la prolifération des bandes armées, l'augmentation des kidnappings et la croissance exponentielle des assassinats, ainsi que l'inertie des décideurs nationaux et internationaux. 2024 sera l'année de tous les dangers, car rien n'indique qu'il y aura des effets de base favorables ou non sur l'économie, ni un relâchement des pressions exercées sur la gourde. Les faux taux de référence de la banque centrale, tout comme en 2023, n'intéresseront personne, mais agaceront ceux qui seront dépouillés par les dirigeants et les financiers en recevant des transferts d'argent provenant de proches encore sensibles à la vie des membres restants de leurs familles en Haïti.

La grande migration contrôlée est en cours, supervisée par les États-Unis d'Amérique du Nord et le Canada sous le label "le billet Biden". Les taux réels du dollar/gourde rappelleront la réalité lorsqu'il s'agira d'acheter des dollars avec les maigres économies que remettront ceux qui se rendront aux banques traditionnelles ou aux bureaux de change formels, ainsi que sur le marché informel, pour ceux qui recevront des transferts d'argent de la diaspora haïtienne. L'attitude attentiste des "souffrants" permettra au gouvernement de resserrer l'étau sur les acteurs du changement réel, favorisant ainsi l'appétit des fossoyeurs d'Haïti. Le temps et la patience restant les seuls remèdes, le traumatisme perdurera !

Quelles transitions ?
L'effondrement total d'Haïti a été prédit à maintes reprises, mais le pays affiche une résilience et une ténacité à s'accrocher à la vie et à l'indépendance acquise en 1804, un état d'être incompréhensible pour les observateurs et les fossoyeurs. Le diable étant dans les détails, plusieurs transitions se sont succédé, et d'autres pourraient avoir lieu en 2024, conduisant à des confrontations politico-militaires dans le pays, achevant ainsi sa "somalisation" ou amorçant une "rupture" qui ne dit pas son nom.

On observe un scénario de base présenté comme un déblaiement de l'espace de ce qui est appelé "l'ancienne classe politique", avec l'adoubement de jeunes loups pour combler le "vide institutionnel", selon les souhaits des tuteurs d'Haïti. Des listes punitives sont publiées à chaque avancée politique ou économique non autorisée. Malheureusement, cette "normalisation", à l'instar du football haïtien, ne répondra aux attentes de personne, car la liste des complices est trop longue pour faire l'objet de résolutions sérieuses. Et que faire des gangs, qui accomplissent remarquablement leur mission de nous contrôler, de nous tuer, de nous effrayer et de nous pousser à laisser le pays et l'ancien ordre en paix ?

Construire des "utopies concrètes" et Désélectoraliser. C'est à travers les conflits générés par l'extractivisme que surgiront des rébellions face au pouvoir dans ses multiples manifestations, pour la défense de la qualité de vie et du droit de décider. La question d'une autre transition est cruciale, car les attentes quant à la nature de la reconstruction du pays et à la fourniture d'éléments fondateurs pour sortir réellement de la crise, en rompant le cercle vicieux, sont immenses. Malheureusement, la liste des moteurs de la relance est maigre en raison d'une crise d'ordre général qui touche de multiples dimensions de l'État et de la société. Cette crise découle de la conjonction d'autres crises, grandes ou petites, qui n'ont pas été résolues, ou de nouvelles crises qui se sont greffées sur les anciennes pour les renforcer ou les dénaturer. Néanmoins, des propositions de théorisation émanant des partisans du changement réel, alignées sur les revendications populaires, peuvent être attendues. Cela relancera un débat sur l'avenir de la nation, longtemps évité par les bien-pensants et les influenceurs.

La solution ne peut venir que des citoyens concernés et impliqués.
Après plus de 30 ans de crises graves et traumatisantes en Haïti, comment les conditions qui ont rendu cela possible ont-elles changé ? Si nous voulons discuter de la voie haïtienne ou du caractère unique du pays, c'est la première question à laquelle nous devons répondre. Dans un scénario où le rythme actuel de détérioration socio-économique, politique et financière persiste, la recherche d'une voie de développement propre et unique, contribuant aux éléments de base nécessaires, est impérative. Les racines de cette démarche passent par une nouvelle pensée politique et un autre savoir-être. Elles passent par le développement de nouveaux standards de souveraineté, d'application de la loi et la création d'une citoyenneté haïtienne. Tout au long de notre histoire, nous avons été engagés dans une résistance, et aujourd'hui, il nous est donné la possibilité de corriger notre trajectoire et de définir un modèle pour atteindre 2054 sereinement. Comme le disait Mao Zedong dans "Sur la contradiction", lorsque nous n'avons pas de modèle sur quoi nous appuyer, nous nous appuyons sur le débat théorique, la lutte politique et la pratique sociale, sur ce que nous appelons "de la pratique à la pratique". Le slogan "la pratique est le seul test de la vérité" souligne l'importance absolue de la pratique, mais cette question fondamentale est elle-même théorique, et nous ne pouvons comprendre l'importance de ce slogan qu'en saisissant l'importance du débat théorique. C'est à ce stade que l'avant-garde politique intervient pour tracer les lignes de transformation sociale, démocratique et écologique radicale de la société.

Comme une maladie soudaine frappe celui ou celle qui abuse de son corps, Haïti réagira avec une fièvre cataclysmique pour venir à bout de l'infection qui l'afflige. Le défi sera, en même temps, de penser et de créer des alternatives capables de radicaliser la démocratie et d'inventer des chemins économiques pour répondre à ceux qui prêchent l'absence d'alternatives. Il semble que les deux chemins, politique et économique, ne pourront être dissociés dans cette recomposition. C'est là un autre défi important !

Une année, dit-on, de combat.

Muscadin Jean-Yves Jason
19 décembre 2023
[email protected]
 


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1 réactions à cet article    


  • SilentArrow 11 septembre 13:24

    @Omraam

    Sous la présidence de Nayid Bukele, le Salvador aussi en proie à une guerre des gangs a vu le taux d’homicide passer de 87 pour 100 000 habitants à moins de 3 en 4 ans.

    La population carcérale est passée de 40 000 a 100 000 en un an. Les ONG hurlent au loup, mais la population applaudit et le réélit.

    À méditer.

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