25 ans après les accords d’Oslo, une population vit sous un régime d’apartheid en Israël
Les accords d'Oslo étaient le résultat d'un ensemble de discussions menées entre des négociateurs israéliens et palestiniens à Oslo en Norvège pour poser les premiers jalons d'une résolution du conflit israélo-palestinien.
La Déclaration de principes, signée à Washington il y a juste 25 ans, le 13 septembre 1993 en présence de Yitzhak Rabin, de Yasser Arafat et de Bill Clinton prévoyait une série de négociations pour régler le problème et instaurait les fondements d’une autonomie palestinienne temporaire de 5 ans pour progresser vers la paix. La poignée de mains entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin à la suite de la signature des accords avait donné l'espoir de l'établissement d'une paix durable entre l’état d’Israël et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP).
Ces accords avaient été complétés en 1994 par l’Accord de Jéricho-Gaza qui avait investi la nouvelle autorité palestinienne de certains pouvoirs, limités. Enfin, l'accord intérimaire sur la Cisjordanie et la Bande de Gaza ou « Accord de Taba », qui avait été signé à Washington en 1995, prévoyait les premières élections du Conseil Législatif Palestinien et impliquait un découpage négocié des territoires palestiniens en zones où les contrôles israélien et palestinien s'appliqueraient de façon différente, dans l'attente de l'aboutissement des négociations… toujours en cours.
Ces accords qui représentaient un compromis historique entre les mouvements de libération nationale juif et palestinien avaient réussi à remplacer le rejet mutuel par la reconnaissance mutuelle. Gaza et la ville de Cisjordanie de Jéricho avaient été placées sous le contrôle de l'OLP, ce qui devait constituer la première étape d'un processus graduel visant à résoudre toutes les questions en suspens entre les deux parties, un événement porteur de grands espoirs.
L’OLP a vu dans l’accord d’Oslo un instrument d’autodétermination nationale dans les territoires occupés par Israël depuis la guerre de 1967. Mais il n’en a rien été. Israël a utilisé ces accords pour remodeler l’occupation des territoires et non pour y mettre fin.
Le processus d'Oslo a finalement été abandonné après l'échec d'une série de négociations parrainées par les États-Unis en 2014, au cours desquelles John Kerry, secrétaire d'Etat d'Obama, s’est pourtant montré déterminé à négocier un accord de paix, sans y parvenir...
Aujourd’hui, Netanyahu prétend que les accords d'Oslo étaient voués à l'échec dès le départ parce qu’incompatibles avec la sécurité israélienne et avec le droit historique du peuple juif sur l'ensemble des terres d'Israël, y compris la Judée et la Samarie, les noms bibliques de la Cisjordanie. En fait, quand il était le chef de l’opposition, il avait déjà dirigé l’attaque contre les accords d’Oslo dès leur première présentation à la Knesset. A l’époque, il avait accusé Rabin d'être un chef pire que Neville Chamberlain lors de la Partition de l'Irlande, parce que Chamberlain avait mis une autre nation en danger, alors que Rabin l'avait fait avec sa propre nation. Il avait alors dénoncé les accords comme représentant une reddition aux « terroristes » et une humiliation nationale, et il avait promis de renverser le gouvernement. Il avait prononcé un discours incendiaire à la tribune d’un meeting à Jérusalem au cours duquel des manifestants de son parti (alors dans l’opposition) avaient exhibé une effigie de Rabin en uniforme SS. Puis il a continué à jouer un rôle actif dans la campagne d'incitation contre le gouvernement travailliste.
En fait, dans une interview de 2001, ne sachant pas que les caméras tournaient, Netanyahu s'est vanté d'avoir fait échouer les accords d'Oslo au moyen de fausses déclarations et d'ambiguïtés. Il a expliqué : « J’interpréterai les accords de telle manière qu’il sera possible de mettre fin à cet emballement pour les lignes d’armistice de 67. Comment ? Personne n’avait défini précisément les zones militaires. J’ai dit : les zones militaires sont des zones de sécurité. Ainsi, pour ma part, la vallée du Jourdain est une zone militaire ».
Quoi qu’il en soit, Rabin a été assassiné en novembre 1995 et sa veuve a refusé de serrer la main de Netanyahu à l'enterrement, alors qu’elle a reçu Yasser Arafat chez elle quand il est venu présenter ses condoléances, expliquant que la poignée de main d'Arafat symbolisait pour elle l'espoir de la paix, alors que la poignée de main de Netanyahu ne représentait pas un tel espoir.
Lors des élections de mai 1996, Netanyahu a battu Shimon Peres de moins de 1% et a immédiatement anéanti les efforts de paix de ses prédécesseurs travaillistes. Il a traité l'autorité palestinienne non pas comme un partenaire sur la voie de la paix mais comme un organisme dangereux pour la sécurité israélienne. L’expansion des colonies juives en Cisjordanie a repris rapidement, en violation des acords d’Oslo. Le « processus de paix » s’est révélé être pire qu’une mascarade puisqu’il a fourni à Israël la couverture dont il avait besoin pour poursuivre son projet colonial en Cisjordanie.
Soumis à une forte pression américaine lors de son second mandat en tant que Premier ministre, Netanyahu a concédé à contrecœur la nécessité d'un état palestinien, mais sa conception d'un tel état équivalait à une série de cantons démilitarisés sans contiguïté territoriale. Et il a ajouté une nouvelle condition : la reconnaissance par les Palestiniens d’Israël comme état-nation du peuple juif était un préalable à tout accord, en sachant très bien qu'aucun dirigeant palestinien ne pourrait accepter de légitimer le projet sioniste lui-même, qui consiste à refuser le statut de nation aux Palestiniens.
En prévision des élections de 2015, Netanyahu a même déclaré qu'il n'y aurait pas d'état palestinien. Il a exhorté les électeurs juifs à aller voter parce que les « Arabes » se rendaient en masse aux urnes. Les « Arabes » en question n'étaient pas les habitants palestiniens de Cisjordanie qui n'avaient et n'ont toujours aucun droit politique mais les citoyens musulmans de l'état d'Israël qui sont des citoyens à part entière dans un pays démocratique. Or, comme l'a souvent fait remarquer Ahmad Tibi, le membre palestinien de la Knesset, si Israël est une démocratie pour les Juifs, cest un état juif pour les Arabes. Si Israël, à l’intérieur de ses frontières d’origine, demeure une démocratie au sens étroit du droit de vote des citoyens palestiniens, le grand Israël, c’est-à-dire Israël et ses colonies en Cisjordanie, n’est pas une démocratie, c'est un système politique dans lequel un groupe ethnique règne sur un autre. Et il y a un autre nom pour une telle réalité : l'apartheid.
Tout doute à ce sujet a finalement été levé par la loi récente qui déclare Israël comme « état-nation du peuple juif », une « loi fondamentale » qui devient une partie de la constitution du pays et qui affirme que le peuple juif a un droit exclusif à l'autodétermination nationale dans l'état d'Israël. Cette loi est en contradiction avec la déclaration d'indépendance de 1948, qui reconnaît la pleine égalité de tous les citoyens « sans distinction de religion, de race ou de sexe ».
Yitzhak Shamir lui-même, le "faucon du Likoud" Premier ministre d'Israël de 1983 à 1984 et de 1986 à 1992, avait qualifié Netanyahu de « superficiel, vaniteux, autodestructeur et enclin à la pression ». Shamir aimait dire que la paix était une illusion parce que, malgré tout ce que les Arabes pouvaient dire en public, leur but réel serait toujours de jeter les juifs à la mer. Son dicton préféré était « les Arabes restent les mêmes Arabes et la mer la même mer ». On sait moins qu’il aimait aussi ajouter : « la mer est la même mer et Netanyahu est le même Netanyahu ».
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