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25 ans déjà... Thomas Sankara...

Cela fait plus de 5 années que l’association « Per a Pace, Pour la Paix » développe, des coopérations, des échanges, des solidarités par des projets pour l’accès à l’eau, la nutrition, l’éducation et la santé pour les populations du Burkina Faso. L’histoire de Thomas Sankara, jeune président de la République n’était pas inconnue, mais c’est surtout au cours de ces diverses initiatives que nous avons appris à connaître l’homme, ses engagements et un peu plus son histoire.

En février dernier et durant plus de 10 jours, l’association a séjourné dans différentes régions du pays pour concrétiser des actions de solidarité[i] en partenariat avec des associations locales, des écoles élémentaires et une coopérative de femmes... 

Comme à chaque initiative et pour honorer sa mémoire, nous nous rendons au cimetière de Ouagadougou, là où est censé être inhumé Thomas Sankara[ii] ancien Président de la République, assassiné le 15 octobre 1987. Encore aujourd’hui, un doute persiste sur le lieu exact où repose son corps et dans cette recherche de la vérité, sa famille et ses amis demandent avec insistance que des tests ADN soient effectués. A la différence de nos précédentes visites, les militaires font la garde à l’entrée du cimetière. Il faut dire que la sépulture est en piteux état et surtout qu’elle a fait dernièrement l’objet d’une profanation. 

Cette année, cela fera 25 ans que Thomas Sankara, le leader africain au franc parlé, aura été assassiné, mais aujourd’hui encore, sa mémoire est bien vivante dans le pays. Il bénéficie d’un important capital de sympathie, d’une autorité peu commune et d’un grand respect pour son action et ses idées, comme nous avons pu le constater à chacun de nos voyages dans le pays. Présent dans les médias, chanté et mis en musique par les artistes, il alimente les conversations, les espoirs d’une jeunesse en quête d’identité et de perspectives. Il représente aujourd’hui une référence, une conscience pour aider à construire une Afrique nouvelle, débarrassée des dictatures et de la Françafrique. Ses discours s’écoutent sur les téléphones portables et sont portés, véhiculés par les réseaux sociaux… Dans cette Afrique en crise, exploitée[iii] et en recherche de perspectives, les idées et enseignements de Thomas Sankara sont fédérateurs bien au-delà du pays.

Innovent et dynamique, il a su durant sa courte présidence, engager le pays sur plusieurs fronts. C’est très probablement ce bilan qui lui vaut encore aujourd’hui une telle « aura » dans le pays, mais aussi d’un point de vue international... Lutte contre la corruption, éducation et santé pour tous, émancipation de la femme, interdiction de la polygamie, lutte contre l’excision... Campagne de vaccination sans précédent (polio, rougeole, méningite), lutte contre la désertification, construction de logements sociaux et réhabilitation des quartiers, désenclavement des campagnes, construction de routes et chemins de fer... Construction de barrages pour l’irrigation des terres…. Lutte pour la paix… Sankara avait engagé une politique décidée dans son pays, orientée vers les besoins et pour la satisfaction des populations. Son action montre qu'il se méfiait du pouvoir, de celui que l'on combat et de celui que l'on peut avoir soi-même.

Peu de temps avant d’être assassiné, Thomas Sankara, déclarait lors d’une conférence organisée par l’Union Africaine à Addis Abeba[iv] « Nous devons accepter de vivre africains, c’est la seule manière de vivre libre ». Ce discours novateur, courageux et plein de bon sens, incitait déjà à l’époque les dirigeants du continent africain à refuser l’injustice, la pauvreté, la spirale infernale de la dette imposée par les grandes puissances.

A la lumière des événements aujourd’hui, du poids de la dette dans la situation de nombreux pays, y compris aujourd’hui en Europe, cette intervention constitue une référence historique, mais aussi un certain courage et une vision politique hors du commun. Incontestablement, l’homme politique aura marqué par l’ampleur de ses actions au plan national et international durant les 4 années de présidence à la tête du pays.

Depuis 25 ans, date de son assassinat, des voix s’élèvent pour demander la vérité sur sa mort. En avril 2006, le comité des Droits de l’Homme de l’ONU s’était emparé du dossier, avant de le clore deux années plus tard sans l’ouverture d’une enquête…  Plusieurs procédures judiciaires ont été lancées au Burkina Faso, mais aucune pour l’instant, n’a abouti à faire émerger la vérité.

Justice pour Sankara, justice pour l'Afrique...

En décembre 2009, un collectif d’associations international lançait une nouvelle campagne d’opinion autour d’une pétition[v] « Justice pour Sankara, justice pour l’Afrique  » réclamant une enquête internationale indépendante et l’ouverture des archives.

En avril 2011, douze députés burkinabés écrivaient aux parlementaires français pour demander cette fois ci l’ouverture d’une enquête parlementaire sur l’assassinat de Thomas Sankara et les liens possibles avec la France. Malgré le soutien de 21 députés français[vi], engagés pour cette exigence de vérité, cette demande n’a pas été étudiée par le parlement. A l’approche des élections présidentielles, il faudra maintenant attendre l’élection de la nouvelle assemblée nationale en espérant que celle-ci se décide enfin, à examiner cette question et à prendre des dispositions.

C’est cette absence de réaction du parlement français qui aujourd’hui amène l’association Per a pace à interpeller en Corse les candidats aux prochaines élections législatives, afin de connaître leur opinion sur cette question…Aujourd’hui, en France et en Europe aussi, dans le monde associatif, syndical et politique, des voix s’élèvent pour réclamer cette justice, cette exigence de vérité…

Une vérité, qui peut-être, commencera à pointer le 26 avril prochain au tribunal de Ouagadougou, lors du nouveau procès qui devra examiner « la plainte contre X pour séquestration » déposée en 2002 par l’épouse de l’ancien Président assassiné le 15 octobre 1987.



[i] 10 personnes membres de l’association Per a Pace participaient cette année du 8 au 19 février au séjour solidaire qui a vu la réalisation de plusieurs actions dans les communes de Sindou, Pobie, Bori, et Ouagadougou… Réalisation d’un projet d’adduction d’eau dans l’école de Sindou, distribution de 150 moustiquaires pour les enfants en partenariat avec la Ligue de l’Enseignement (France) et l’association Djigouya de Sindou.

Construction et équipement d’une plateforme multi fonctionnelle (moulin) en partenariat avec le comité d’entreprise des électriciens et gaziers de France, la CCAS et la coopérative de femme dans le village de Pobie. Distribution de fournitures scolaires et vêtements…

[ii] Thomas Sankara, né à Yako le 21décembre 1947. Président de la république du Burkina Faso ancienne Haute Volta du 4 aout 1983 au 15 octobre 1987, jour de son assassinat.  

[iii] Voir article (Afrique : 50 ans d’indépendances, mais pas la fin des dépendances…) Agoravox janvier 2011.

[iv] Discours sur la dette des pays africains lors du sommet de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA) à Addis Abeba le 29 juillet 1987 peu de temps avant sa mort.

[v] On peut trouver et signer la pétition sur le site : http://thomassankara.net/


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8 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 12 avril 2012 12:05

    « Une grande partie de l’argent qui est dans notre porte monnaie, vient de l’exploitation depuis des siècles de l’Afrique »

    Jacques CHIRAC

    Voir comment on exploite l’afrique sans vergogne :

    http://2ccr.unblog.fr/2010/12/05/afrique-terre-de-pillages/


    • elkab 12 avril 2012 14:06

      Je suis tout a fait d accord avec toi.
      Et suivant le meme principe, on devrait en faire de meme avec l argent des tres riches qui n en ont absolument pas l emploi


    • Robert GIL ROBERT GIL 12 avril 2012 14:40

      c’est vrai ça, d’ailleurs en face de chez moi il y a un voisin qui a une grande propriété et il n’en fait absolument rien, je vais aller m’installer chez lui et je cultiverais son terrain, puisqu’il n’en fait rien............


    • Renaud Bouchard Renaud Bouchard 12 avril 2012 22:49
      Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore , qu’ils se donnent le plaisir (et l’émotion) de lire le magnifique discours prononcé par Thomas Sankara à la 39è Session de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 4 octobre 1984, et dont voici la conclusion : 


      Monsieur le Président,

      J’ai parcouru des milliers de kilomètres. Je suis venu pour demander à chacun de vous que nous puissions mettre ensemble nos efforts pour que cesse la morgue des gens qui n’ont pas raison, pour que s’efface le triste spectacle des enfants mourant de faim, pour que disparaisse l’ignorance, pour que triomphe la rébellion légitime des peuples, pour que se taise le bruit des armes et qu’enfin, avec une seule et même volonté, luttant pour la surviede l’Humanité, nous parvenions à chanter en chœur avec le grand poète Novalis :

      « Bientôt les astres reviendront visiter la terre d’où ils se sont éloignés pendant nos temps obscurs ; le soleil déposera son spectre sévère, redeviendra étoile parmi les étoiles, toutes les races du monde se rassembleront à nouveau, après une longue séparation, les vieilles familles orphelines se retrouveront et chaque jour verra de nouvelles retrouvailles, de nouveaux embrassement ; alors les habitants du temps jadis reviendront vers la terre, en chaque tombe se réveillera la cendre éteinte, partout brûleront à nouveau les flammes de la vie, le vieilles demeures seront rebâties, les temps anciens se renouvelleront et l’histoire sera le rêve d’un présent à l’étendue infinie ».


      • agent orange agent orange 13 avril 2012 09:28

        En cette période de dictature des marchés et de l’esclavage de la dette, il est bon de revoir le discours sur la dette de Thomas Sankara au sommet de l’OUA en 1987 dans lequel il appelait à sa suppression pure et simple. Ce visionnaire fut assassiné trois mois plus tard.

        Repose en paix, Thomas. Tes paroles ne sont pas oubliées et résonnent encore avec plus d’acuité aujourd’hui.


        • jacques casamarta 13 avril 2012 10:35

          Ce discours sur la dette restera comme un moment très fort dans les nombreux engagements de Thomas Sankara. Pour l’époque, car il faut replacer ce discours dans son contexte, il démontre l’intelligence politique de l’homme.... Son courage aussi... 


        • fraternité fraternité 19 octobre 2012 12:05

          Rappelons tout de meme aussi la face moins belle de Sankara, pour ne pas tomber dans l ideolatrie romantico-revolutionnaire.
          Sankara etait contre l’anarcho-syndicalisme, il faisait repeter à ses troupes et militants « A bas l anarcho-syndicalisme ! ». 

          Sankara avait un probleme avec l’autonomie politique des corps sociaux constitués, qui sont tout de meme une liberte fondamentale : la liberte de reunion et d association. 

          Peut encore parler de liberté du peuple dans son contexte ideologique ? 

          • jacques casamarta 18 mars 2015 08:50

            Connaîtra on la vérité sur l’assassinat de Thomas Sankara, les Burkinabés ont aujourd’hui chassés Blaise COMPAORE du pouvoir mais pour la reconnaissance de son assassinat et la vérité le chemin est long et difficile.

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