39 - 45 : « La Bretagne aux Bretons ; l’Allemagne aux Teutons »
Les Allemands atteignent Abbeville (Somme) le 20 mai 1940, huit jours plus tard deux-cents mille britanniques et cent-trente mille français embarquent à Dunkerque sous la mitraille, Le 6 juin, le Gouvernement français se réfugie à Tours puis à Bordeaux. Le 17, le Maréchal Pétain appelle à cesser les combats, le lendemain, le général de Gaulle lance son appel sur les ondes de la BBC. Le samedi 22 juin, l’armistice est signé dans la clairière de Rethondes (Compiègne) dans le wagon où fut signée l’armistice du 11 novembre 1918... C'est la consternation, des bâtiments de guerre bloqués dans les ports français de la Manche et de l’Atlantique se sabordent, d’autres parviennent à s’échapper. Le 18 juin, la Minerve et la Junon quittent Cherbourg pour Plymouth, ils feront partie en compagnie des Rubis, Narval et du Surcouf des sous-marins des Forces Navales de la France Libre.
Dans la nuit du 18 juin deux-cent quinze jeunes Normands embarquent à bord de bateaux de pêche pour Londres, cinq jeunes ch'tis s'entassent dans un canoë. Le 19 juin, deux navires paimpolais débarquent quatre-vingts élèves officiers de l’École d’hydrographie à Falmouth et à Plymouth, cent-vingt-huit Bretons quittent l'île de Sein. Une clause de l’armistice stipule : « les navires marchands français de toutes sortes se trouvant dans les ports français, sont soumis à l’interdiction d’appareiller ». Un quart de la Marine marchande rallie Londres ! On ne peut qualifier tous ces hommes de gaullistes, certains n'ont que peu entendu parler de ce général. Ce sont d'authentiques Patriotes au sens noble du terme. Le temps n'est plus aux tergiversations : « Les ennemis de mes ennemis sont mes amis ».
Les « Doriphores » vont se concentrer dans les grands ports atlantique capables d’accueillir les bâtiments de la Kriegsmarine et les U-Boots de l'amiral Doënitz. Les ports de moindre importance sont sous la surveillance de la Grenzaufsichstelle (douane militaire) et les petits ports placés sous la surveillance de policiers et gendarmes français. Hitler table sur le Plan « Otarie », le débarquement en Grande-Bretagne à partir des côtes de la Manche et de la mer du Nord.
Le 1 juillet 1940 l’Intelligence Service crée le premier réseau, « Alibi » va opérer sur l’ensemble du territoire et rester actif jusqu'à la Libération. Le : BCRA - SOE - MI.9 (filière d'évasion des aviateurs) et l'OSS vont eux aussi tirer parti des côtes bretonnes très découpées, accores, offrant de nombreuses criques et abers (estuaires fluviaux) jouxtant les landes et situées à moins de 100 MN de la côte anglaise pour la dépose et récupération d'agents, exfiltration des aviateurs abattus, l'acheminement du courrier, des armes, des postes radios, des fonds à la Résistance. Les renseignements transmis par la Résistance vont contribuer aux raids sur : Dieppe, Brest, Lorient et Saint-Nazaire. Le renseignement est primordial : construction et renforcement des installations, mouvements des navires, des U-boot, des troupes, leur moral, armement, ravitaillement, stations radars, aéroports de la Luftwaffe, zones minées, etc. Le 3 juillet, les Britanniques lancent une attaque sur la Flotte française à Mers el-Kébir, 1.297 marins ont été tués. Ce drame est vécu comme un « coup de Trafalgar ».
En 1940, le Parti national breton créé à partir d'une scission du Parti activiste breton dispose de son l'hebdomadaire l'« Heure bretonne », Radio-Rennes diffuse une émission en langue bretonne, « La race bretonne doit être protégée ». Son Service d'Ordre, le Bagadou Stourm (groupe de défense) va se compromettre avec l'occupant : délation, infiltration de la Résistance, assassinats et torture... Le PNB qui « fricote » avec l'Abwehr est rejeté par l'ensemble de la population : « La Bretagne aux Bretons ; l’Allemagne aux Teutons ».
Partout en France le souvenir de la Première Guerre mondiale est très prégnant, 1.500.000 tués ou disparus, soit 14 % de la population masculine auxquels il convient d'ajouter 900.000 blessés avec une incapacité moyenne de travail de 30 % et les Gueules cassées ! Le 17 juin, le pilonnage de l'artillerie Fritz sur la ville de Rennes afin d'en faciliter la prise par l'infanterie, fait 2.000 morts ! Été 40, 137.000 Bretons sont prisonniers en Allemagne. Pas une famille française qui ne soit pas meurtrie. Ces catastrophes nationales auront des répercussions sur le recours à la main d’œuvre étrangère et le « redressement démographique », avatars délaissés par les historiens... Question subsidiaire, l'Allemagne est-elle à l'origine de l'immigration que la France connait ?
Novembre 40, l’administration occupante procède à l’enregistrement et à la vérification de l'identité de toute la population séjournant dans la zone côtière interdite. Toute personne qui n'y résidait pas avant le 1er janvier 1937 est sommée de la quitter avant le 20 novembre. Le 30, la circulation dans les rues est interdite entre 22 heures et 6 heures. Tous les propriétaires de bateaux sont fichés et tout navire qui tenterait d'appareiller avant 9 heures ou d’y pénétrer après 19 heures court le risque d'être envoyé par le fond ! Les communications téléphoniques civiles entre la zone côtière et le reste du pays sont suspendues. Les côtes (phares, feux) et les villes sont plongées dans l'obscurité en raison du black-out. L'occupant oblige lors de son avancée, les territoires occupés à passer à « l'heure de Berlin » TU + 2 h (on avance d'une heure). L'Armistice signé le 25 juin 1940 à 18 h 50, le fut à heure d'été allemande !
Au mois de mai 1941 les patrons pêcheurs sont astreints au versement d'une caution de 1.000 à 3.000 francs, selon le tonnage du navire, afin de prévenir « toute évasion vers la Grande-Bretagne ». Beaucoup de patrons renoncent à sortir. L'autorité allemande contrainte de se sustenter en produits de la pêche, en conserves et en poissons salés, va lever l'interdiction le 1er août 41. L'économie de guerre est invoquée par les Anglais pour interdire la pêche dans leurs eaux territoriales. Il est hors de question que les Bretons participent au ravitaillement d’une population « inféodée » à Vichy et encore moins à celui des armées allemandes. Des chasseurs et bombardiers appartenant du Coastal command vont mitrailler des bateaux de pêche et en envoyer quelques-uns par le fond ! Les Bretons, plus germanophobes qu'anglophobes, suivent les cortèges funéraires des aviateurs, marins et soldats alliés et fleurissent les tombes avec des gerbes symbolisant la cocarde britannique : rouge au centre - blanc - bleu.
Le reich-mark surévalué contribue au pillage de l'économie française. La famille française est au régime à 1.300 calories / jour ! Les personnes enrobées sont soupçonnées de s'approvisionner au marché noir ou gris. Selon des historiens, l'activité « BOF » (beurre, œufs, fromage) a représenté près de 20 % du produit agricole ! La graisse remplace le beurre, impossible de faire une mayonnaise sans œuf et sans huile. Les pommes de terre sont remplacées par le rutabaga, considéré aliment fourragé destiné au bétail, il échappe aux restrictions alimentaires... Impossible de chasser, les armes ont été confisquées et la chasse interdite, reste le braconnage pour les protéines animales. Pas de sucre, les récoltes de la betterave sucrière sont réservées à l'occupant pour la fabrication d'alcool. Les Vert-de-gris premiers Grünen ?
Le 21 octobre 41, la profondeur de la zone interdite est étendue à 20 kilomètres. Tous les habitants domiciliés à l’extérieur (voyageurs, vacanciers) de la nouvelle zone interdite signalée par de simples panneaux, doivent la quitter avant le 10 novembre. Ces prescriptions ne s'appliquent pas aux ouvriers travaillant dans les bases navales ni pour l’Organisation Todt. La Résistance va fabriquer de faux documents afin de permettre aux agents de s'y déplacer.
Fin 1941, la pêche hauturière ne peut se faire que dans des fenêtres horaires strictes et sur des zones délimitées par les autorités allemandes. Les bateaux doivent arborer un guidon jaune ou blanc sous le pavillon français afin de pouvoir les distinguer des autres unités. La pêche va se restreindre aux bateaux non-pontés se livrant à la pêche côtière. Si les yachts ont des voiles blanches, les bateaux de pêche ont une voilure rouge. Les voiles en coton sont tannées avec un mélange d'eau de mer, d'huile de lin et une poudre ocre rouge pour les protéger de la moisissure et en accroître l'usage.
Le 8 novembre 1942 la pêche est totalement interdite dans les Côtes-du-Nord après le départ pour l’Angleterre d’un navire volé à son propriétaire. Cette mesure réduit au chômage toute la population maritime du quartier de Trégier. La pêche peut reprendre un mois plus tard, mais les marins surveillent leur embarcation, car nécessité fait loi. Au mois d'août 43, la Résistance doit verser 300.000 francs au patron-pêcheur de la Suzanne Renée pour exfiltrer dix-neuf aviateurs alliés. Lors d'une crise majeure on retrouve toujours six types de comportements : les partisans - les opposants - les attentistes (cela n'est pas de notre affaire, la tempête finira par passer, essayons de passer à travers les gouttes) - les versatiles (girouettes qui vous diront que c'est le vent qui change de direction et non le manche à air) - les affairistes (qui ne connaissent que deux leviers de pouvoir, la force et/ou l'argent) et les fortunés (qui peuvent aller se réfugier en un lieu sûr). Dans les années quarante, on compte pour une population de 40 millions d'habitants : deux millions de prisonniers - 400.000 résistants - 100.000 collaborateurs - 53.000 soldats des FFL (ces chiffres sont-ils fiables ?).
En 42-43, la section « Slocum » dispose de la 15e flottille basée à Falmouth et à Helford. Les Motor Gun Boats peuvent filer à 40 nœuds (les MTB 60 noeuds) et accomplir une rotation entre le sud de l'Angleterre et la côte bretonne en une nuit. Sauf urgence absolue, les opérations se déroulent par des nuits sans lune. Les bateaux de pêche ne sont pas délaissés, ils sont utilisés sur la côte ouest de la Bretagne où ils peuvent se fondre au sein d'une flottille de pêche, le temps de transborder du matériel dissimulé dans la marée (produit de la pêche). Cette action peut valoir un « aller-simple » pour Buchenwald ou Mathausen ! Le fonctionnement du réseau « VAR » créé en octobre 43 par le SOE, repose sur quelques résistants chargés d’accueillir les agents en gare locale, un négociant en vin assure leur transport, les sœurs du café Jacob à Guimaëc hébergent les agents dans une maison inhabitée située en face de leur établissement, et un habitant entrepose le matériel ou les armes.
Les 1, 2, 3 et 4 juin 1944, la BBC diffuse les 4 premières notes de la Cinquième symphonie de Beethoven : Pom-Pom-Pom-Pooom « Ici Londres, les Français parlent aux Français. Quelques messages personnels. Les sanglots longs des violons de l'automne ». Ces vers de Paul Verlaine signifient aux cadres de la Résistance que le débarquement aura lieu au cours de cette semaine. Le 5 juin, nouveau message personnel : « blessent mon cœur d'une langueur monotone » ; l'offensive est prévue dans les 48 heures. Dans la nuit du 5 au 6 deux-cent-dix messages personnels destinés à la Résistance activent les Plans : Vert (sabotages des chemins de fer) - Violet (les lignes des télécommunications) - Rouge (actions de guérilla) - Bleu (électricité et énergie) - Tortue (les routes). Un millier de sabotages va retarder les renforts allemands dépêchés sur la Normandie.
La « justice du Maquis » va s'abattre sur les individus ayant pris part à la collaboration : militaire - idéologique - économique - culturelle - horizontale... A la date du 22 juin 44, deux-cent-quarante-trois félons ont été déjà exécutés. Des Français ayant collaboré avec le régime nazi ont perçu de l’État allemand une pension d'un montant de 1.300 euros par mois jusqu’à leur mort ! L'Allemagne a toujours refusé de rendre public le nom des bénéficiaires.
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