3ème tour : se préparer à la guerre de classe

« Il y a une lutte des classes, bien sûr, mais c'est ma classe, celle des riches, qui fait la guerre. Et nous gagnons. »
Warren Buffett
Fin de cycle
La comédie électorale quinquennale qui s'achève a vu la victoire du camp des "raisonnables" contre les "populismes irresponsables", c'est en substance la soupe que nous servent aujourd'hui tous les complices de cette farce, médias oligarchiques et personnel politique recyclé mêlés, bras-dessus bras-dessous.
Cette grotesque farandole aura eu au moins le mérite de clarifier les choses : trois blocs, et pas un de plus, émergent de ce modèle finissant, la cinquième République, et tous les oripeaux de ceux qui s'en gavèrent durant des décennies flottent désormais aux quatre vents, telles les charognes dépenaillées de ces soldats ukrainiens tués par paquets de douze, et abandonnés, en guenilles, sur le champ de bataille.
P"S", PCF, LR...balayés, ces symboles de l'ancien monde, mais pas forcément le petit personnel qui y a émargé des décennies durant, et qui en a largement profité, tout en sachant flairer le vent mauvais qui s'approchait, avant de brusquement retourner sa veste : les Woerth, Sarkozy, Valls et autres Le Drian sont les parfaits exemples de ces charognards qui ne voulaient pas mourir, qui ont su traverser les lignes ennemies au bon moment, abandonnant leur camp en rase-campagne, pour aller pactiser avec le type en face.
Le (sale) type en face ? Dimanche dernier, il a triomphé, une fois de plus.
Le minable petit piège qu'il bricolait depuis cinq ans s'est encore une fois refermé sur les français...
A qui la faute ?
Et puis, faut-il chercher des coupables, ou plutôt des responsables ?
Nous n'avons clairement pas le temps de nous invectiver les uns les autres, du moins pas dans le camp progressiste, j'entends. Pour les sourds et autres malentendants, je parle bien sûr de la Gauche, la vraie, pas des limaces sans colonne vertébrale qui finissent désormais de sécher au soleil de résultats électoraux calamiteux, actant leur prochaine disparition. Soit : le PS, le PCF et dans une moindre mesure, la droite LR qui désormais ne sont plus grand-chose. Mais que cela ne nous empêche pas de constater que sous les nouvelles appellations, se cachent les trâitres d'hier, et les enfoirés de demain : LREM va se transformer incessamment sous peu en UMPS (ou plutôt devrais-je dire LRPS), car le poudré reconduit pour cinq ans (s'il arrive à finir son mandat, mais nous y reviendrons) a bien réussi son coup : fusionner les traîtres des deux camps pour en sous-main recomposer un parti unique, sorte de monstre de Frankestein avec deux mains droites, et beaucoup d'aggressivité envers celles et ceux qui à ses yeux, "ne sont rien", et qui ont survécu malgré tout à 5 ans de maltraitance généralisée.
Le Docteur Micron a désormais les coudées franches pour détruire le modèle social français, le fameux "pacte républicain" qui a tenu ce pays depuis 1945 jusqu'à la fin des 30 glorieuses. Retraites, Assurance maladie, Sécurité Sociale, chômage, mais aussi, regardons un peu plus loin voulez-vous : les contrats de travail (encore 25 millions de salariés en france en 2022, un modèle inédit en europe, que Uber macron aimerait bien voir s'auto entreprendre jusqu'au dernier), les conventions collectives (c'est à dire le salaire minimum, les garanties commes les comités d'entreprises, les conquis sociaux comme la négociation collective, les accords de branche), la justice (et subséquemment, la toute-puissance de la police qui impunément peut crever des yeux, arracher des mains, emprisonner, nasser, tabasser, voire tuer sans être inquiétée), sans oublier l'hôpital, la santé (inutile de faire un dessin de ce côté-là), l'énergie (EDF/GDF), le ferroviaire (privatisation déjà bien entamée de ce côté-ci), et j'en passe et des meilleures. Les carnages en vue sont légion.
Car oui : tout est privatisable, vendable, marchandisable...et on peut très bien imaginer que les "outils numériques" (traduire : de contrôle social avancé, type modèle chinois) sont vus par le locataire renouvelé de l'Elysée et sa clique, comme un moyen supplémentaire, non négligeable, d'accroître la pression sur les éventuels réfractaires que sa politique produira en nombre de plus en plus croissant.
Tout, absolument tout ce qui vaut encore le coup de vivre, travailler, rire et aimer dans ce pays, risque d'y passer.
De la part de quelqu'un qui a osé suggérer, en pleine campagne, qu'il se verrait bien mettre au travail les gamins à partir de 12 ans, on ne peut que présupposer le pire : on sera encore loin de la réalité.
Alors certains viendront me rétorquer qu' "il nous reste les législatives"... mais arrêtons de nous mentir trente secondes voulez-vous : les yeux dans les yeux, sincèrement, vous y croyez vraiment encore ?
Le système mis en place par Thiers (un de nos grands amis), et peaufiné par De Gaulle (un grand pote de la Gauche aussi c'est bien connu) est totalement verrouillé, et on ne voit pas par quel miracle les vieux (déjà à la retraite), les boomers (qui ont bien profité leur vie durant, sans en avoir rien à foutre de leur impact de privilégiés sur la planète) et tous les autres bourgeois, possédants, startuppers et fans de MC Kinsey -et dieu sait qu'il y en a des tonnes-, on ne voit pas comment brusquement, ce tas d'égoïstes privilégiés totalement aveugles à la souffrance de millions de travailleurs qu'ils méprisent, changeraient brusquement leur vote du premier tour, pour aller placer au poste de 1er ministre un excité qui a ouvertement dit qu'il leur "ferait les poches".
Faut pas rêver, de ce côté là il n'y a plus rien à en tirer, à part si d'ici juin une météorite, ou que sais-je un vaisseau-mère alien en provenance d'Alpha du Centaure débarquait en plein milieu du pays, pour nous apporter le Socialisme et la fin des inégalités sur un plateau...
Ainsi, vu que je ne crois plus guère au père Noël, et au lieu d'attendre avec toujours le même fusil rouillé, à un coup, et avec trop peu de munitions, l'armée hyper équipée qui va nous tomber sur la gueule dans pas longtemps, il est plus que jamais vital que la Gauche progressiste, celle à l'origine, justement, de tous les conquis sociaux que je viens d'énumérer plus haut (ehhhh oui, c'est pas le camp des natios qui a conquis tout ça, faudrait se réveiller et l'accepter les gens !), il est plus que jamais temps que cette-Gauche là prépare la mise à jour de son logiciel, pour s'upgrader comme dirait l'autre, en vue d'atteindre son plein potentiel. Et vous n'avez encore rien vu.
Je parle bien sûr du potentiel de transformation sociale et sociétale, le seul qui ait jamais fait gagner notre camp. Camp qui, au fond, représente une majorité de nos concitoyens, même si justement ,cette majorité l'ignore encore à cette heure.
Rien ne changera si ce n'est nous
Alors bien sûr, le méprisant de la république, sitôt élu dimanche soir, a évidemment "changé" .
Il nous a promis une "nouvelle méthode", et sitôt fait, son séide en charge de l'économie, l'inénarrable Bruno Lemaire (vous savez, monsieur 4% à la primaire de la droite en 2016), a traduit ce "changement" en n'excluant d'aucune manière le recours au très démocratique bras d'honneur nommé Article 49.3, concernant la super réforme des retraites dont les 3/4 des français ne veulent toujours pas.
Il ne faut de toutes façons nous faire aucune illusion sur le potentiel de changement du psychopathe reconduit pour 5 ans de plus dans les dorures de l'Elysée, ou du moins sur son changement en mieux. Car peut-être n'a-t-il pas menti pour une fois : il a sans doute changé, mais en pire, surtout quand on considère les récentes commandes de matériels pour la police. Faites un coucou au nouveau joujou de la police et de la gendarmerie, j'ai nommé le blindé SOFRAME qui, avec ses 90 petits camarades, va poursuivre et amplifier la "gestion démocratique des foules" que l'on a connu ces cinq dernières années. Quand on dit qu' "il n'y a pas d'argent magique pour les hopitaux en france", on est quand même ravis d'apprendre que pour nous éclater toujours plus la tronche à nous, les Gaulois réfractaires, il y en a plein.
Alors en parlant de Gaulois réfractaires, justement, il faut un peu analyser le potentiel de cette armée de réserve qui en grande majorité, s'ignore encore comme telle. Je m'en vais donc vous saouler avec quelques chiffres.
Prenons les salariés : il y en a encore plus de 25 millions en France à cette heure. Rajoutez à ça 5.7 millions de fonctionnaires. Les 99.9% de ces deux catégories représentent à elles seules la majorité de la classe des exploités, en capacité de se vivre comme telle, mais qui en grande partie ne commence qu'à le découvrir.
De ce point de vue, Marine Le Pen et son camp ont mieux réussi que le camp de Gauche à capter l'attention des électeurs : si on additionne le nombre de votants pour les deux, on touche pratiquement 16 millions de personnes. En reste donc presque autant qui s'est abstenu (plus de 13 millions), et qui représente un camp extrêmement puissant, car majoritaire, qui s'ignore je le répète (pour que ça rentre).
11 millions de votants pour le camp progressiste, essentiellement chez la FI (presque 8 millions), mais aussi près de 11 millions pour l'extrême droite, dont plus de 8 chez Le Pen. Le constat est sans appel : les classes populaires, loin d'avoir voté "populiste", se sont d'abord prononcées pour un changement radical de système...ou du moins, on le leur a fait croire dans la majeure partie des cas. Car qui peut croire que l'extrême droite, totalement libérale économiquement, changerait quoi que ce soit au sort des classes laborieuses dans ce pays ? Nicolas Framont, sociologue du travail et rédacteur de la revue Frustration, le démontre avec brio, parmi tant d'autres : le programme du RN est libéral et antisocial. Pourquoi a-t-il donc convaincu, ce RN de malheur, des millions de français de "classe moyenne", alors que s'il était appliqué il leur taperait en premier dessus ? Est-ce dû à l'immense talent de sa dirigeante ? Restons sérieux deux minutes voulez-vous...
Il est crucial de comprendre ce point : si nous voulons voir le camp progressiste gagner un jour, il faut résoudre cette contradiction majeure, qui fait que des millions de français ne se reconnaissent pas (ou plus) dans un camp qui est naturellement le leur..et vote pour leurs ennemis, des loups déguisés en agneaux.
Pourquoi la Gauche en est-elle arrivée là ?
Car, au second tour c'est flagrant : la tranche d'âge de 18 à 59 ans a majoritairement voté pour Marine dimanche dernier. Il s'agit juste de la classe laborieuse, celle des travailleurs, des exploités, mais qui en grande partie l'ignore je le reredis pour les besoins de la démonstration. Car c'est bien là le problème : Marx appelait ça la fausse conscience.
Alors beaucoup citeront les multiples trahisons de celles et ceux qu'ils considèrent aujourd'hui encore comme "de Gauche" pour expliquer cette anomalie. Au premier chef desquels le Parti "socialiste", avec François Hollande qui a eu un quinquennat et tous les pleins pouvoirs, et qui a fait pire que Sarkozy en matière sociale et économique. Il a juste acté un quinquennat de trahisons, qu'il serait bien trop long de citer toutes ici...Soulignons-donc une chose : quelqu'un comme Hollande a-t-il véritablement "trahi" quand on connait le pedigree du bonhomme ? Quand on voit les éloges des médias (possédés par des oligarques rappelons-le), de la bourgeoisie et de tout ce que le pays compte d'exploiteurs et de possédants, envers la part de flan qui a massacré le code du travail, et mis sur orbite le fou furieux qui vient de repasser à l'Elysée ? Ils sont nombreux à avoir "salué l'action" du président sortant en 2017, alors que celui-ci venait de faire réprimer durement, deux ans avant les gilets jaunes, plusieurs milliers de manifestants authentiquement de Gauche pour le coup, et en en blessant des centaines, lors de la lutte contre la scélérate loi El-Khomri, qui a juste détruit le Code du travail français...
D'autres encore citeront le logiciel vieillot d'un PCF qui ne fait plus que du vent, et ne représente plus que lui-même, et des élus bien trop éloignés de leurs préoccupations quoitidiennes. Il est d'ailleurs éloquent que nombre de militants de ce parti déplorent une alliance toujours plus de circonstance avec le P"S" que je viens de décrire ci-dessus, et ce depuis la fin des années 70, histoire de vivre des subsides de l'état (bourgeois) en tentant de gagner le maximum d'élus possibles...un changement d'orientation acté en 1976, lors du 22eme congrès du PCF, qu ia acté l'abandon pur et simple du marxisme et de la lutte des classes...période à laquelle correspond la chute vertigineuse des résultats électoraux du Parti Communiste Français d'ailleurs.
Coïncidence ? Je ne crois pas...
Qui se souvient que le parti qui se revendique encore comme "parti des travailleurs", et qui vient de faire péniblement 2.28% des voix au premier tour, faisait près de dix fois plus (!) dans les années 70 ? Qu'il comptait des millions d'adhérents qui étaient aussi des militants aguerris, et que cette force populaire ne pouvait être ignorée ni par la droite Gaulliste, ni par la Gauche mitterrandienne, qui en avaient besoin pour maintenir la paix sociale, voire pour accéder au pouvoir ? Alors oui, ce changement d'orientation, ce revirement à 360 degrés de stratégie, pour aller vers de plus en plus d'électoralisme, peut expliquer une partie des choses. Les cocos se seraient fait acheter par la république... c'est vrai, mais en partie seulement. Ceci n'explique pas la totalité de cette chute, son ampleur vertigineuse, et le report des voix des classes populaires historiquement acquises au parti de leurs intérêts de classe, vers leur ennemi juré : la droite extrême.
Que s'est-il passé d'autre, d'assez fondamental dans le champ politique à Gauche, et qui est longtemps passé sous les radars, pour en arriver à ce niveau de désaveu ?
L'abandon de la lutte des classes
Il est frappant de constater que les principaux lecteurs de Marx, aujourd'hui, sont les pires des capitalistes.
Ainsi Warren Buffett, cité en ouverture de cet article : multimillardaire ayant fait fortune en bourse dans les années 80, il est toujours classé 8ème fortune mondiale par Forbes. Ces gens-là ont très bien compris que Marx avait vu juste : il existe essentiellement aujourdh'ui deux classes, et pas une de plus. La classe moyenne est un leurre de plus, inventé par ceux-là mêmes qui nous exploitent et qui en profitent. A l'époque où Marx écrit son Manifeste du Parti Communiste et, un peu plus tard, son fameux Capital, il n'y a pas de classe moyenne : il y a juste la classe des possesseurs des moyens de production (dont le capital est un des moteurs), et ceux qui n'ont que leur force de travail pour vivre. Autrement dit : les 99.9% d'autres, que certains dénomment "classe ouvrière" mais que nous pourrions tout aussi bien appeler exploités, sans trahir nullement l'esprit du barbu qui voulait tous les conscientiser, pour les organiser, et les voir vaincre contre leurs exploiteurs.
A l'heure où Oxfam nous apprend que 252 personnes possèdent autant que la moitié de l'humanité, et que les plus riches ont vu leur fortune croitre dans des proportions inimaginables dans toute l'histoire de l'Humanité, pendant que 160 millions de pauvres supplémentaires étaient créés à cause de la pandémie de Covid, ou plutôt grâce à elle...car c'est bien grâce à un transfert de richesses des états, à travers le fameux "quoi qu'il en coûte", vers le privé, que dans des proportions quasi identiques la fortune des uns s'est accrue alors que la dette de tous les autres s'alourdissait...En cette heure funeste où le monarque réélu va venir à la table nous présenter l'addition, et nous envoyer illico trimer dans les cuisines pour cause d'impossibilité de rembourser, jusqu'à ce que mort s'ensuive...il est juste ahurissant de constater que la majorité des gens se trompe de colère.
Se trompe de responsables.
Ne désigne pas les vrais artisans de son malheur.
Gramsci l'avait dit et redit, à travers l'un de ses concepts clés : l'hégémonie culturelle est fondamentale, en ce sens qu'une culture partagée est ce qui permet à une classe sociale de se penser comme telle, et non pas de s'ignorer. La bourgeoisie l'a bien compris, elle qui impose à l'ensemble de la société et depuis plus de deux cents ans désormais, ses représentations culturelles. Exemple concret : parler de "charges" au lieu de cotisations sociales. Encore faut-il savoir ce que c'est...les cotisations, c'est le carburant du moteur de la Sécurité Sociale à la française. Sans celles-ci, comment s'étonner que les Services Publics meurent à petit feu ? De ce point de vue, tout candidat qui prétend parler aux classes populaires en leur promettant "une augmentation du pouvoir d'achat à travers une baisse des charges sociales" est un imposteur doublé d'un menteur, qui prend dans la poche gauche des travailleurs ce qu'il prétend leur donner dans la poche droite.
Marx disait également : "les idées dominantes sont toujours les idées de la classe dominante".
A la lumière de ceci, et juste pour le fun un peu, aussi, si on analyse le crash du PCF et de son ridicule candidat Fabien Roussel, on se rend compte que ce type, qui se prétend dirigeant du parti des travailleurs, n'a sans doute jamais lu ni Marx ni Gramsci, et qu'il n'a jamais rien entravé à la lutte des classes. Car pour reprendre le terme bourgeois d' "assistanat" en parlant de la Sécurité Sociale, il faut être soit un idiot, soit un ignorant. Les bourgeois ne s'y sont d'ailleurs pas trompés : en le couvrant de louanges, de Messiha à Darmanin, en passant par Finkielkraut, Blanquer, Onfray, et toute la clique malfaisante habituée des médias pressetitués, clique qui n'a absolument aucun intérêt à ce que quoi que ce soit change, ils ont tous salué en Roussel "un bon communiste". C'est encore Nicolas Framont qui en parle le mieux : ce naufrage était donc prévisible, car "Roussel n'a absolument pas la moindre notion de luttes des classes(..)" Il n'effraie donc pas le bourgeois, il le rassure.Il est inoffensif.
Guerre de mouvement, guerre de position
Inutile de s'attarder sur les autres naufragés idéologiques de cette "gauche" qui n'en a désormais plus que le nom, car que ce soit Jadot ou Hidalgo, ils sont tous dans le même moule. Des idiots utiles interchangeables.
Le cas de Poutou et, dans une moindre mesure, d'Arthaud, est différent : ils ne sont clairement pas aujourdh'ui dans une stratégie électoraliste, mais plutôt une stratégie de lutte pour le premier, et sur un logiciel trop vieillot pour la seconde. Avec tout le respect qui leur est dû, force est de constater que leur présence est non significative dans le combat électoral, mais sans doute pas sans effet : Poutou a contribué, à sa manière, a élargir la fameuse fenêtre d'overton à Gauche (un espèce d'anti Zemmour bienvenu, en fait). En effet, que ce soit sur les violences policières qui tuent impunément, ou sur l'hypocrisie de la bourgeoisie corrompue et corruptrice, il est un des seuls à l'ouvrir et à faire mouche de temps en temps, à ramener dans un débat beaucoup trop centré sur de faux problèmes, les vrais sujets qui préoccupent les français.
Au-delà de cette stratégie, il faut désormais aller plus loin, pour notre camp tout entier : revenir aux fondamentaux, trop longtemps oubliés.
Et parmi eux la guerre de position qui, selon Gramsci, est d'abord et avant tout le fait de ne plus rien céder culturellement à ces éléments de langage qui dégueulent de partout dans les médias, aussi bien que dans la bouche des commentateurs, et qui vont jusqu'à infecter le cerveau de candidats qui se prétendent "de Gauche". Quand on entend Roussel reprendre la rhétorique bourgeoise sur la Sécurité Sociale, en parlant "d'assistanat" au lieu d'émancipation, on comprend que ce type est un idiot doublé d'un traître.
Mais ça n'est pas de sa faute : il faut juste réparer cet oubli, en essayant de ne pas refaire cette erreur.
Cela suppose une large culture politique, chose une fois de plus oubliée par ceux qui en étaient les principaux dépositaires...viendra ensuite la guerre de mouvement, et là nous entrons dans le coeur du sujet.
Trois piliers, un seul objectif
Pour résumer, si on veut passer par le processus démocratique (pour la Révolution je laisse cela aux camarades du NPA et de LO), il semble indispensable d'amplifier ce qui a déjà été entrepris, dans une certaine mesure, par le bloc populaire et la France Insoumise. Il faut amplifier ce travail de re conscientisation.
Se dégagent ainsi trois objectifs majeurs, sans lesquels la Gauche et le camp social sont condamnés à perdre, encore et encore, et à subir toujours plus d'envoyés de la banque et de la finance, jusqu'à l'effondrement complet.
Car oui, le problème est qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps : qui sait si nous arriverons au bout de ce quinquennat ? Mais je m'égare..
Trois objectifs, trois piliers indispensables, donc.
Le premier, c'est la réactualisation de la lutte des classes.
C'est indispensable : le camp progressiste doit repenser le combat politique non pas en termes de dialogue social (qui n'existe que pour mieux nous museler. Quand on dialogue, on collabore, on ne lutte pas), mais en termes de lutte avec des intérêts fondamentalement antagonistes. Il ne s'agit pas d'affirmer que nous sommes le camp des gentils, et eux le camp des salauds, non. l'affaire n'est pas morale, mais économique : ils ont des intérêts antagonistes aux nôtres..mais le problème, c'est que eux, ils le savent, et agissent en conséquence. Que ferions-nous si jamais nous adoptions ce point de vue, que nous prenions conscience que notre intérêt de classe est fondamentalement opposé au leur ?
Le deuxième pilier, c'est la guerre de position, le combat pour l'hégémonie culturelle : la Gauche doit retrouver sa colonne vertébrale, et arrêter d'adopter le langage de ses ennemis. Cela passe par une réactualisation de la lutte des classes au quotidien, nous l'avons dit, mais cette réactualisation ne pourra se faire que si chacun sait précisément de quoi il retourne. Il faut que les principaux intéressés conscientisent leur appartenance de classe, car c'est la seule manière pour eux, de comprendre suffisamment leurs propres intérêts, pour ne pas se faire emberlificoter dans les élements de langage, les chausses-trappes intellectuelles, les impostures typiquement macroniennes (le fameux "en même temps") , toutes choses destinées à museler la prise de conscience.
Etudier pour ce faire des auteurs comme Franck Lepage, s'impliquer dans des associations promouvant l'éducaiton populaire, les ateliers d'autodéfense intellectuelle, mais aussi lire et faire lire, et sans relâche combattre pied à pied les éléments de langage de la bourgeoisie, que ce soit dans les médias, dans l'entreprise, dans la produciton culturelle, cinématographique, littéraire, musicale...par la formation aussi. La tâche est illimitée, il faut la renouveler en permanence.
Car une classe qui prendra conscience de sa propre existence, et des ses propres intérêts antagonistes, s'engagera naturellement dans la suite : elle se mettra en mouvement.
Il s'agit du troisième pilier : la guerre de mouvement, c'est la lutte. Et là-dessus les conflits passés et en cours ont beaucoup à nous apprendre.
Penser global, agir local
Geoffroy de Lagasnerie, philosophe, sociologue Bourdieusien, essayiste, spécialiste des luttes locales, le dit bien dans son dernier ouvrage, "La conscience politique", ainsi que dans cet entretien passionnant que je vous recommande : les dominants d'aujourd'hui ne sont plus à convaincre. Leur cerveau est déjà formé, dans leurs écoles de commerce, leurs entre-soi, et manifester n'y changera rien. Et nous, notre camp, le camp progressiste, que fait-il pour former ses militants de demain ? Ce sont les luttes d'aujourd'hui qui forment les militants progressistes de demain. Et pour ce faire, les formes de lutte doivent évoluer, le temps de la manif à papa est révolu, d'ailleurs cela arrange bien le pouvoir, soyons honnêtes : depuis combien de temps les manifestations massives ont réussi à arracher quoi que ce soit ?
Et d'ailleurs l'exemple des gilets jaunes le confirme : c'est quand ils ont commencé à faire peur au pouvoir, par des tactiques qui sortaient des sentiers battus (actions, blocages, manifs sauvages, occupations spontanées, voire guerilla urbaine...) qu'ils ont déclenché en retour une répression féroce.
Cette répression est le signe que cela aurait pu marcher, car sinon, le pouvoir aurait fait comme d'habitude. Il les aurait ignorés, pour continuer comme si de rien n'était.
Qu'est ce qui a donc manqué aux gilets jaunes ? C'est justement ce que nous venons de développer : la conscience de sa propre appartenance de classe, à une classe, et à une seule, celle des exploités. Et aussi un peu d'organisation, chose qui vient, reconnaissons-le, par la culture militante, au travers de l'expérience des luttes. Car c'est bien la conscientisation de l'appartenance à une classe qui déclenchera l'envie de se battre, mais de manière organisée. Et donc de vaincre. Car sans organisation, sans stratégie mûrement réfléchie, la victoire n'est pas possible. C'est fondamental !
Pour prendre un autre exemple : combien existe-t-il en ce moment même de luttes locales, complètement invisibilisées par les médias mainstream, et qui pourtant gagnent sur le terrain, à leur échelle ?
Des combats menés par des militants déterminés, soudés, organisés, à l'échelle d'une entreprise, d'un coin de nature, d'une ZAD...
Des dizaines d'exemples existent, et il est éloquent que les médias oligarchiques n'en parlent jamais, ou extrêmement peu : qui a entendu parler de la lutte victorieuse des femmes de chambre de l'hôtel Ibis, de leur 8 mois de grève face à la multinationale de l'hotellerie, de leurs augementations de salaire de 300 euros par mois,en passant par de meilleures conditions de travail, sur les horaires, les heures supp, les paniers repas, les tenues... ?
Qui se souvient de la Scoop TI de gémenos face au mastodonte Unilever, et des 1336 jours de grève victorieuse de ses salariés pour éviter la fermeture ? Lutte qui a conduit les salariés à gagner en justice, et à non seulement éviter la fermeture, mais à racheter l'usine entière, à devenir les propres coopérateurs de leur outil de travail, participant démocratiquement à toutes les décisions dans l'entreprise, avec une échelle de salaires de maximum 1 à 3 ?
Qui sait combien de luttes dans le domaine écologique sont toujours vivaces, partout en France, et engrangent toujours autant de victoires ? Il y a plus de 300 collectifs actifs en France selon le site Reporterre, et très souvent ces collectifs ralentissent fortement, voire sortent victorieux, de ces mobilisations organisées pour contrer, partout où c'est nécessaire, nos ennemis de classe, que ce soit sur le terrain écologique ou économique.
Il s'agit d'actions très souvent directes, comme par exemple les actions contre les nouvelles implantations d'entrepôts Amazon, ou encore mieux l'action de Cédric Herrou qui recueille des centaines d'exilés dans les Alpes, et qui a réussi à faire inscrire le principe de Fraternité dans la Constitution, et le cassage du "délit de solidarité"...ici, la lutte locale d'action directe s'est doublée d'une lutte juridique également (4 ans de procès). Victorieuse.
Nous verrons donc les résultats de toutes ces luttes dans le changement qu'elles pourront opérer dans le cerveau des jeunes qui seront adultes demain, lorsqu'ils accèderont au pouvoir. Comme le dit si bien de Lagasnerie : les actions de long terme sont avant tout culturelles, et elles mettront plusieurs décennies à produire leurs effets sur la future classe dirigeante, mais entre temps elles produisent des effets directs : elles ralentissent, grippent la machine prédatrice et destructrice du vivant. Et elles permettent de renforcer notre camp par ricochet.
Il s'agit ici de les généraliser : ce quinquennat en est l'occasion rêvée.
Soyons formés, formateurs, culturels, tactiques, stratégiques. Lutte, action directe, résistance organisée, guerre de position, puis de mouvement, partout. Pas une minute de répit pour nos ennemis.
Plus je constate l'état du monde, plus j'ai envie de le changer
La tâche est donc immense, mais elle est aussi enthousiasmante.
Et puis, au fond, nous n'avons plus vraiment le choix : ce sera ou le progrès, ou la barbarie.
Car nous les voyons, tous, en ce moment-même en train de s'activer, de livrer des armes à l'Ukraine, de mettre de plus en plus de l'huile sur le feu. Ces salopards s'en réjouissent même !
La volonté de la classe dominante de généraliser la guerre est réelle, car elle a conscience, elle, de l'absolue nécessité de diviser notre camp pour mieux régner ! Et quoi de mieux qu'une guerre générale, quand la colère gronde, et que la crise sociale, financière, énergétique, politique, climatique, et in fine globale, la menace ?
Allons-nous faire comme en 1914, les laisser nous envoyer à la mort par millions ? Allons-nous l'accepter pour nous, pour notre avenir, et celui des nôtres ?
Notre responsabilité est immense : c'est bien l'avenir de l'humanité qui est en jeu, et une victoire du camp progressiste dans une des principales puissances capitalistes de la planète aurait un retentissement majeur.
Car au fond, qu'est ce que la France ?
Une "démocratie", comme ils le répètent tous à l'envi ?
La démocratie, ça n'est pas juste la liberté d'expression, et le droit de choisir un bourgeois tous les cinq ans, en mettant un bulletin de vote dans l'urne quand on nous l'ordonne, et en la fermant le reste du temps.
C'est tout sauf ça.
Il faut dire stop !
La démocratie, c'est avant tout ce que nous en faisons au quotidien, entre le 2eme tour de l'élection, et le 1er tour de la suivante. Elle doit se construire en tous temps et tous lieux, et ne pas se faire confisquer par ceux qui s'en réclament, et qui ne représentent plus qu'eux-mêmes. Dans les associations, dans les syndicats, sur les ronds-points, dans l'entreprise, dans la rue, partout, tout le temps. La classe des exploités doit aujourd'hui chosir la pilule rouge, se réveiller, sortir de la matrice, apprendre à se battre, et y aller pour de bon, en s'organisant au maximum pour éviter les coups. C'est possible, en restant tactique, organisé, stratégique.
Car la démocratie, c'est avant tout une construction par et pour celles et ceux qui l'ont revendiquée, et qui en ce moment même, se rendent compte de la supercherie. Une supercherie où soi disant n'importe qui peut se présenter à l'élection, alors qu'il faut 500 signatures de notables, et un réseau de relations long comme le bottin mondain pour pouvoir envisager de mener campagne...sans parler des millions d'euros nécessaires pour l'emporter, sans aucune garantie de succès (n'est-ce pas Valérie ?).
Et on voudrait nous faire croire que ces fausses solutions, appliquées depuis des lustres par bonnet blanc et blanc bonnet, et qui détruisent notre camp depuis des décennies, devraient exceptionnellement marcher une fois de plus ?
Arrêtons la plaisanterie un instant : la société va s'effondrer si nous les laissons faire. Sous le poids de la crise économique, de l'inflation, et cerise sur le gateau avec la prolongation de l'ami des ultrariches a l'Elysée (donc de notre ennemi de classe), qu'est-ce qui pourrait mal se passer ?
Pour ne pas faire partie des victimes de cet effondrement, la seule solution, c'est l'action.
Il est désormais temps que la peur change de camp.
Alors choisis-le, camarade : il n'est jamais trop tard.
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