(4/4) Aux sources juives de l’antisémitisme (de Napoléon à Darmanin...)
L’assimilation des juifs avait été décrétée en 1789, mais sans produire l’effet attendu. On se questionnait sur la croissance de leur population, le nombre de mariages mixtes attendus, le changement de leurs mœurs, la haine qu’on leur portait s’était elle affaiblie… Le Grand rabbin Liber (1920) décrira une situation des juifs en Moselle en 1801 ; « …la population juive est en décroissance… ils languissent dans un état de fainéantise et de pauvreté qui déchirerait l’âme… Ils ne pratiquent plus l’usure ayant perdu leurs fortunes, enlevée par l’émigration d’anciens militaires à qui ils prêtaient chèrement pour subvenir à leurs folles dépenses… La civilisation commence à faire des progrès parmi eux, leurs enfants fréquentent les écoles de la République, la jeunesse s’assujettit moins aux pratiques superstitieuses du rabbinisme… »
En 1806, Napoléon s’épanchait avec un autre constat sévère ; « La nation juive est constituée depuis Moïse, usurière et oppressive, on ne se plaint point des protestants ni des catholiques comme on se plaint des juifs, c’est que le mal que font les juifs ne vient pas des individus mais de la constitution de ce peuple. Ce sont de véritables nuées de corbeaux, ce sont des chenilles, des sauterelles qui ravagent la France »
Pourquoi cette diatribe, qu’en était-il ?
Un retour en arrière confirmera le constat des épisodes précédents ; "LA CIVILISATION, L’ÉDUCATION OU LA MORALE JUDÉO-CHRÉTIENNE… DE PIEUX PONCIFS INFONDÉS" (1)
La période napoléonienne avec la création des consistoires juifs en France est l’occasion de révéler le fossé culturel judéo-chrétien et la coresponsabilité d'une nation juive divisée, à s’opposer aussi à tout rapprochement.
Avec Napoléon s’impose une étape importante avec l'assimilation des juifs en France. La transformation de cette communauté était un préalable, ses motivations identitaires l’avaient laissée à part comme dans ses pays hôtes au fil des siècles.
Après que la Révolution leur eut offert la citoyenneté française en 1791, Napoléon constatait que cette étape n’avait pas fait progresser l’assimilation des juifs. « En revenant d'Austerlitz, l'Empereur s'est arrêté à Strasbourg. Aussitôt, de tous les points de l'Alsace, arrivent, aux pieds du souverain, des plaintes et des requêtes extrêmement vives contre l'usure des juifs, les populations sont affolées… », rapporte l’abbé Joseph Lémann. Un constat sévère des pratiques de ces juifs d’Alsace devenus citoyens, qui conduira Napoléon à cette déclaration « ; "C’est une nation à part, dont la secte ne se mêle à aucune autre … Ils envahissaient toutes les professions de brocanteurs et de marchands ; ils ruinaient les cultivateurs par l'usure et les expropriaient ; ils seraient bientôt propriétaires de toute l'Alsace". L’excès des uns nuisait à la réputation de tous.
Dès lors, Napoléon transforme la main tendue par les révolutionnaires en une clé de bras qui doit "Faire des juifs des citoyens utiles, concilier leurs croyances avec les devoirs des Français, éloigner les reproches qu'on leur a faits et remédier aux maux qui les ont occasionnés...". Il ordonne en mai 1806 la tenue de deux assemblées constituées de notables juifs pour la première, et de rabbins pour l’essentiel dans la seconde constituée en sanhédrin, le dernier s’était réuni deux mille ans plus tôt pour condamner Jésus. Pour y parvenir il procédera par questions bien senties posées aux assemblées, avec l’objectif de révéler certaines pratiques contraires à celles de la République et de mettre au jour des valeurs et des modes de vie étrangers ;
1° Est-il licite aux juifs d'épouser plusieurs femmes ?
(Israël a interdit la polygamie en 1977 mais des rabbins l’autorisaient encore à Jérusalem en 2017, suivant en cela les sources du judaïsme primitif de Jacob père de treize enfants avec ses femmes les sœurs Léa et Rachel et leurs servantes Zilpa et Bilha.)
2° Le divorce est-il permis par la religion juive ? Le divorce est-il valable sans qu'il soit prononcé par les tribunaux, et en vertu de lois contradictoires à celles du Code français ?
3° Une juive peut-elle se marier avec un chrétien, et une chrétienne avec un juif ? Ou la loi juive veut-elle que les juifs ne se marient qu'entre eux ?
4° Aux yeux des juifs, les Français sont-ils leurs frères ou sont-ils des étrangers ?
5° Qu'est-ce que la loi leur prescrit à l'égard des Français qui ne sont pas de leur religion ?
6° Les juifs français regardent-ils la France comme leur patrie ? Ont-ils l'obligation de la défendre ? Sont-ils obligés d'obéir aux lois, et de suivre les dispositions du Code civil ?
7° Qui nomme les rabbins ?
8° Quelles sont leurs fonctions ?
9° Leur autorité n'est-elle fondée que sur l'usage ?
10° Plusieurs professions sont-elles interdites aux juifs ?
11° L'usure est-elle permise légalement ?
12° L'usure est-elle permise à l'égard des étrangers ?
Le Sanhédrin répondra selon les attentes de Napoléon avec en préambule un hommage appuyé qui n’a pas encore trouvé l’unanimité aujourd’hui (3) ; « Béni soit à jamais le Seigneur Dieu d'Israël qui a placé sur le trône de France et du royaume d'Italie un Prince selon son cœur... ». L’abbé Joseph Lémann rapporte les détails instructifs de ces réponses dans son ouvrage « Napoléon Ier et les Israélites - 2e partie ». Une autre source ici.
Après avoir contraint les juifs du sud-ouest (les « portugais ») et ceux de l’est (Alsace Lorraine) à se rapprocher, en mars 1808 l’Empereur institue les consistoires israélites et prend des mesures au profit des alsaciens non-juifs lésés, avec le décret ipérial n°3210 qui sera affublé d'une épithète "le décret infâme" utilisé encore par Pierre Birnbaum (et d’autres) qui déplore l’application de ces mesures « …discriminantes, remettant en cause l’égalité que les israélites croyaient avoir acquise… soumettant les Juifs à une autorisation préfectorale spéciale pour pouvoir exercer le commerce et leur enlevant le droit de se faire remplacer en cas d’appel sous les drapeaux. »
Sur ce dernier point, le paragraphe 19 du décret contredit ceux qui voient une discrimination anti-juive puisqu'il stipule que ; « Les juifs établis à Bordeaux, et dans les départements de la Gironde et des Landes ("portugais" séfarades), n’ayant donné lieu à aucune plainte, et ne se livrant pas à un trafic illicite, ne sont pas compris dans les dispositions du présent décret », seuls ceux de l’Est (ashkénazes) sont concernés. Les juifs séfarades et ashkénazes formaient deux communautés dissemblables qui se haïssaient (2).
Une liste d’interdictions et de réglementations encadreront les activités, « Tout engagement pour prêt fait par des Juifs à des mineurs, sans l'autorisation de leur tuteur… sera nul de plein droit ...nul Juif ne pourra se livrer à aucun commerce, négoce ou trafic quelconque sans avoir reçu, à cet effet, une patente du Préfet du département… »
Considérant que la population juive était trop largement représentée en Alsace il fut décidé qu’ " Aucun juif, non actuellement domicilié dans nos départements du Haut et Bas Rhin, ne sera désormais admis à y prendre domicile ... " Une décision qui prendra finalement en compte l'opinion des opposants à cette assimilation des juifs perçus comme un peuple plutôt que comme les catholiques et les protestants, des français de confessions différentes.
Pour contraindre à l’égalité devant l’obligation militaire ; « La population juive (qui payait pour ne pas être enrôlée et marquait sa distanciation avec la nation française), ne sera point admise à fournir des remplaçants pour la conscription ; en conséquence, tout juif conscrit sera assujetti au service personnel. » Avec le « décret impérial concernant les Juifs qui n’ont pas de nom de famille et de prénom fixes », chaque individu pouvait dès lors être conscrit. Birnbaum qui trouve discriminant de perdre « le droit de se faire remplacer sous les drapeaux » est contredit par Badinter qui souligne « l’avancée que représente pour un juif la possibilité de défendre sous les drapeaux la Nation française ». Ce sentiment ne fut probablement pas général si l’on en juge par la nécessité du décret sur ce point et par les errements en Israël, où encore en 2016 la conscription s’imposait à tous sauf pour les « haredim » (juifs ultraorthodoxes 12%) qui refusaient le service militaire, la question était encore débattue récemment, les juifs ultra-orthodoxes prolongent leurs études dans les écoles talmudiques jusqu'à l'âge d'exemption. Des projections démographiques font apparaître qu’ils représenteront un tiers des Israéliens en 2050.
L’initiative napoléonienne eut pour effet d’amener la nation juive à convertir son émancipation accordée par la Révolution, en assimilation comme attendu en retour.
Les consistoires juifs, relais convaincus de cette nécessité, concourront à l'évolution de l’éducation de leurs fidèles, conséquence de leur soumission aux lois françaises et à leur renoncement à vouloir former une nation dans la nation Française.
Ils se rallieront enfin à leurs ancêtres dissidents juifs du IIe s. av JC tentés par l'hellénisme et révoltés contre leurs coreligionnaires traditionalistes, à qui ils disaient déjà ; "Allons unissons-nous aux nations autour de nous, car depuis que nous nous tenons séparés d'elles, il nous est arrivé beaucoup de malheurs " (premier livre des Maccabées).
Le discours du consistoire central des israélites à Paris le 25 décembre 1808 par le grand rabbin Sègre, illustrera l’adhésion des juifs au projet de leur assimilation voulue par Napoléon ; « Et qui parmi nous, ne voit pas renouveler ces lumineux exemples de la main de Dieu, opérante dans l’avènement au trône impérial de France, du sage, invincible, et immortel Napoléon ? Qui en se retraçant ses actions ne les reconnaîtrait pas dans ces paroles du Prophète ? …Napoléon-le-Grand est le don inappréciable que la bonté divine a fait au siècle pour le bonheur de l’humanité. N’est-il pas fort rare de voir associer à la valeur guerrière, la justice, la prudence, la tempérance et toutes les vertus sublimes qui seules rendent l’homme parfait dans l’art de gouverner… Prosterne –toi ! Israël, devant le créateur du ciel et de la terre ; remercie sa bonté ineffable de tous les bienfaits dont il t’a comblé jusqu’à ce jour. Tu n’es plus, ô Israël ! sur un sol étranger… » L'organisation napoléonienne avec la création des consistoires et la nomination des Grand Rabbins chargés d'appliquer le décret restera. Des propos qui ne seront plus repris par la communauté juive depuis et qui tranchent avec le vieux ressenti de ceux qui posent cette question orientée aujourd'hui ; "Napoléon était-il antisémite ou pas ? " ou qui rejettent encore la conclusion du consistoire (3).
Eusèbe de Césarée parlait déjà au IVe s. apJC « … des malheurs arrivés à toute la nation des juifs après le complot contre notre Sauveur ». Il ne connaissait pas la suite des calamités que vivront leurs descendants liés par un judaïsme communautariste.
(2/4) Aux sources juives de l’antisémitisme - (textes juifs, usure, lois, ethnocentrisme) (over-blog.com)
(2) Le guide des juifs d’Europe rappelle les conditions difficiles de l'acceptation des juifs ashkénazes par les juifs « portugais » séfarades de Hollande. « …Pas d’aumônes pour eux à la sortie des synagogues, pas de mariages entre séfarades et ashkénazes, le cimetière juif d’Ouderkerke était interdit aux ashkénazes…Napoléon a régulé les relations entre juifs « allemands » et « portugais », ... sous la houlette d’un consistoire supérieur. »
(3) Dans son livre "Le séparatisme islamiste – Manifeste pour la laïcité. (02/2021)"
Le Ministre traite du séparatisme islamiste, en tant que conséquence du développement d’une culture exogène sur le territoire et dont l'intégration tarde. L’histoire de France lui a procuré un précédent qu'il reprend avec la décision de Napoléon d’intégrer les juifs dans la Nation française, un parallèle déjà exposé (4) que chacun pouvait faire.
Ignorante des louanges adressées à Napoléon par ses anciens coreligionnaires, S. Benichou accusera le Ministre d'antisémitisme. Défenseuse solitaire d’une cause rangée dans les vieux tiroirs de sa communauté, elle illustrera avec le concours de l’OBS que l’assimilation est un long chemin. Ses accusations infondées ne seront pas suivis par ses coreligionnaires instruits, Benichou ne servira que la cause de ces communautaristes, maçons d'une distanciation existentielle juive tenace et regrettable chez ceux qui en veulent encore à Napoléon et au sanhédrin. Oubliant que l'Empereur libérera les juifs des ghettos de tous les pays qu’il conquerra, ces ingrats apporteront une contribution juive inutile à un antisémitisme qu'ils couvent.
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