40 ans pour sauver un château de Taisey en péril et on me prend pour un con
À M. Stéphane Bern, qui vient d'être nommé "Monsieur Patrimoine", permettez-moi de vous faire connaître mon cas qui, je crois, est riche d'enseignements.
Un château de province - commune de Saint-Rémy - dont la merveilleuse façade Louis XIV nous est parvenue intacte, c'est exceptionnel, mais un toit et des intérieurs qu'on a laissé pourrir pendant des années, cela mérite une explication.
Proposé à la ville voisine de Chalon-sur-Saône, son maire n'en a pas voulu, et pourtant, pour l'ancien militaire que je suis, il est évident qu'il s'agissait là de son château et de son site historiques. Les partisans de raser le monument ont alors failli l'emporter : beaucoup trop cher à réparer vu son état. En revanche, le parc pouvait être conservé en espace boisé et l'urbanisation s'étendre tout autour sans contrainte, source non négligeable de revenus pour la commune (de Saint-Rémy). Puis, on a fait des plans pour transformer l'édifice en maison de retraite et en bibliothèque pour enfants, mais les subventions espérées de l'État ne sont pas venues. Quand, après mon achat, j'ai pris rendez-vous auprès de M. l'Architecte des Bâtiments de France, lequel exerçait en même temps son activité dans le civil, j'ai compris que j'avais fait échouer un de ses grands projets ; et quand il m'a proposé de me vendre une étude pour découvrir et refaire à neuf toute la toiture soi disant pourrie, je me suis sauvé.
Malgré mes invitations répétées, et même une pétition qui a receuilli une centaine de signatures, je n'ai jamais pu faire venir sur place les responsables successifs de la DRAC - affaires culturelles de Bourgogne - pour étudier un projet. Il est vrai que je conteste la localisation de Bibracte au mont Beuvray et les importantes dépenses qu'on y a faites et qu'on y fait encore ; et cela ne plaît pas.
Ma première et unique petite subvention était équivalente à la TVA que j'ai payée sur les matériaux que j'ai achetés. On ne peut pas dire que j'ai creusé le déficit public. Puis, quand on a exigé que je prenne un architecte pour superviser mes travaux, à mes frais bien sûr, je me suis, une nouvelle fois, sauvé.
Nous n'avons qu'une vie et chacun est libre de son choix. Après une carrière militaire de 25 ans de service "sur le terrain", choisie par idéal, un engagement "sur le terrain" pour la sauvegarde d'un monument historique, témoin de notre histoire, s'est tout naturellement imposé à moi en même temps qu'il me donnait le temps de faire des recherches historiques pour mieux comprendre l'origine et le fondement même des "valeurs" qui m'avaient guidé jusque-là.
Sept livres publiés en auto-édition. Un encouragement de plusieurs personnalités qui ont compris l'importance de l'enjeu mais un échec total du côté des élus et des médias locaux qui ne veulent toujours pas comprendre que l'origine de notre Histoire se trouve à Taisey, dans les fossés de sa forteresse antique millénaire, et non au mont Beuvray, faux site de Bibracte, avec sa ville en bois. Bref, une remise en question de tout un patrimoine, notamment roman, qui ne peut s'expliquer qu'en le faisant remonter à l'Antiquité, y compris tardive. Une remise en question qui dépasse, et de loin, mes premières intentions. Mais une opposition farouche, médiatique et sans débat, d'un groupe d'archéologues beuvraysiens incapables de traduire correctement les textes antiques... Un scandale d'État.
J'aurais aimé animer un groupe de jeunes, comme cela se fait ailleurs. J'ai toujours cru au travail manuel en tant que valeur première d'éducation et de formation morales. Je n'ai eu que la visite d'une bande de jeunes qui ont commencé à me dévaliser. Notre société n'a qu'une vision financière des choses. C'est ce qui me rend suspect. C'est ce qui rend suspect toute entreprise noble tout en condamnant notre patrimoine ancien à la ruine.
Société matérialiste ou spirituelle, il faut choisir.
E. Mourey, 17 septembre 2017
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