49.3 : gare à la Gödelite
Il existe des nombres dont le statut est transcendé par le cours de l’histoire. Soit parce qu’ils apportent une réponse à une question existentielle (42), à un problème mathématique (pi), ou qu’ils donnent un pouvoir exorbitant à qui en a l’usufruit (49.3)
De quoi le 49.3 est-il le nombre ? De pas grand-chose en vérité. Le 49.3 est assez pauvre en signification mathématique : solution d’aucune énigme, ni règle d’or, ni transcendant, un truc à virgule dont on ne sait que faire. Inutile de chercher du côté des sciences physiques ou du vivant, aucune trace du 49.3. On se tourne alors du côté des approches un peu exotiques / fumeuses (astrologie, code agesta…), mais rien non plus.
Qu’importe, de toute façon le 49.3 n’est pas vraiment un nombre. Celui qui nous intéresse se dit « 49 alinéa 3 ». Il s’agit d’un tout petit bout de texte qui fut ajouté à la constitution de la 5ème république : le 3ème des 4 alinéas de l’article 49 (amené en 2008) :
« Le Premier ministre peut… blablabla… Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté… blablabla »
Ce texte confère donc un pouvoir exorbitant à tout gouvernant dans l’exercice du pouvoir. Le 49.3 est une carte joker qui peut être brandie à tout moment par le gouvernant, lorsque le jeu de la démocratie l’ennuie ou qu’il y a risque que la partie s’éternise.
Conséquemment, ce texte a fait le bonheur de tous les gouvernants qui sont succédé depuis 1958 : 33 fois par la droite, 56 fois par la gauche, record absolu pour Michel Rocard qui en usa à 29 reprises. Aujourd’hui, personne n’oserait toucher à cette poule aux œufs d’or, qui a le pouvoir de pondre des lois à la demande. Seul un 49.3 pourrait venir à bout du 49.3, mais personne n’osera le Harakiri constitutionnel.
Des maths aux mythes
Il existe des nombres qui nous inspirent, trop. Comme s’ils étaient l’écho d’un murmure divin, d’un mystérieux message, un code secret dont ils seraient la clef. Aujourd’hui, le 49.3 semble présenter quelques caractéristiques typiques des phénomènes précités. Son usage et son pouvoir semblent dépasser les seules propriétés qui le définissent. Le nombre mathématique devient alors nombre magique. Les exemples sont nombreux, mais il y en a un qui produit son petit effet chez le scientiste spécialiste du pipo intellectuel : le nombre de Gödel…
La Gödelite fait référence à cette preuve extraordinaire, révolutionnaire, du logicien tordu Kurt Gödel, une preuve qui siffle encore aux oreilles des mathématiciens : « les mathématiques ont beau être d’une efficacité redoutable, il sera à jamais impossible qu’ils prouvent leur propre cohérence… », c’est ballot. Ce qui nous intéresse dans cette preuve, ce n’est pas ce qu’elle démontre, mais la manière dont elle le démontre.
Dans sa preuve, Kurt code ses formules à l’aide de nombres : le fameux codage de Gödel. Et c’est en « manipulant » ces nombres qu’il en arrive à prouver son théorème diabolique : le (1er) théorème d’incomplétude. Il n’en faudra pas davantage pour que des illuminés s’emparent de la chose et attribuent aux nombres de Gödel certaines vertus qui les dépassent. Aujourd’hui, il ne semble pas que le 49.3 en soit là. Mais il ne semble pas non plus qu’il en soit très loin.
« Quand les hommes ne choisissent pas, le 49.3 choisit pour eux », Aaron paraphrasé.
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