A chacun ses éléphants !
L’élection de 2007 sera celle de la rupture. Celle du changement des élites et du renouvellement des têtes, nous dit on. L’élection présidentielle de 2007 sera différente de celle 2002, parce que 2002 a constitué un véritable tournant aussi bien pour les citoyens que pour la classe politique française. Les premiers ayant exprimé un ras-le-bol généralisé pour la politique et un rejet manifeste des seconds.
Cependant, tous les candidats en lice pour cette nouvelle élection ont bien compris la leçon et affirment cette fois, tous peu ou prou, la main sur le coeur, qu’ils souhaitent le changement. Quand ils ne l’incarnent déjà pas eux-mêmes (sic !)...
Des désirs d’avenir, où nous serions les maillons forts d’une démocratie participative, à "la rupture avec les habitudes, les conformismes" et le "contre l’immobilisme" du ministre candidat, tous nous ont fait l’éloge de cette volonté de changement qu’ils ont cru percevoir dans notre signal de 2002.
Face à "on prend les mêmes et on recommence", Ségolène Royal nous propose un irrésistible : "Je vous prends vous et on commence ensemble" avec, on le comprend, la volonté d’un changement radical des gens et des méthodes. L’idée a séduit. En témoigne l’engouement des jeunes pour sa campagne originale de démocratie participative où pour l’occasion nous sommes devenus acteurs répétant un rôle qui nous est destiné à nous et à nul autre alors que nous étions souvent relégués au rang de spectateurs juste bons pour applaudir.
Même son de cloche pour François Bayrou, le candidat UDF, qui a de son côté eu l’occasion de mettre en application cette idée de rupture en s’exposant politiquement avec son vote de la motion de censure d’un gouvernement dont il a pourtant longtemps été un allié. L’idée maîtresse de Bayrou c’est qu’on ne peut plus continuer à gouverner en ne tenant compte que de ce qui est bon pour les partis et les appareils sans se soucier des citoyens. Il a proposé dans un discours mémorable, il y a presqu’un an à la Mutualité : "abattre le mur de Berlin entre le PS et UMP".
Ce qui revient ni plus ni moins à casser les clivages "gauche-droite". Va-t-il y parvenir ? Je ne sais pas mais les récents sondages prouvent que les Français commencent à apprécier sa démarche
Pour Sarkozy les choses sont moins nettes. Car même s’il participe au gouvernement actuel dont le bilan n’est pas des plus flatteurs, il lui fallait devenir petit à petit imperméable aux critiques dirigées contre ce même gouvernement, en expliquant habilement qu’il souhaitait "la rupture" et en prenant le risque de se désolidariser de ses "amis" politiques.
Sont-ils pour autant, les uns et les autres, convaincants ?
Difficile de répondre à cetet question avant l’élection présidentielle, mais il convient de leur prêter, aux uns et aux autres, d’avoir même symboliquement et chacun à sa manière, réussi à incarner cette image de rupture.
Du moins jusqu’à une période récente... avant de changer de stratégie et du moins pour certains seulement.
En effet, fin février 2007, Ségolène Royal fait une annonce fracassante à la suite des remous internes dans sa campagne (épisode Besson qui pointait du doigt les ratés de la campagne et l’absence de coordination). Alors qu’elle faisait campagne à distance respectable de l’appareil du PS, portée par les nouveaux militants, elle rappelle ce qu’on nomme communément les éléphants du PS avec en tête Lionel Jospin !
De Pierre Mauroy et Martine Aubry à Bernard Kouchner en passant par Henri Emmanuelli, Bertrand Delanoë, ou Gérard Collomb (maire de Lyon), Jean-Pierre Bel, Jean-Marc Ayrault, et le fameux premier secrétaire du parti monsieur François Hollande. Même Yvette Roudy, ministre en 1981 sous Mitterrand dans le premier gouvernement Mauroy, fait partie du lot !
Toute la ménagerie socialiste est là même les éléphants les plus récalcitrants comme Laurent Fabius ou Dominique Strauss-Kahn face auxquels elle s’était pourtant dressée lors de la primaire en appelant au changement.
Les militants UMP n’avaient pas fini d’en rire que Nicolas Sarkozy sollicitait à son tour, avec insistance, le soutien d’autres éléphants de son propre parti que sont Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin ou Michèle Alliot-Marie ou au contraire des ralliés de la dernière heure comme Philippe Douste-Blazy, André Santini ou Simone Veil et prochainement Valéry Giscard d’Estaing dont on se plaît à rappeler les origines UDF ...
Il ne faut pas se leurrer. L’appel des gaullistes convaincus n’a pour autre but que de s’assurer le soutien des derniers chiraquiens et autre récalcitrants, véritable épée de Damoclès sur sa tête. Le secours des centristes n’a d’autre but que de contrer la progression fulgurante voire inquiétante de François Bayrou non pas dans les sondages, ce qui aurait pu être relativisé, mais dans l’opinion, d’une de ses idées, toute simple, que le préalable au changement, c’est que la guerre des clans et des éléphants qui dure depuis plus de trente ans ait cessé.
Je ne sais qui aura raison, mais à voir dès maintenant comment Nicolas Sarkozy comme Ségolène Royal s’empressent d’aller à contre-courant de leur attitude initiale et de remplir leur carriole d’éléphants... on se demande si la stratégie opposée adoptée par Bayrou ne sera tout simplement pas la plus payante ?
C’est peut-être, ici, l’un des points faibles de la campagne des candidats en tête de cette élection et on comprend mieux maintenant pourquoi François Bayrou accueille désormais le départ de "ses" éléphants vers d’autres cieux avec un sourire de circonstance.
Il doit se dire qu’à trop charger leur caravane, ils risquent de ne pas démarrer à temps, ou de ne jamais partir...
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