A la recherche d’un nouvel ennemi
Guerre et paix se répètent inlassablement au cours de l’histoire. L’homme est toujours tenté par son côté animal : partir en guerre et combattre l’ennemi, et par son côté humain : fonder une civilisation.
Quelles sont les causes du racisme et de la xénophobie, bref, de la haine qui monte depuis vingt ans ?
Allons plus loin qu’énoncer les causes des émeutes qui sont survenues en France. Nous avons affaire à deux groupes ("anti-arabes" et "anti-blancs" pour les plus extrémistes) qui se stigmatisent, se provoquent, se rejettent. Ces deux groupes ne sont pas deux communautés, dans le sens où chaque Français a une vision des choses différente, mais beaucoup auront soit des peurs, soit des préjugés, soit la haine de la "communauté adverse".
Pourquoi cette division entre les deux "groupes" se creuse-t-elle de jour en jour, au point que nous allons avoir, à terme (si ce n’est pas déjà le cas), de vrais clans : les "anti-Arabes", les "anti-blancs" et "les neutres" (détestés des deux côtés et dont je ferai partie).
Chacun a ses démons
Chaque personne, même la plus tolérante, n’aime pas (à des degrés différents) une "classe" de population. Cette "classe" de population que chacun "détesterait" peut être n’importe quelle communauté : "les riches", "les beurs", "les Chinois", "les racistes", "les fans du PSG", "les teuffeurs", "les socialistes", "les Américains", "les chômeurs", etc. Comme si, dans tous les cas, chacun avait besoin de se rattacher à une ou plusieurs communautés (être "militant UMP", "un rasta", "un Européen", "un catholique", un "défenseur des libertés", "un réac", "un geek"). Évidemment ces communautés sont fondées sur les différences (de peau, de mentalité, d’origine, de confession religieuse, de confession politique, de passion, de ville...).
L’homme a besoin de se sentir "à rattacher" à une communauté : "sa famille", "son entreprise", "son milieu social", "son milieu ethnique", "son opinion politique", "son pays", et d’être reconnu en son sein comme lui étant bénéfique d’une façon ou d’une autre. Ce n’est pas un mal, mais il ne faut pas pour autant rejeter les autres, qui diffèrent, mais chercher à vivre avec eux, à les comprendre, à les découvrir, à s’en imprégner et à se mélanger avec eux. Il ne faut pas tomber dans l’extrémisme, qui est la haine de l’autre, et qui est contraire à la fondation d’une société où les gens se rassemblent pour vivre mieux. Un peu comme les chats et les chiens : certains se rejettent, certains se tournent autour, certains dorment dans le même panier. Imaginez comment pourrait être une société de chats et de chiens, et laquelle serait la plus bénéfique et la plus civilisée :
- En guerre perpétuelle sous la tutelle d’un grand chef pour s’accaparer le monde et ses ressources.
- Chacun dans son coin, ce qui reviendrait inévitablement à la solution 1, dans la mesure où des tensions apparaîtraient inévitablement.
- Alliés pour profiter des différences, pour mieux évoluer et ne pas subir de pertes (les chats sachant grimper aux arbres et voir la nuit, les chiens ayant un flair très développé).
Dans les temps "mythologiques" (et même plus récemment quand Mussolini a pris la tête de l’Italie), on s’attachait à être d’un peuple (romain, gaulois, celte, viking). Les peuples ne s’aimaient pas trop entre eux... Au Moyen Âge, c’était la haine entre les Français et les Anglais qui a causé la Guerre de cent ans. Pendant la guerre froide, l’ennemi était le "communiste" ou le "capitaliste" selon qu’on était d’un côté du mur ou de l’autre. On faisait la chasse aux sorcières et aux espions russes.
Et aujourd’hui ? N’avons-nous pas besoin d’un vrai ennemi ?
Et qui incarne le mieux l’ennemi ? Qui serait le mieux pour tenir ce rôle ? Qui est le nouveau concurrent sur la scène mondiale ?
Réponse : "Le Moyen-Orient" et "la religion musulmane", diabolisés en "terre et religion du terrorisme".
Pourquoi ? L’argent du pétrole de ces pays et le pouvoir qui en découle, la religion musulmane qui a des "parts de marchés" trop importantes et empiète sur les plates-bandes des religions judéo-chrétiennes.
Comment ? En poussant les extrémistes de cette région à passer à l’acte : on leur fournit les armes, l’exemple (nos méthodes de guerres, nos façons de commander, de recruter), un motif (guerres, exploitation des ressources, ingérence dans les gouvernements), de l’argent (les frères Laden se sont enrichis grâce aux USA). Ces terroristes se battent-ils au nom de la religion, ou au nom de "l’anti-impérialisme" américain, ?Ce n’est pas du tout la même chose, pourtant c’est facile de les associer.
Une stratégie pour prendre le pouvoir et le faire perdurer ?
Quelle est la stratégie de Bush depuis la guerre froide ? Montrer en permanence l’ennemi aux yeux des Américains : "les terroristes islamistes". Les attentats du 11/09 ont été quelque chose qui l’a beaucoup aidé pour s’installer en héros du bien contre le mal.
Et en Russie, comment le pouvoir central très fort, qui a été saboté par Gorbatchev, a-t-il été remis en place durablement ? Même stratégie que les États-Unis : un attentat à Moscou, suivi d’une propagande anti-tchétchène/ anti-terroriste, et de la guerre contre la Tchétchénie, pays considéré lui aussi comme le pays des "terroristes islamistes" par les Russes. En France, nous avons eu aussi notre lot d’attentats, heureusement moins tragiques. Nous avons, nous aussi, notre ennemi, moins mis en avant (le GIA et Al-qaida). Va-t-on partir en guerre contre l’Algérie dans dix ans ? Mais la France n’a pas besoin d’aller chercher si loin, déjà en profitant des peurs engendrées par ces deux puissances et de ses ennemis, il est facile de désigner l’ennemi, plus proche : "le jeune beur des banlieues", qui est même parfois transformé en "jeune recrue d’Al-qaida". Les émeutes seraient ainsi une insurrection musulmane, et non une "colère de jeune désœuvré et rejeté".
La politique de la peur
Cette stratégie a assez bien fonctionné pour Bush, qui a pu lancer son pays en guerre deux fois, avec l’aval de la majorité de la population (qui commence seulement aujourd’hui à être sceptique, après Katrina). Elle a également très bien fonctionné en Russie : Poutine, après avoir été désigné premier ministre de Eltsine, alors qu’il était un inconnu politique en Russie, a, moins d’un an après, été élu président (entre-temps, en un an : les attentats de Moscou, la propagande et la guerre contre la Tchétchénie). En France, est-ce le cas ? Comment aurait commencé cette diabolisation ? C’est Le Pen qui a dégainé le premier en insinuant que les Arabes allaient voler nos emplois, violer nos femmes, s’approprier notre argent et nos biens. Ceci a tellement bien fonctionné que Le Pen s’est accaparé 1/6 de l’électorat. Vu que cela lui réussissait plutôt bien, Chirac a fondé en grande partie son programme de 1995 sur l’insécurité. A cette époque, même si ce n’était pas dit, quand on parlait d’insécurité, chacun avait déjà dans son esprit "le jeune beur de banlieue". Puis 2002, Chirac n’a peut-être pas assez insisté (par conviction ou pour écarter la gauche) sur "l’insécurité" et la mise en scène de la peur, si bien que Le Pen était présent au deuxième tour.
Bref, les événements graves sont très rassembleurs, et permettent de se faire élire facilement, ils permettent d’avoir les foules à sa botte. La mise en scène médiatique de la peur, avec un maximum d’images spectaculaires, de vagues explications, mais aucune analyse des causes, permet évidemment de donner un visage à l’ennemi et de se poser comme un grand héros face à celui-ci. Ceci est communément appelé la "politique de la peur".
Comment Sarkozy élabore-t-il sa stratégie électorale aujourd’hui ? Met-il en scène la peur ? Se pose-t-il comme un héros ? Diabolise-t-il des populations ? Accélère-t-il la formation de communautés qui se détestent ? Peut-être que son programme est génial, ou que ses idées sont bonnes pour après 2007, c’est possible, mais les penchants qu’il provoque chez nombre de Français (blancs qui y voient rassemblement / beurs qui y voient provocation) et ses stratégies électorales sont-elles vraiment morales ?
Conclusion
Voici une grande partie des raisons profondes de la montée du racisme et de la xénophobie en France et en occident envers les populations d’origine arabe et de confession musulmane : la recherche d’un ennemi, la politique de la peur. Ces deux stratégies ont beaucoup été utilisées par les dictateurs, notamment par Hitler pour conquérir le pouvoir, après la crise économique de 1929.
Espérons que la France ne perdra pas sa devise « liberté-égalité-fraternité », sa laïcité et son engagement pour le respect des droits de l’homme.
Pour vivre dans une vraie civilisation, il faut savoir s’aimer les uns, les autres, ça peut paraître "baba-cool", "peace and love" ou ce qu’on veut, c’est nécessaire et sûrement mieux que l’inverse. Savoir découvrir, discuter et comprendre les personnes qui sont différentes, et ne pas chercher à les stigmatiser, à les diaboliser ni à les combattre, ce qui n’apporterait qu’un goût amer à l’histoire et ralentirait l’évolution de la civilisation.
L’histoire se répètera-t-elle sans cesse ?
Documents joints à cet article
10 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON