A ma vie, à mon coeur

  En Autriche, un jour de solitude 

 et de dépression. Été 82

 A ma vie, à mon coeur,

 Me voilà encore solitaire devant une feuille blanche et j'écris.Je t'ecris .Combien de lettres ai-je pensé, que je n'ai pas écrit ! Combien de lettres ai-je écrit que je n'ai pas envoyées ! Ces dernieres, tu les découvriras un jour peut-être , comme celle-ci éventuellement car je n'ai pas encore décidé de son sort.

Je t'écris parce qu'il est si difficile de communiquer verbalement avec toi. Je t'écris aussi car écrire est un refuge, écrire est une confession, écrire est un apaisement. Pourtant si tu voulais m'écouter même sans me répondre mais en ne me donnant pas l'impression de t'endormir, je crois, je suis sur que tu comprendrais les milles et une choses que je ressens, que je pense, que j'espère. Tu comprendrais que mon amour aussi imparfait soit il est profond et désintéressé.

La vie est bien trop courte et hélas le temps se raccourcit devant nous. A 20 ans, à 30 ans même ,on peut dire je vais attendre, les choses s'arrangeront , tout ira encore bien... mais après 40 ans cela devient de plus en plus difficile et de plus en plus dangereux .

Combien d'individus n'ont ils pas regretté, mais trop tard, de n'avoir pas été assez attentifs, assez présents, assez prévenants envers leur entourage ? Combien d'enfants ne se sont ils pas aperçus avec peine, qu'ils avaient eu des parents, mais ceux-ci etaient déjà morts ? Pense à George qui a fait preuve d'une énergie, d'une patience, d'une affection envers sa femme comme s'il avait voulu compenser tous les moments où il n'avait pas été assez proche d'elle et rappelle toi ma soeur sur son lit d'hôpital se promettant,mais hélas il etait trop tard, de s'occuper de son mari et de lui faire les plaisirs qu'elle lui avait refusés auparavant. As tu toi même la certitude d'avoir fait suffisamment pour ton père et ne regrettes-tu pas de ne pas lui avoir réalisé quelques plaisirs ou caprices même sans importance qu'il aurait souhaités ?

Beaucoup de gens déclarent avoir de l'humanité pour les autres .Ils ont leur pauvres, leurs malheureux, leurs Cambodgiens. Mais ont-ils de l'humanité pour leurs proches, leur enfants ,leur conjoint, leurs parents, leurs amis ?

La douleur que je ressens aujourd'hui est quelque chose d'épouvantable. Je n'oserai te la décrire ! Elle s'empare de ton corps, de ton esprit ou de ton coeur. Elle te fait mal, te pince, te torture, t'empoigne, t'enveloppe, t'asphyxie, t'annihile. Elle est insupportable et on a beau crier, pleurer, se cogner la tête contre les murs elles est toujours là, la plus forte, la plus tenace, la plus insidieuse, la plus odieuse.

La connais-tu ? Pour moi elle fait partie de ma vie, elle est ma compagne .Que se soit lorsque mes vertèbres me jouent des tours, que se soit lorsque l'angoisse me prends aux tripes, que ce soit lorsque tu te fais sa complice...

On dit que la souffrance endurcit. Je n'en crois pas un mot. On dit qu'elle vous rends égoïste, c'est faux.

Malgré tout, tout ce que mon corps, mon esprit, mon coeur peut donner, je le donne, peut être maladroitement, mais toujours sincèrement et surtout à celle que j'appelle non pas par habitudes mais par vérité "mon coeur ", "ma vie".

Je me veux petit, humble, suppliant, je longe les murs, je courbes le dos... et je donne, je guette ce qui peut faire plaisir, j'essaie de devancer des envies, des besoins, j'oublies mes problèmes...

Faire plaisir, créer la joie, donner du bonheur c'est ce qui reste pour l'éternité. Le reste est vanité .

Il ne faut pas vieillir , il ne faut pas s'user, il ne faut pas devenir une habitude. Figer le temps aux moments heureux de la vie !

J'ai souhaité partir avec toi en voyage sans les problèmes quotidiens, sans les soucis que donnent les enfants, sans un certains déséquilibre que provoque quelquefois ta mère. Je l'ai souhaité pour plusieurs raisons. D'abord parce que j'avais envie pour notre amour d'être seul avec toi, parce qu'aussi je voulais essayer de reconquérir et consolider quelques sentiments fêlés chez toi, parce que cela faisait longtemps que nous n'avions pas été ensemble, parce que nous avons certainement besoin de repos et enfin parce que je garde toujours des souvenirs merveilleux et heureux de nos voyages en Islande, Irlande, Écosse, Laponie, Florence, Les îles grecques, Venise ...et que je souhaite ne pas limiter la liste.

Je n'avais pas pas d'idées particulières sur le lieu et le sujet de cette semaine. Je voulais qu'elqu'endroit qui te ferait plaisir. Nous avons discuter de la Martinique mais je savais que la montagne te plairait mieux. Elle te plait tellement que je me sens, hélas, abandonné.Toute ta force, toute ton énergie, tout ton courage, tout ton coeur sont consacrés à elle .Il ne reste reste plus rien pour moi. J'aurais du m'en doutais, t'écouter, comprendre les sarcasmes de nos enfants mais j'espérais que une ou deux fois seulement nous aurions pu être ensemble heureux, en longue et agréable promenade. Sincèrement , un cours de ski perdu aurait-il à tout jamais gâché ta vie ? alors que ta présence à mes cotés aurait apporté tant de bonheur. J'ai l'impression que d'être venu avec toi mais que tu es venue sans moi.

Et pourtant je sais que je ne te suis pas indifférent, je sens que tu es très attachée à moi, que tu m'aime même. Je crois aussi que tu serais malheureuse sans moi non pas parce que l'habitude est confortable mais parce que nous avons tellement de choses en commun que même sans paroles nous nous comprenons, que malgré des difficultés surement passagères nous nous respectons et que ma vie est tienne et que ta vie est mienne.

Mon coeur a tellement saigné en écrivant cette lettre. Aurais-je un commentaire, une réponse, un regard, un geste qui me ferait comprendre ton sentiment, ton opinion ?

A vrai dire j'appréhende le jugement mais j'attends une sentence.

Toutes mes lettres contenaient un ou plusieurs 'je t'aime ' celle-ci n'en a pas encore alors vite concluons

 Je t'aime

 Henri