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Accueil du site > Tribune Libre > A propos d’attentats dits « anarchistes »

A propos d’attentats dits « anarchistes »

Le rôle du chercheur en sciences sociales face aux questions sensibles n’est pas de prétendre avoir des révélations ou des informations exclusive à dévoiler, mais de désamorcer les fantasmes, d’expliquer et de déjouer les amalgames afin de permettre aux citoyens, contre l’agitation de peurs, d’exercer leur réflexion.

En tant que sociologue ayant travaillé et publié sur l'anarchisme, je reçois actuellement des sollicitations de journalistes me demandant s'il existe un réseau anarchiste international européen prêt à commettre des attentats. Je constate par ailleurs la publication d'articles où des universitaires suggèrent l'existence d'une coordination anarchiste européenne clandestine et où des journalistes titrent comme ceux du Figaro : "Cette mouvance anarchiste qui empoisonne l'Italie" (24/12/10). 

L’éthique du chercheur en sciences sociales
 
Les journalistes ont parfois tendance à penser que les scientifiques peuvent s'exprimer sur tous les sujets et malheureusement ils trouvent des chercheurs disposés à leur faire croire que c'est le cas.
 
Or on peut se demander actuellement comment des universitaires dans leur bureau pourraient prétendre connaître les dessins cachés d'organisations clandestines dites anarchistes. Un moment de réflexion, et non de recherche de sensationnalisme et d'agitation des peurs, pourrait bien laisser penser que quel que soit la nature de tels groupes, il doivent certainement cultiver le secret et qu'il est inutile d'aller voir des scientifiques pour obtenir des informations exclusives et inédites sur les dessins de ces groupes. Une telle demande tend à confondre le sociologue avec l'indicateur de police infiltré. Les scientifiques n'ont rien à dire là dessus parce que tout simplement on se doute bien que des groupes clandestins n'accordent pas d'entretiens à des sociologues.
 
Si un scientifique peut et doit s'exprimer sur un tel sujet dans les médias, c'est bien pour tenter de désamorcer les fantasmes des journalistes ou des citoyens sur ce type de questions et non pour les faire enfler. 
 
De quelques remarques de bon sens qu'il est utile de rappeler

Par conséquent, il me semble important de rappeler quelques éléments :
 
- Les revendications d'attentats, les accusations et les enquêtes sur ces sujets doivent nous inciter à la prudence. Nous avons pu constater par exemple encore récemment avec l'affaire Tarnac que la détermination des auteurs des actes n'est pas si simple que peut le laisser présumer les revendications. L'affaire de la Piazza Fontana en Italie en 1969 montre comment ces affaires peuvent être particulièrement embrouillées puisque dans celle-ci des anarchistes ont d'abord été accusés avant que la piste de néo-fascistes ne soit envisagée.
 
- La notion d'anarchiste dans les médias tend à désigner bien souvent de manière simple des groupes clandestins qui commettent des attentats sans se préoccuper du fait qu'il existe nombre de militants qui se revendiquent au grand jour comme anarchistes et qui n'appellent pas à des attentats. Pour ces derniers être anarchistes, c'est par exemple être syndicalistes ( les anarcho-syndicalistes) ou mettre en place des projets culturels autour de l'anarchisme.
 
La notion d'anarchisme est une notion complexe qui recouvre des courants différents. 
Ainsi dans un texte de janvier 2004, la Fédération anarchiste italienne, au sujet des conceptions qui seraient revendiqués par la Fédération anarchiste informelle lors d'attentats ayant eu lieu en 2003, exprimait une conception différente de l'anarchisme, attachée à une activité au grand jour cherchant le lien avec la population et non pas à se couper d'elle par des activités clandestines. 
 
- Ce sont les mêmes raccourcis et amalgames qui tendent à réduire la notion anarchiste d'action directe à des attentats alors qu'elle désigne toute action sans l'intermédiaire de représentants politiques. Sa principale forme était autrefois la grève et aujourd'hui elle se traduit bien souvent également par la désobéissance civile non-violente. 
 
- Dernier point qu'il me semble important de souligner, c'est que l'agitation des peurs et les amalgames ont pu être utilisés par le passé et encore actuellement par des gouvernements pour édicter des législations réduisant les libertés publiques et les libertés militantes, que l'on se souvienne par exemple des Lois scélérates durant la Belle époque, permettant ainsi la répression de militants n'ayant rien à voir avec de troubles histoires d'attentats.
 
Irène Pereira
 
Irène Pereira est co-fondatrice de l'IRESMO (Institut de recherche sur le syndicalisme et les mouvement sociaux) et auteure entre autres de : Anarchistes (La ville Brûle, 2009) et L'anarchisme dans les textes ( à paraître en février 2011 aux éditions Textuel). 

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13 réactions à cet article    


  • jako jako 30 décembre 2010 13:33

    Je vous remercie de ce recadrage.
    Plus vaste est le problème devenu la régle du journaliste qui veux faire passer une idée et se retranche derrière l’avis d’un spécialiste.
    Parfois je me demande si certains reportages ne sont pas joués par des acteurs.
    Et bien re-préciser la sens des mots c’est nécessaire.
     Même nos élus ( et surtout eux) abusent de termes comme « de gauche » pour caractériser un acte évidement terroriste


    • Capone13000 Capone13000 30 décembre 2010 14:50

      On parle toujours d’anachistes de gauche ou de jeunes de l’extrème droite lorsqu’iil y a des revoltes, c’est simplement un moyen de ne pas dire le peuple, la population, car celà risquerait de donner des idées à d’autres.
      Vivement les anarchistes du centre...


      • jako jako 30 décembre 2010 14:54

        Exact Caponne, toujours attribuer un acte de violence à un groupe, et quand c’est un cas isolé (cela arrive réguliérement une personne qui péte les plombs et se retranche chez lui)
        c’est un forcené et systématiquement « on ignore la raison de son geste... »


      •  C BARRATIER C BARRATIER 30 décembre 2010 18:21

        Je parlerai plutôt de malades ou bien de révoltés.

        Dans le mot anarchie je perçois un pointage de gens qui refusent d’obéir. Qui combattent les dirigeants autoritaires. Et qui vont jusqu’à refuser l’obéissance civile à des élus de la démocratie, ce qui peux paraître très critiquable.

        Sauf que nos élus nous trahissent la plupart du temps. On l’a vu avec le référendum européen : nous avions dit non, nos élus ont ratifié le même traité sans référendum, les uns en votant pour, les autres traitres mais en plus lâches, en s’abstenant.

        Notre société se délite, il faudrait tout refonder avec participation citoyenne, et ne plus permettre aux élus d’avoir deux mandats successifs : obligés de faire ce qu’ils promettaient au lieu de passer leur temps et notre argent pour leur réélection.

        Je désapprouve les attentats aveugles, je ne vois pas des anarchistes les commettre, ils ont d’abord soif de justice.

        Il faut voir qui les accuse sans preuve pour comprendre une partie de ce qui se passe. Les sbires de BERLUSCONNI ne seraient ils pas capables de faire diversion dans le sang pour reprendre un pouvoir sur l’opinion ? On connaît la musique en FRANCE.


        • BOBW BOBW 30 décembre 2010 22:25

          Depuis des lustres les journaux , médias et cinéastes ne nous montent en épingle qu’une image des anarchistes : « La bande à Bonnot » :
          - Avec toute la sémantique de
          -Violence-Terrorisme-Banditisme-Vénalité-Crime( Illustré par les brigades Rouges)-Mouvement antisocial.
          Ils  omettent l’esprit républicain historique défenseur des exploités(Proudhon-Louis Blanc-Bakounine-Errico Malatesta-Auguste Blanqui ) et leur lutte contre l’esclavage(Commune de Paris - Guerre d’Espagne(Brigades internationales)- et aussi au sein dea Résistance antinazie.


          • Emile Red Emile Red 31 décembre 2010 10:10

            On ne parle jamais des résistants anarchistes, on préfère la terminologie parfois foireuse de « républicains espagnols »... en masquant les écrits sur les chars de ces « républicains ».

            Aux vues de l’histoire officielle, les anarchistes n’existent qu’avant et après guerre, elle se refuse à considérer que la clandestinité par obligation va de paire avec le passé anarchiste.
            Que cette clandestinité maîtrisée par les mouvances libertaires n’étaient qu’une totale inconnue pour la plupart des autres constituantes de la résistance et qu’il a bien fallu un enseignement rapide, compétent et déterminé pour que les partisans agissent avec le minimum de sécurité. Or cette compétence n’est pas tombée du ciel...


          • herope herope 31 décembre 2010 01:22

            L’Anarchie est une idéologie qui est vraiment réapparue au 19ème siècle s’opposant au marxisme, au léninisme et au trotskisme. La différence fondamentale : un fonctionnement horizontal par les individus, possibilité de révocation d’un mandat, négation de l’état........
            Certes il y eu des actions violentes mais depuis très longtemps l’anarchisme a pris un autre chemin. Les années de « plomb » en Italie les BR (marxistes) tuèrent plus de 300 personnes !
            Alors voir des anarchistes semble une manoeuvre des gouvernements pour encore durcir leur régime et terroriser la population.


            • robin 31 décembre 2010 08:47

              Le bouc émissaire facile « Al qaida » commençant à être franchement usé, d’autant que la plèbe pour qui le spectacle d’illusionisme est donné commence à s’apercevoir que la ficelle est un peu grosse, il fallait trouver une autre cible, celle des anarchistes et des méchants conspirationistes qui dans la lignée de WIKILEAKS s’acharnent à déchirer le décor.


              • Emile Red Emile Red 31 décembre 2010 10:28

                Dans ce genre d’événement il est bien évident que les médias ne retranscrivent que les comptes rendus officiels, qu’aucun journaliste ne verra les conditions avec lesquelles les services d’ états déterminent la véracité des revendications.

                A partir de là on peut imaginer que n’importe qui peut à tout moment revendiquer n’importe quoi s’il respecte des standards de crédibilité actés par les officiels. L’attentat de la gare de Bologne fut un exemple parfait de la manipulation Stay Behind afin de compromettre les groupuscules révolutionnaires et de les faire passer pour d’atroces criminels par l’utilisation de modèles de revendications semblant les désigner.

                Ici encore, la méconnaissance du mouvement anarchiste contemporain par les médias et la « vulgate » permet toute manipulation ou revendication fallacieuse sans qu’aucun ne sourcille quand tout libertaire peut décrypter, par immersion, l’inadéquation de cet attentat avec une démarche anarchiste moderne. 


                • eric 31 décembre 2010 18:09

                  Il faut dire a la decharge des journalistes que le caractère nebuleux des discours impliques, les comportements sectaires, groupusculaires, accompagnes d’excommunication mutuelles de groupuscules autour de virgule sur des manifestes analyses de la realite et preconisation datant du dix-neuvième sciecle dans le meilleur des cas. Les segmentations volontaires ou de fait, entre tetes pensantes et executeurs des basses oeuvres rendent difficile de rendre exactement compte de la réalité concrète et de qui fait quoi.
                  D’ailleurs, historiquement, on eprouve les mêmes difficultés. Qu’est ce qui tenait du Trotskisme, de l’anarchisme au sein du POUM et suivant les personnes et les périodes ?
                  Tous ces mouvements, ou mouvementicules, different sur des questions de personnes, et, en théorie, un peu, de méthodes en interne, mais ils partagent les analyses, les but, et les moyens a peu de chose prêt. Leur prise du pouvoir par la force, suivi d’une dekoulakisation, permettra des lendemains qui chantent, toujours pour les proletaires, et desormais, pour les herbettes et les petits oiseaux, depuis que les premiers votent a droite.
                  Pourtant, bien plus que d’un complot, il faudrait sans doute parler d’un paradigme.
                  Quelques pseudo universitaires ex soixante huitard ratiocinent un discours répétitif au terme du quel ils sont évidemment « non violent », mais que face a « la violence première du système », ils ne peuvent s’empêcher de se demander si ceux qui parviendraient par eux mêmes, spontanément a l’idée qu’un peu de saine violence, non violente citoyenne, éventuellement terroriste, seraient vraiment condamnables.
                  En aval, les plus paumes, les plus désaxés, cas pshycho socio, aigris, frustres, illumines, comprennent tres bien ce que l’on leur explique a demi mots avec une lourde insistance et vont eux poser les bombes.

                  Il y a un célèbre précèdent. Les jésuites expliquent doctement que la personne du roi est évidemment sacree et que le tuer est un peche. Mais si un roi s’attaque a l’église, c’est un tyran. Il est légitime de tuer un tyran. Henry IV est un roi sacre, mais sa poitique ne serait elle pas un peu en contradiction avec les préceptes de Rome. Ravaillac n’a meme pas besoin qu’on lui explique autres chose pour arriver « spontannement » a la seule conclusion possible en prenant son poignard, et les Jes d’affirmer que grand dieu, non, ils n’avaient pas voulu cela.

                  En réalité, toute l’utra ou extrême gauche, incluant les ecolo qui réaffirment périodiquement la légitimité d’action « musclée non violente citoyenne » ( MAc do de Quevert) participe de ces discours anti démocratiques. Il suffit d’aller sur leurs site et a travers quelques liens, on trouve même les conseil pour ne pas se revendiquer des mouvements, comment échapper a la justice etc....

                  Le mot anarchiste est évidemment impropre. Qu’employer ? Les gugus de l’alter gauche ? Les ecolotrotsko bioself par eux même dégradables ?Les alter desaxe ? Les post neo alter trotskomarxiens ? La gauche anti démocratique, les facho rouges ? Peut importe au fond. Touts les societes connaissent ces phenomenes qui s’apparentent a des pathologie sociales plus qu’ a de la politique. En revanche, tant que la gauche républicaine ne parviendra pas a se défaire d’un sentiment de proximité haineuse et nostalgique avec ses petits frères dévoyés, je pense qu’il restera légitime de les qualifier de gauche.

                  Humainement, sociologiquement, dans les discours, les dénonciations et les méthodes, les neo nazis ne diffèrent pas des neo extreme gauche. Si ce n’est peut être, que les seconds sont en realite plus absurde que les premiers. En utilisant les juifs comme bouc émissaire on circonscrit les victimes potentielles et on peut esperer un consensus au moins des autres. Comme on l’ a vu en URSS, avec les koulaks, tous le monde est concenrne le genocide n’a potetiellement pas de limite et a la fin tous le monde, même les sympathisant, vie dans la terreur.
                  Les programme des neo nazis sont anti rreligieux, anti capitalistes, antiliberaux, anti démocratiques,anti americain, anti societe bourgeois, antisionnistes, etc...c’est a dire a 80% conformes a ceux de l’ultra gauche.

                  Je propose donc de nommer tous ces attentats par leur nom, ils sont commis par les rejetons de la gauche totalitaire


                  • edend edend 4 janvier 2011 15:43

                    La violence des états n’a pas d’égal...
                    La stratégie du pouvoir visant à créer un ennemi intérieur se retrouve mise à nu.
                    Le sarkocaïnomanational se lâche sur un journaliste en le traitant de pédophile,
                    se faisant il éclaire mieux le sac lopsi2 présenté de prime abord par les médias comme un arsenal contre la cyber pédophilie, pour que le public se détourne des rares articles expliquant en quoi un pouvoir qui refuse le droit de choisir son mode de vie, en caravane, en yourte, en squatt.
                    Bref un pouvoir ouvertement totalitaire doit être détruit... intelligemment.
                    Peut être que l’opposition frontale des explosifs ne fait que le renforcer, à chacun selon ses moyens, ce qui est sur c’est qu’il est nécessaire d’agir, et en premier lieu cesser de subir donc désobéir à toutes les lois scélérates.
                    Une piste aussi pourquoi lorsque un câble diplomatique révélé par wikileaks parle du financement de l’umps par omar bongo aucun journaux ne rappelle sa place dans la franc maçonnerie ???

                    Désolé pour le coté morcelé, éclaté et non sourcé de ce commentaire, c’est une invitation à creuser :) 


                    • edend edend 4 janvier 2011 15:49

                      Peut être que ceci est moins kung fu, que mon commentaire précédent § :)

                      Voici venu le temps d’être radical...

                      Cher nous,Une société qui n’est même pas capable de tolérer des modes de vie alternatifs mérite t elle de survivre ? ... Personnellement je suis pour la fin du monde en fRance en 2012. Pince sans rire. Et tant pis pour les victimes collatérales qui ne sont pas capables de sortir de leurs habitudes de con fort et con sommation. L’année qui vient de passer à montré, d’une part, que même face au pire la majorité de la population n’est plus/pas capable de libre arbitre, elle continue aveuglement vautrée dans son confort et sa consommation, en poussant à l’extrême les gens crèveraient dans la rue elle ne changerait pas plus ses habitudes. D’autre part que la rhétorique du téléguidage ne tient pas : quand il s’agit de défendre les retraites, autrement dit quand il s’agit de défendre confort et consommation elle est capable de se mettre en branle...

                      La conclusion c’est à celles et ceux qui essayent de conserver une part d’humanité de la tirer. Merci

                      Tant qu’il y aura des riches, il y aura des pauvres.
                      ....ceci dit ne soyons pas dupes le pouvoir à tout fait pour amener cette radicalisation, afin de resservir encore et encore sa supercherie de surenchère sécuritaire il lui faut un ennemi intérieur à mettre à mort.Ne nous donnons pas en spectacle, renversons le décor, soyons subversifs, laissons le chaos brouiller les pistes, empreintons les extrêmes antagonistes, ne nous opposons pas frontalement pour qu’il ne puisse pas s’appuyer sur nous, opposons nous frontalement pour qu’il se retrouve à poursuivre des châteaux en Espagne, jouons à son jeu mais avec notre éthique : vivants, changeant à chaque instants, en équilibre, funambules tisserands sur le fil de la vie... Il y a un chemin. 

                      Sans alternatives, sans partage, sans humour, la vie n’est qu’un simulacre.

                       

                      Une pensée du Collectif FTP sur la consommation...

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IRESMO


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