• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > A propos d’un deuil

A propos d’un deuil

Il y a des phrases qui font froid au dos : “La Grèce doit faire défaut si elle veut la démocratie”. Wolfgang Schäuble, le ministre allemand de l’économie qui l’a prononcée, met ainsi à nu le niveau et la perversion de la pensée régissant désormais une grande partie de la classe politique allemande et, hélas, européenne. En d’autres temps cela se résumait par la sentence bon pour l’orient, et soulignait qu’il existe des hommes plus égaux que les autres. En l’occurrence les riches et bien portants, pouvant jouir des bienfaits de la démocratie d’une part, et d’autre part, les pauvres et malades qui n’en sont pas dignes. Ce froid au dos ne concerne pas les grecs, portugais et autres espagnols, mais bien l’ensemble de l’humanité, allemands, néerlandais ou français inclus, à qui leur régime démocratique se transforme en épée de Damoclès, tenu sur un fil, celui de bien se tenir et d’accepter sans broncher le sort que cette nomenklatura d’ignares, de minus, d’analphabètes désire lui imposer. Si les mots ont un sens, les qualificatifs ci-dessus sont trop faibles pour indiquer la déchéance intellectuelle de ces dirigeants, leur corruption morale, leurs lacunes abyssales d’appréciation de ce que nous sommes et d’où l’on vient.

Une autre phrase, prononcée par le président français est du même ordre : imaginez ce qu’adviendrait de cette crise si une autre était à ma place. Une autre ! Non content d’avoir ligoté son pays dans des impasses insurmontables, il se permet d’affirmer qu’une femme aurait, sans doute aucun, fait bien pire. Qu’elle aurait, hystérie féminine donnée, installé la désolation. Déclinant le registre riches-pauvres, il insinue des clivages encore plus dangereux : hommes-femmes, français-étrangers, eux-nous, considérant dans sa magnificence présidentielle que toute différence, réelle ou supposée, reste dans son royaume tolérée, à condition de rester à sa place. Encore un fil de cette épée de Damoclès, qui se désire machine à stopper le temps, l’évolution, la différence. Outil de soumission infernal exigeant l’allégeance féodale.

Le citoyen, disait Périclès dans son Epitaphe, est capable d’épanouir aussi bien son corps que sa personnalité. Il peut faire des choses différentes et en même temps, avec aisance et grâce. Il n’est en aucun cas prisonnier d’un statut, d’une activité, et doit donner son opinion sur tout. La Cité athénienne disait-il sera l’enseignant lumineux, exemplaire et gracieux de tous les grecs ou ne sera pas. Chez les dirigeants de la Cité Europe on est bien loin du compte. Si nos dirigeants émettent quelque chose, ce sont de la brutalité, du cynisme, de la barbarie, de l’ignorance, le tout avec disgrâce et un manque criard d’élégance. 

Dans un éditorial inspiré de Mediapart Edwy Plenel citait Roland Barthes :

Un dieu rôde derrière le fait divers. Il faut aller plus loin : quand les tenants de la Cité n’ont plus rien à dire si ce n’est des énormités qui, « ces dernières années », insiste Plenel, « n’ont cessé de travailler notre modernité, diffusées et alimentées par les tenants des guerres d’identités, chocs de civilisations et affrontements de religions  », le fait divers s’exprime à leur place, paradigme malsain de leurs dérives, concentré de leurs incapacités de penser l’humanité, annonciateur obsessionnel du futur qu’ils nous réservent. 


Moyenne des avis sur cet article :  4.7/5   (53 votes)




Réagissez à l'article

16 réactions à cet article    


  • Ariane Walter Ariane Walter 20 mars 2012 13:24

    « Officiellement la campagne électorale est suspendue jusqu’à mercredi »....

    Grèce, nous voici !
    Nous aussi, bientôt sur ton bûcher !

    • bigglop bigglop 20 mars 2012 19:45

      Bonsoir à tous,

      Merci @Michel de cette excellente analyse du fonctionnement de cette oligarchie mondiale prédatrice.

      Si l’on avait vraiment voulu « sauver » la Grèce, un défaut partiel aurait du être mis en place en 2007/2008, au moins, avec une réforme profonde de l’organisation de l’Etat.

      J’avais découvert, sur le Web, un ouvrage ancien sur l’économie et la gouvernance grecque qui démontre que la Grèce a été déjà, par le passé, en état de faillite.
      http://www.lemonde.fr/idees/article/2011/09/12/la-dette-grecque-une-lecon-d-histoire-plus-que-d-economie_1570104_3232.html

      La crise de la dette s’aggrave en Grande-Bretagne, David Cameron, George Osborne envisagent de mettre en place des emprunts obligataires à 100 ans, sinon perpétuels.
      Bien entendu, des mesures d’économies seront mises en place :
      alignement des salaires du publics sur ceux du privé
      diminution des taux d’imposition des tranches supérieures.
      http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/03/15/fort-de-son-idylle-avec-les-marches-londres-envisage-de-s-endetter-a-cent-ans-voire-a-perpetuite_1669660_3234.html

      Les 107 mds d’euros faisant partie du plan d’aide correspondent à la décote de 53,5% de la dette de 200 mds détenue par les créanciers privés. Lors des négociations du PSI, les chiffres de référence étaient ceux de la dette au 31/07/2011 soit 355 mds (dont 155 mds créanciers publics).
      Mais à l’époque, 80 mds étaient détenus par les banques, assurances, fonds de retraite grecs.

      Cette décote de 53,5 % les conduirait à la faillite, donc il faut les recapitaliser en annulant une dette de 43 mds remplacée par une nouvelle de même montant. Good deal !.
      Donc l’aide réelle est de 107 - 43 = 64 mds €.

      N’oublions pas le précédent plan d’aide de 110 mds € pour lequel ils reste encore, environ, plus de 30 mds à débloquer en 2012.
      Je ne pense pas que le PSI intègre le déficit budgétaire estimé de 24 mds fin 2012, donc il devra être redimensionné

      Dans le cadre du plan de soutien, le FMI devrait accorder 28 mds € de prêt, en rééchelonnant le solde de 10 mds du prêt de mi 2010, et 18 mds de nouveau prêt à maturité de 10 ans.

      Dans le cadre du PSI, au moins 45 mds € ont été transférés des créanciers privés aux créanciers publics.

      Le bilan provisoire :
      Les états (et les contribuables) ont prêté à l’état grec 240 mds € (110 en 2010 + 130 en 2012) qu’il devra rembourser, après les avoir utilisés pour rembourser les créanciers privés.
      Vous me direz que les créanciers privés ont « perdu » entre 35 et 45 mds dans l’affaire, mais avec les nouveaux titres de droit britannique ils bénéficient d’une garantie publique en hors bilan.

      Au final, ce seront les créanciers obligataires des états européens qui vont assumer le risque tout en sachant que les contribuables européens ne pourront financer l’ensemble des dettes européennes.

      Avec ces plans et les « réformes structurelles » imposées par la « Troïka », la Gréce est entrée dans une dépression durable, avec fin 2011, une croissance négative de 7,5 %, tendance lourde du début 2012, avec une baisse de la production, des exportations, de la consommation. Les ménages grecs ne peuvent plus payer leur dépenses d’énergie (électricité, gaz) et reviennent au chauffage au bois et au charbon.
      300 000 expulsions pour loyers impayés, augmentation de plus de 40 % des suicides, précarité, insuffisance alimentaire, baisse des salaires public et privé, des retraites, diminution des prestations sociales (maladie, éducation, etc...).

      De plus en plus d’analystes financiers, d’économistes considèrent que la dette grecque est irremboursable dans les délais annoncés. Peut-être dans 30 ou 40 ans....

      http://www.les-crises.fr/les-tenebres-du-moyen-age/

      http://www.les-crises.fr/les-trois-ennemis/

      http://www.les-crises.fr/l-oracle-de-naxos/

      Et je ne parle pas de l’action de la BCE de Mario Draghi qui finance indirectement les déficits et dettes des états européens.
      Peu de personnes s’interrogent sur le but des 1000 mds € de « facilités » accordées par la BCE aux banques dont une partie a financé le rachat de dettes souveraines sur le marché secondaire (Espagne, Italie,...) et le reste a été replacé, majoritairement, sur les comptes ouverts auprès de la BCE.
      Les banques européennes ne se prêtent plus entre elles, par manque de confiance, et l’économie réelle en souffre (euphémisme).
      L’objectif annoncé était d’augmenter la liquidité interbancaire, un échec. Mais n’y avait t-il pas un autre objectif ?

      http://www.les-crises.fr/la-monnaie-banque-centrale-1/

      http://www.les-crises.fr/la-monnaie-banque-centrale-2/

      http://www.les-crises.fr/la-monnaie-banque-centrale-3/

      L’oligarchie financière ne veut pas une sortie de la zone euro de la Grèce. Elle est (et a été lors de son adhésion à l’UE, puis à l’euro) le maillon faible européen.
      Leur intérêt est de la maintenir sous « assistance respiratoire » ou sous perfusion financière en la « sauvant » en permanence, ce qui affaiblit les autres états européens fragiles comme le Portugal, l’Espagne et l’Italie, mais aussi les états « forts », à terme, comme l’Autriche, la France...par leurs contributions aux différents plans de sauvetage.

      J’espère me tromper, mais il y a une volonté, à partir de la Grèce, d’organiser des défauts partiels des états « faibles ». Personne ne pouvant intervenir massivement sur les dettes espagnoles et italiennes ( 735 mds€,1 900 mds€), portugaise (160 mds) pour mémoire.
      Il s’agirait de mettre en place une contagion de défauts partiels dont les bénéficiaires seraient les hedge funds, les possesseurs de CDS (Credit Swap Default) et les banques privées par transfert de leurs créances pourries aux états.
      Mario Draghi détourne l’activité de la BCE au profit des banques commerciales, des opérateurs financiers en bon ex-Directeur Europe de Goldman-Sachs.

      Personne ne parle de la Hongrie de Viktor Orban qui est en état de quasi faillite (hors zone euro), avec des européens qui se questionnent sur leur intervention tout en gelant leurs subventions. Il faut savoir que les banques hongroises sont contrôlées par des banques et fonds autrichiens.

      Enfin, les déficits et les dettes publiques irlandaises, portugaises, espagnoles et italiennes ne sont même pas stabilisées. Le Premier Ministre espagnol, Rajoy, après la signature du TSCG, a informé ses collègues européens qu’il ne pourrait pas respecter les objectifs fixés.
      Le Portugal va suivre le chemin de la Grèce.

      La situation de la Dette des Etats-Unis est catastrophique et est devenue irremboursable. Reste à savoir qui du Dollar ou de l’Euro s ’écroulera le premier, mais cette crise de la dette US va nous contaminer très vite et bien plus que celle des subprimes de 2008. http://www.les-crises.fr/la-dette-americaine/

      Et nos très chers candidats qui nous font des promesses avec des financements qu’ils n’auront jamais. Ils sont dans la surenchère de taxer les riches, le contrôle de l’immigration, la viande halal ou casher, les référendums bidons, le produire français, etc...

      Ils oublient de dire que nous ne sommes plus un pays démocratique, mais contrôlé par une oligarchie financière et que toutes leurs promesses, programmes sont conditionnés par les décisions européennes après la ratification du TSCG et de son "Six Pack".





    • robin 20 mars 2012 13:34

      Quand on voit le niveau de conscience politique et morale des français, la mafia oligarchique encore de beaux jours devant elle.


      • nicolas_d nicolas_d 20 mars 2012 15:31

        La conscience et la morale de 2005 ne sont pas perdues à jamais...
        Je ne pense pas que les français manquent de conscience ni de courage, juste, peut être, souvent, de courage, de confiance.


      • JACKTURF JACKTURF 20 mars 2012 13:42

        La Grèce n’a été qu’un laboratoire, les choses sérieuses vont bientôt commencer, du moins après les présidentielles. Portugal, Espagne, Italie, France, préparez vous, ça va swinguer dure dans les milieux financiers.

        Ceci dit, remarquez vous ce silence assourdissant des médias sur la Grèce, remarquez vous ce silence assourdissant sur l’Espagne, le Portugal, l’Italie ? Tout juste entendons nous quelques murmures.

        Chuttt, pas déranger les élections, chuttt il n’y a rien à voir, circulez, tout va dans le meilleur des mondes, même Mélanchon est assez content de lui puisqu’il persiste et signe à vouloir rester dans l’Euro.

        Un conseil, faites provisions de bonne humeur, car après les présidentielles, la soupe à la grimace façon Grec, puissance dix, va nous être servi et ce, quelle soit de gauche ou de droite, croyez moi elle aura la même saveur.. Acre...


        • Nemo8 Kakapo 20 mars 2012 14:26

          « ...ça va swinguer dure dans les milieux financiers. »

          - Twist again à Wall Street.


        • nicolas_d nicolas_d 20 mars 2012 15:34

          Mélenchon parle beaucoup de la Grèce...
          Et le problème n’est pas forcément l’euro si les peuples se l’approprient.


        • Rensk Rensk 20 mars 2012 13:44

          Me semble que votre Président est a considérer comme un mufle, un sans éducation, sans savoir vivre...

          Il avait demandé a Mme Angela Merkel de venir en France pendant sa période de candidat... elle y est venue une fois déjà et l’effet ne semblait pas être a la hauteur de l’attente Présidentielle... Il l’a donc simplement « dé-invité » par le chemin brut et con qu’est la radio (Europe 1 n’en peu rien en soi)...

          Or donc ce mec demande directement « en face à face » l’aide de Merkel pour sa campagne électorale... ce qu’elle a acceptée tout en refusant une rencontre avec Hollande... Puis ce malotru la vire en direct a Europe 1 (un vrai affront même en Allemagne)...
          http://www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,821983,00.html


          • Aziel 20 mars 2012 14:05

            Il y a quelque chose qui m’échappe... « La Grèce doit faire défaut si elle veut la démocrate »


            Personnellement j’estime que le défaut serait effectivement le préalable incontournable pour une affirmation de la démocratie en Grèce - que se libèrerait du diktat de la troïka par ce coup de force.

            La phrase choquante n’est elle pas « La Grèce doit payer sa dette si elle veut la démocratie »  ?


            • lagabe 20 mars 2012 14:16

              je commence en avoir par dessus la tête de la Grèce , si ils en sont la , c’est à 80 % de leur faute
              Un très bon reportage sur Arte a cité 2 choses
              - les PME n’ont pas paye ses 10 dernières années ,IS , donc équivalent à 12 milliards d’euros par an
              - trop de crédits , trop de consommations, le crédit servant à consommer
              Finalement , j’arrive pas à les plaindre


              • Roubachoff 20 mars 2012 14:29

                Ne vous lmettez pas martel en tête : si vous avez un jour des malheurs, on ne vous plaindra pas non plus.


              • diogene 20 mars 2012 14:54

                @lagabe

                HAAAA OUI, comme tout cela est simple...
                Vous avez une vraie vision... « le monde selon lagabe » . Que c’est donc beau.
                Il y a les méchants grecs qui n’ont pas payé et maintenant c’est tant pis pour eux, na !

                Bon, on a pigé que dans ce monde selon vous, les grecs sont des fainéants, rois du marché noir, ils fraudent l’impôt, et ont vécu à crédit sur le compte de nous autres, français, allemands etc...
                Bref ils méritent leurs problèmes, et bien fait pour leur gueule.

                Mais est-ce aussi simple que ça ?

                Bon, je ne vais tenter ici un énième cours sur les mécanismes ayant aboutis à cette situation.
                C’est très bien expliqué ici.

                http://blog.toutallantvert.com/2011/10/26/videos/video-comprendre-la-crise-grecque-et-de-la-dette-europeenne-pour-les-nuls-debtocracy-le-docu-censure-par-la-grece/


              • lagabe 20 mars 2012 15:46

                1> je n’ai jamais dit que les grecs étaient des fainéants
                2> quand je parle de l’IS c’est l’impôt sur les sociétés, donc les entreprises les PME

                va sur ce lien http://fortune.fdesouche.com/271631-50-chiffres-incroyables-sur-leconomie-des-etats-unis-en-2011#more-271631, vaut il mieux être américains ou grecs
                 
                ex 2. Approximativement 57% des enfants des USA vivent dans des foyers à « faibles revenus » ou sous le seuil de pauvreté.
                 6. Il y a aujourd’hui moins d’emplois salariés aux USA qu’en 2000, alors que la population a augmenté de 30 millions de personnes.

                je suis depuis plus de 20 ans pour la décroissance


              • Yvance77 20 mars 2012 17:07

                Salut,

                C’est fou ce qu’une belle idée « la construction européenne » peut, sous la coupe réglée d’une poignée d’hommes et de femmes, devenir un enfer sur terre.

                A un moment donné, il va falloir le prendre par les cornes ce taureau financier et, lui faire rendre gorge.


                • Magnon 20 mars 2012 20:56

                  Wolfgang Schäuble, le ministre allemand de l’économie, est bien sympa dans ses déclarations.
                  La solutions du défaut était radicale, dans le style « faites défaut, on va se concentrer sur le sauvetage de nos banques, celles qui vous ont prêté et qui n’auraient pas du ».
                  Maintenant, démerdez vous, démocratiquement, pour vous en sortir !
                  Plus personne ne vous prêtera pour payer vos fonctionnaires et vos retraités à la fin du mois !

                  Sur ces bases, la démocratie est très avenante !

                  C’est pourtant ce que préconise l’auteur de l’article ! Pour la facture, les européens ont décidé que les banques ne récupéreraient que 30% de leur créances, malgré tout la vie continue et le système tient encore à peu près debout !
                  C’est peut être quelque chose qu’il faut empêcher, à l’exemple des spartiates qui enivraient leurs hilotes (les serfs de Sparte) pour ensuite les tourmenter, afin de dégoutter leurs jeunes de l’ébriété !

                  Les grecs, Hilotes du financièrement correct, c’est peut être ce que vous souhaitez.


                  • Annie 20 mars 2012 21:00

                    « Le fait divers s’exprime à leur place ». Est-il besoin d’en dire plus ? Nous récoltons ce qu’ils ont semé.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès