A propos de la réforme Constitutionnelle prévue en 2018

Par cette réforme promise pour l’été 2018, Emmanuel MACRON souhaite notamment la réduction d’un tiers du nombre de parlementaires et l’introduction d’une dose de proportionnelle pour les législatives. Selon lui, celle-ci devrait permettre la représentation de tous les partis politiques à l’Assemblée sans déséquilibrer les majorités… Le périmètre inclut également la suppression de la Cour de justice de la République (qui juge les ministres pour des crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions), la réforme du Conseil supérieur de la magistrature, la fin pour les anciens présidents de la République d’être membres de droit du Conseil constitutionnel, la réforme du Conseil économique et social (CESE) ou encore la mise en place d’un droit à l’expérimentation locale
Toute réforme Constitutionnelle doit être compatible avec le cadre juridique Européen qui prime sur celui des Etats
Contrairement à la plupart des Etats de l’Union Européenne, il n’existe pas de Constitution européenne. Le 18 juin 2004, les 25 chefs d’État et de Gouvernement de l’Union européenne (UE) avaient adopté un traité établissant une « Constitution » pour l’Europe qui fédérait et complétait les différents textes existants (accords, conventions…). Celui-ci, officiellement signé à Rome le 29 octobre 2004, devait ensuite être ratifié par chacun des États signataires pour entrer en vigueur. Mais il a été rejeté par les électeurs français et néerlandais lors des référendums du 29 mai et du 1er juin 2005.
Le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007 et entré en vigueur le 1er décembre 2009, a ensuite modifié le Traité sur l’Union Européenne (TUE) et celui instituant la Communauté Européenne (TCE), rebaptisé Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), mais ne les a pas remplacé. On dit que c’est un « traité modificatif ». L’architecture Européenne continue donc de reposer sur les traités adoptés successivement par les États membres de l’Union (Rome en 1957, Acte unique en 1986, Maastricht en 1992, Amsterdam en 1997, Nice en 2001, Lisbonne en 2007) et non sur un texte unique comme une Constitution. Mais, comme pour l’ensemble des Etats de l’Union, la Constitution Française et le Droit Constitutionnel qui en découle est soumise à la Primauté du droit Européen. Il peut s'appliquer directement aux citoyens européens sans toujours devoir être retranscrit en droit national. Lorsqu’un acte du droit de l’Union appelle des mesures nationales de mise en œuvre, il reste loisible aux autorités et aux juridictions nationales d’appliquer des standards nationaux de protection des droits fondamentaux, pourvu que cette application ne compromette pas le niveau de protection prévu par la Charte des droits Fondamentaux de l’Union Européenne.
Alors que la France ne s’est toujours pas remise de son « non » à la Constitution européenne, les juges, eux, n’ont pas d’états d’âme : l’Union est un fait dont ils tirent chaque jour les conséquences juridiques. Le droit communautaire est supérieur au droit national et même constitutionnel aux yeux des juridictions Européennes. La primauté du droit communautaire implique que les règles et les actes de droit national ne peuvent contredire les règles de droit Européen. En cas de conflit, ce sont ces dernières qui s'appliquent et doivent être respectées. Ce qui signifie qu’une modification de la constitution, doit être conforme à la charte des Droits de l’Union Européenne et plus généralement du dispositif juridique Européen. Par exemple, celles ou ceux qui veulent rétablir la peine de mort doivent savoir que si c’est indigne d’une société civilisée, car on ne répond pas à la barbarie par la barbarie, c’est impossible en regard de son article 2, 2eme alinéa qui est ainsi libellé :
1. Toute personne a droit à la vie.
2. Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté.
Dans le cadre d’un changement de constitution qui donnerait naissance à une nouvelle République, ou même une simple modification, il faut veiller à ce que toutes les nouvelles dispositions Constitutionnelles, tant par rapport aux Droits fondamentaux qu’aux principes d’organisation de l’Etat et de ses rapports avec les citoyens soient compatibles avec le Droit Européen. Dans le cadre des quelques réformes Constitutionnelles suggérées par le Président de la République, il va de soi que ni la charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne, ni les nouveaux rapports d’organisation interne de l’Etat Républicain Français et de ses citoyens ne sont transgressés en regard du Droit Européen et « Bruxelles » ne peut donc s’y opposer.
Dès lors et par rapport à des esprits chagrins, de bonne ou de mauvaise foi qui, pour s’y opposer, notamment en regard du nouveau nombre de parlementaires et du mode de désignation des Députés prétendraient que ce n’est pas possible, à cause le l’Union Européenne et de Bruxelles, ne serait que purement mensonger ... Il convient également de rappeler que malgré le contexte de l’intégration Européenne, bien que l’on puisse noter les limitations inévitables de l’exercice de la souveraineté des État, conformément au principe de subsidiarité, même si cette formule est parfois controversée, elle préserve toutefois une certaine souveraineté des Etats de l’Union Européenne. Comme le précise les différents Traités, elle représente un espace de liberté, de sécurité et de justice, où l’on tient compte de la diversité des traditions et des systèmes juridiques des États membres, où le pouvoir doit être au plus près des citoyens.
Par ailleurs, pas besoin de Réforme Constitutionnelle pour réduire leur nombre ou le mode de désignation des Députés
Concernant le nombre de Députés, dès lors qu’on ne souhaite pas qu’il n’excède 577, ce qui est le cas par la réforme souhaitée, ainsi que pour leur mode de désignation, pas besoin de modifier la Constitution pour changer l’une ou l’autre de ces dispositions. Une simple loi organique suffit, comme indiqué aux articles 24 et 25 de la Constitution actuelle.
ARTICLE 24. « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. Il comprend l'Assemblée nationale et le Sénat.
Les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept, sont élus au suffrage direct ».
ARTICLE 25. « Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République.
Les Français établis hors de France sont représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat. Une loi organique fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres, leur indemnité, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités ».
Faut-il réellement introduire de la proportionnelle dans le mode de désignation des Députés ?
C'était une des conditions posées par François Bayrou pour son alliance avec Emmanuel MACRON. Le nouveau Président s'est très tôt engagé à instaurer une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin législatif actuel, uninominal majoritaire à deux tours. Une promesse faite avant lui par Nicolas SARKOZY et François HOLLANDE, mais qui n'avait pas été tenue. Devant le Parlement, début Juillet 2017, Emmanuel MACRON avait confirmé cet engagement en déclarant : … »Je crois à la vertu du pluralisme. La représentativité reste un combat inachevé. Je proposerai que le Parlement soit élu avec une dose de proportionnelle pour que toutes les sensibilités y soient représentées »… avait déclaré le chef de l'Etat début Juillet 2017.
Instaurer une dose de proportionnelle pour la désignation des Députés, cela signifie mettre en place la proportionnelle pour l'élection de certains députés, mais pas des élus dans leur ensemble. Reste à savoir combien de députés seront concernés, pour déterminer l'impact que pourrait avoir ce changement ?... On peut penser que cela ne concernerait que les Métropoles urbaines (Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux…)
Instaurer, ne serait-ce qu’une modeste dose de proportionnelle, n’est-ce ouvrir une boite à Pandore rappelant les avatars de la 4ème République ?... Une autre formule pour permettre aux minorités d’être représentées à l’assemblée Nationale, ce qui est une revendication légitime en Démocratie, ne serait-elle pas possible. ?
Après avoir réduit le nombre de Députés, pourquoi ne pas maintenir en totalité le scrutin de circonscription territoriale, uninominal à deux tours avec l’introduction d’un « correctif » pour que les minorités politiques soient représentées, comment le définir ?
En 1989, dans le cadre de discussions internes au sein des Verts, où l’on posait le problème de la représentation des minorités politiques à l’Assemblée Nationale, j’avais proposé une réforme permettant la représentation des minorités politiques (reprise par certains médias locaux) tout en conservant le mode de scrutin uninominal de circonscription territoriale à deux tours qui garantit une certaine stabilité politique et qui se traduisait de la manière suivante : A l’issue du premier tour de scrutin des élections législatives au scrutin uninominal, tous les partis, ou groupements de candidats, qui avaient agréé 175 candidats et obtenu au premier tour, entre 375 000 et 500 000 voix se verraient attribuer 2 sièges de Députés, plus un par fraction complète de 250 000 voix. Afin de ne pas sur représenter les formations politiques, petites ou grandes, les partis, ou groupements de candidats qui auraient obtenus des Députés au suffrage universel direct, soit en leur nom propre, soit par le jeu des apparentements, leur nombre serait déduit de celui du « correctif » éventuel auquel ils auraient droit. (Ces chiffres n’étaient qu’une proposition, servant de base de discussion pour un débat qui reste ouvert).
Selon ces paramètres, quelques exemples sur la base des résultats obtenus au 1er tour des législatives de 2017 :
La République en Marche et apparentés avec 7 323 496 voix aurait droit à un correctif de 30 Députés. Mais avec 359 élus au scrutin du second tour elle ne bénéficierait d’aucun siège au « correctif ».
Le FN et apparentés avec 2 990 592 voix aurait droit à un correctif de 11 Députés. Mais en ayant obtenu 9 élus au scrutin du second tour, ce parti gagnerait 2 sièges grâce au « correctif.
EELV et écologistes apparentés avec 973 739 voix aurait droit à un correctif de 3 sièges. N’ayant obtenu aucun Député à l’issue du second tour, ce parti serait donc présent à l’Assemblée Nationale par 3 représentants.
Par contre le PC qui a aujourd’hui 10 Députés pour 615 503 obtenues au premier tour n’aurait droit qu’à 2 Députés au « correctif » à l’issue du second tour, il ne pourrait donc bénéficier du « correctif ». Idem pour LR et UDI, la France Insoumise, ainsi que des petits partis qui, faute de se regrouper éventuellement, ne pourraient remplir les conditions
Comme on peut le constater, même si l’on modifie les paramètres pour augmenter le nombre de sièges au « correctif », afin de permettre à des sensibilités politiques aujourd’hui non ou sous représentées à l’Assemblée Nationale, cette formule ne déstabiliserait pas ni n’alourdirait la représentation Nationale. Dans l’exemple des paramètres retenus, cela fait 5 sièges seulement de Députés désignés par le « correctif »
Ce système suppose, comme le précise par ailleurs le Président de la République, que le nombre actuel de Députés soit réduit, de manière à y intégrer ceux élus grâce au « correctif » afin le nombre total de ne puisse excéder le nombre de Députés après la réduction souhaitée par le Président … Contrairement au découpage actuel des circonscriptions qui sont faites au niveau Départemental, ce qui n’est pas très logique pour un scrutin national, le découpage des circonscriptions devrait se faire dans le cadre d’un schéma National, ce qui signifie qu’une circonscription électorale pour l’élection des députés pourrait se situer sur plusieurs Départements…
Par ailleurs, le président de la République souhaite limiter le cumul des mandats dans le temps pour les parlementaires. Il évoquait jusque-là l'interdiction de dépasser trois mandats successifs identiques. Un autre moyen de favoriser selon lui pluralisme et représentativité, ce qui est une bonne chose. Mais pourquoi ne pas élargir cette réforme Constitutionnelle à la suppression du Sénat, cette chambre du 19 ème siècle, dont l’utilité est pour le moins controversée ?...
Supprimer le système « Bicaméral » ne poserait aucun problème législatif
Promulguée le 4 octobre 1958, la constitution de la Ve République confère au Sénat un rôle éminent dans les institutions. L'universitaire constitutionnaliste et ancien sénateur (1959 - 1971) Marcel PRELOT (1898 - 1972) n'hésitait, d'ailleurs pas, à parler de « République sénatoriale ». Le président du Sénat devient le deuxième personnage de l'Etat et assure l'intérim de la présidence de la République.
La France n’a, par ailleurs, plus besoin d’un système Bicaméral. On peut noter que 75% des lois sont dictées par l’Europe, ce qui signifie qu’en France, la suppression du Sénat ne poserait aucun problème sur le plan législatif. D’autant que dans le cadre des navettes entre l’Assemblée nationale et le Sénat pour l’adoption de projets ou propositions de loi, en cas de désaccord, c’est l’Assemblée Nationale qui seule décide de l’application ou non de la loi. En cas de désaccord prolongé sur un texte, le gouvernement peut confier aux députés le soin de trancher. Quant à la responsabilité du gouvernement devant la Haute Assemblée, la Constitution prévoit simplement que « le Premier ministre a la faculté de demander au Sénat l'approbation d'une déclaration de politique générale ».
Le Sénat, Cette assemblée du 19° siècle est désormais obsolète. Déjà En 1969, le Général de Gaulle avait soumis à référendum un double projet de réforme des régions et du Sénat. Outre les collectivités territoriales qui éliraient cent soixante-treize sénateurs, le Sénat représenterait désormais l'activité sociale, économique et culturelle du pays, avec cent quarante-six sénateurs désignés. Mais surtout, le projet aurait ôté toute attribution législative et tout droit de contrôle du gouvernement par le Sénat, il en aurait fait une simple Chambre consultative. De plus, il aurait retiré au président du Sénat, au profit du Premier ministre, l'intérim de la présidence de la République.
L'opposition est très vive chez les élus locaux comme au Sénat, où le nouveau président, Alain Poher, prend la tête du combat pour le « non » au référendum. Les résultats de la consultation d'avril 1969 lui donne raison : par 52,41% des suffrages exprimés, les réformes proposées sont rejetées
46 ans plus tard, en 2015 Claude BARTOLONNE alors président de l’Assemblée Nationale se dit favorable à sa suppression et reprend la proposition du Général de Gaulle de fusionner le Sénat avec le Conseil économique et Social… Une assemblée consultative avec des citoyens désignés, ce qui est le cas du Conseil économique et social, avec des citoyens élus, le fussent-ils indirectement ne semble pas très rationnel. Supprimer le système « bicaméral », en renforçant la démocratie parlementaire de l’Assemblée Nationale, implique une suppression pure et simple du Sénat.
A noter qu’un sénateur coûte près d'un million d'euros aux contribuables, ce qui revient à 350 millions d'euros par an pour le budget du Sénat qui gère par ailleurs une réserve de 1, 5 milliard d'euros. Près de 90 % des dépenses du Sénat consistent en des dépenses de personnel : indemnités parlementaires des 348 sénateurs, plus traitements et primes de leurs collaborateurs (cinq maximum), pour lesquels chacun dispose d’une enveloppe 7548,10 euros. Pour rompre avec l’opacité qui faisait partie des usages de cette assemblée, en 2013, pour la première fois, les comptes ont été certifiés par la Cour des comptes. « Mais cela ne veut pas dire que le Sénat est bien géré, simplement qu’il respecte les règles comptables » fait observer l’un des magistrats de la Cour.
Aujourd’hui, il faut prendre acte que la majorité de la population semble favorable à la suppression du Sénat, un référendum dans ce sens pour le confirmer serait d’ailleurs souhaitable.
Alors que la France se veut le fer de lance contre le réchauffement climatique, Pourquoi ne pas profiter également de cette réforme pour améliorer la charte de l’environnement ?
Si la recherche et l'innovation doivent apporter leur concours aux économies drastiques d’économie d’énergie, à la préservation de l’environnement et à la lutte contre les rejets de gaz à effet de serre qui altèrent dangereusement le climat, n’eut-il pas été également souhaitable que par cette réforme l’on procède à un « toilettage » de la Charte de l’Environnement, de manière à inscrire certains principes dans le marbre Constitutionnel qui sont aujourd’hui absents du texte. Notamment, en indiquant dans son introduction que, depuis deux siècles, nous sommes en train de nous extraire de l’Holocène, une période interglaciaire commencée il y a plus de 10 000 ans et qui a fourni des conditions environnementales extrêmement stables, permettant le développement mondial que nous connaissons alors que désormais l’influence de l’homme atteint une ampleur, telle qu’elle a ouvert l’avènement d’une nouvelle ère géologique : l’Anthropocène, où l’humanité constitue une force planétaire géologique pouvant produire les pires effets. Ou encore que Breveter le vivant, revient à privatiser des découvertes réalisées dans le domaine de la botanique, de la génétique … Avec pour conséquences prévisibles l’extension des cultures transgéniques, la spoliation des savoirs indigènes, la contrainte pour les agriculteurs de la planète de racheter des semences auparavant obtenues gratuitement, la négation du principe de précaution au plan de l‘environnement et au plan sanitaire, et le contrôle de la recherche publique par les firmes privées. Il conviendrait également de fixer dans le marbre Constitutionnel que la notion de MENAGEMENT du territoire doit prévaloir sur la notion d’aménagement du territoire. Mais aussi que l’économie et le progrès social ne peut se concevoir avec une croissance démographique constante, qu’il est donc urgent de maîtriser et stopper par des politiques spécifiques qui ne sauraient encourager, sous quelque forme que ce soit, la natalité et dont il faut, sur le plan pédagogique, ne cesser de démontrer les effets néfastes dus au problèmes de surpopulation.
Pour conclure
La Ve République en s’accordant de temps à autres quelques toilettages s’accroche à son parcours de vie. Mais pour combien de temps encore ? N’y a-t-il pas une contradiction entre la réalité d’un monde nouveau où l’on doit faire face à des problématiques démographiques, énergétiques, culturelles, environnementales, économiques et sociétales bien différentes du temps où cette constitution vit le jour ? Au-delà de simples réformes très partielles, ne serait-il pas venu le temps d’une vrai « reconstitutionnalisation » pour moraliser en profondeur la vie publique, repenser totalement la démocratie , mais aussi penser écologie dans sa globalité Scientifique et politique ?…
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