A propos de Nice
Le récent attentat de Nice a choqué la France en plein cœur de l’été. Quelques éléments de réponses aux nombreuses questions qu’il soulève.
Une nouvelle fois, la mort a frappé massivement, aveuglément, à Nice, un soir de fête nationale. Un soir de liesse estivale où chacun voulait croire à un peu d’unité et de paix, l’esprit bercé par la douceur de la mer, telle qu’on peut l’observer de la Promenade des Anglais. Elle a frappé par la volonté infernale d’un homme qui espérait ainsi gagner sa place au paradis : le fou !
Cet homme-là, nous ne le nommerons pas dans les lignes qui suivent. Parce que son acte est innommable. Parce qu’on n’a que trop parlé de lui, même post-mortem, depuis huit jours. Nous pensons, avec le psychanalyste Fethi Benslama, que les noms de ces assassins, djihadistes autoproclamés, ne devraient pas être révélés au grand public. Nous pensons que les médias, au motif de nous informer, façonnent leur trouble réputation, ce qui est exactement l’effet recherché avec leurs crimes abominables. C’est ce que désirait l’ignoble individu qui a lancé son camion sur une foule paisible, ce 14 juillet. C’est ce que souhaitait le pilote suicidaire de la Germanwings, l’an dernier. C’est ce à quoi rêvait aussi le militant d’extrême-droite, auteur de la tuerie d’Oslo en 2012. Mais quid du nom et de l’histoire de leurs victimes ? Car ce sont plutôt elles qu’il faudrait mettre en avant et faire entrer, même par la petite porte, dans la mémoire collective. Est-ce que leurs bourreaux auraient agi ainsi s’ils avaient eu la certitude d’être voués à l’anonymat et à l’oubli rapide ? Peut-être pas.
Qui trouvons-nous dans cette nouvelle typologie de terroristes qui prend forme, sous nos yeux ébahis, depuis mars 2012 ? Des délinquants, des violents, des dépressifs, des mégalos, mais jamais une personnalité vraiment investie dans une quête religieuse ou mystique. Forcément, ces esprits débiles sont du pain bénit pour une organisation criminelle qui mise sur la crédulité d’une certaine jeunesse pour étendre, à n’importe quel prix, sa volonté de puissance. S’ils étaient un peu plus formés, comment pourraient-ils gober les inepties que de pseudos imams véhiculent dans leurs sermons ? Comment pourraient-ils croire un instant que tous ceux qui ne sont pas nés musulmans ou qui ne pensent pas comme eux sont des infidèles, comme ils se plaisent à les désigner ? Mais quand la haine, la colère et la frustration envahissent l’esprit d’un homme, il ne lui est pas facile d’entendre la voix de la raison. La suprême ruse de Daesh a été de suspendre l’interdit du meurtre - commun à toutes les religions – et de le ré-associer au sacré dans une perspective de rédemption ultime. Voilà comment il justifie les pulsions les plus violentes et les plus cruelles de ses affidés. Sans cette inversion satanique des valeurs et ce crédit donné à leur imagination destructrice, ces terroristes d’un soir n’auraient sans doute jamais passé à l’acte, quitte à retourner leur violence contre eux-mêmes. Ce renversement de paradigme moral est un point essentiel sur lequel nous devons tous réfléchir.
Reste le problème de la sécurité qui n’en finit pas de faire débat depuis une semaine. Comment prévenir des actions aussi fulgurantes, dont le modus opérandi est susceptible de varier d’un attentat à l’autre ? Paradoxalement Nice est la ville la plus surveillée de France, avec 1257 caméras vidéo disposées un peu partout. Mais les agents qui les contrôlent sont loin d’être aussi nombreux ; leur efficacité dépend de l’action d’autres intervenants sur le terrain ; d’autre part, comme chacun de nous, leur vigilance n’est pas toujours maximale. Le tueur, qui effectuait des repérages quelques jours avant son attaque, a pourtant été filmé à plusieurs reprises au volant de son 19 tonnes. Comment a-t’il pu s’engager sur une avenue qui est interdite aux véhicules de plus de 3,5 tonnes est une autre question qui n’a pas fini d’être évoquée ? L’enquête diligentée par le ministre de l’Intérieur prouvera certainement qu’il y a eu des failles dans le dispositif de sécurité, à commencer par le nombre insuffisant de policiers pour une telle manifestation. Depuis novembre dernier nous vivons sous l’état d’urgence et celui-ci va être étendu aux six prochains mois. Mais l’état d’urgence n’est pas la panacée universelle contre le terrorisme. Sans la formation sine die d’un personnel vraiment qualifié pour cette lutte spécifique, ce ne sera qu’un effet d’annonce à vocation lénifiante. Aucun gouvernement, qu’il soit de Gauche ou de Droite, ne peut désormais faire l’économie d’un tel investissement.
Jacques LUCCHESI
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON