A propos du coaching en entreprise
Une interview de Dominique Lecoq, coach et psychanalyste, maître de conférence au Conservatoire national des arts et métiers, où il enseigne la formation, la médiation et le coaching dans un cursus qui rencontre un véritable succès : il commence le 17 mars un séminaire ouvert à tous, qui se tiendra dans le cadre de l’Association Coaching & CNAM. Contacter l’auteur de cet article pour toute information.
Pourquoi le coaching ?
Parce que dans le travail, les gens se trouvent dans des situations qu’ils ne peuvent pas analyser. Dans une situation nouvelle, à l’occasion d’un changement, telle qualité devient un défaut (au sens de manque). On est toujours en retard d’une guerre ! Comme par ailleurs le travail est rare et que chacun tend à avoir un niveau de responsabilité considérable, on doit travailler au niveau du sujet humain, en prenant en compte sa complexité.
Les entreprises aujourd’hui aiment mesurer les bénéfices de leurs actions. Peut-on évaluer le coaching ?
Regardez le temps que l’on a mis pour intégrer des critères environnementaux dans l’activité économique des entreprises. Il a fallu pour cela que les préoccupations écologiques nous fassent toucher du doigt la nécessité de tenir compte des ressources naturelles. Il en est de même pour le coaching et le travail de formation. Les entreprises ont a élaborer des critères sur ce qui fait dysfonctionnement dans le travail, sur la qualité de la relation. C’est particulièrement nécessaire avec le travail en réseau, qui distend les liens entre les personnes. Le coaching permet de travailler ces questions, sans apporter de réponses générales. Il y a donc de nouveaux critères à inventer.
Des critères portant sur la qualité de la relation ?
Oui. Car, entre personnes ayant des intérêts et des logiques différents dans l’entreprise, il est finalement normal de... ne pas s’entendre ! Or l’efficacité de l’organisation dépend de la qualité de l’échange entre les personnes. Le coaching est un dispositif qui permet de trouver des réponses singulières dans cette situation.
Est-ce que le coaching n’est pas au fond un moyen de dépasser la gestion des ressources humaines sur le seul plan de la réussite ou de l’échec des personnes ?
Il y a quelques années, IBM avait mis en place un système de notation de la performance, avec, au bout, une élimination programmée des "moins performants". Cela voudrait dire que l’activité travail n’a de valeur que du côté de la performance, et aucun caractère social. C’est aberrant. Un échec avec un client, ou sur un projet, n’est pas nécessairement un échec de la performance de l’entreprise.
On dit que le coaching est rendu nécessaire par l’incertitude, la complexité actuelle. Un sujet humain ne porte pas à lui seul la performance. Il est évidemment pris dans cette complexité. C’est scandaleux de reconnaître la complexité de l’économie, et de dire que pour le sujet, il n’y aurait que de la simplicité...
C’est une attaque contre les approches comportementalistes ?
Bien sûr. On ne peut pas rester sur du descriptif des comportements humains. Sinon, cela renvoirait au fait que le sujet est, en définitif, coupable. Quelqu’un qui échoue sur un projet peut apporter beaucoup à l’entreprise, à condition d’en faire une analyse convenable, ce qui va permettre le partage avec d’autres dans le processus de travail. C’est pour cela que le coaching ne relève pas de l’individualisme mais de l’échange avec les autres.
On constate une certaine confusion des DRH et dirigeants face au coaching, ils sont confrontés à des offres très différentes qui se présentent toutes sous cette domination. Qu’en pensez-vous ?
La connaissance que les personnes des RH ont du coaching vient pour l’essentiel de la littérature professionnelle, très marquée par les approches anglo-saxonnes. Le coach y apparaît souvent comme un spécialiste du secteur d’activité, qui vient servir de béquille auprès de quelqu’un de défaillant.
Or, ce que le coach sait faire, c’est conduire un coaching. Il n’a pas à connaître le secteur d’activité de la personne coachée. Il n’apporte pas une réponse technique, liée à l’activité en tant que telle, mais s’exprime sur la position des acteurs dans l’activité. S’il y a quelque chose qui fait problème, ce n’est pas qu’ils sont défaillants, qu’ils sont en faute, c’est que devant une situation relationnelle, une évolution de l’environnement professionnel, ils se trouvent dans une difficulté à analyser.
Les prescripteurs demandent souvent : Quels sont selon vous les critères à retenir pour le choix d’un coach ?
Je trouve bien que les DRH prennent le temps de rencontrer des coachs pour établir une liste de personnes agréées. Si une demande de coaching apparaît dans l’entreprise, elle peut être traitée par un des coachs retenus.
"Coaching" est un signifiant vide, qui veut tout ou rien dire - ce qui revient au même. Tant que vous ne m’avez pas dit ce que vous faites en tant que coach, je ne sais pas ce que vous appelez coaching. Un coach est aussi un sujet. Il faut lui demander sur quel objet il travaille, et non pas quelle est sa méthode. Il n’y a pas de méthode truc pour résoudre les problèmes de TOC ! C’est du pipeau. Ce que nous avons mis en place au CNAM, c’est un dispositif dans lequel le sujet se met au travail. On ne peut donc pas garantir des résultats. Mais depuis 15 ans, on ne nous a jamais dit que cela ne servait à rien. Et les entreprises reviennent nous voir.
Il me semble que le coaching est bien une formation. Pourquoi le coaching n’est-il pas reconnu comme une formation par la DDTEFP (Direction de l’emploi et de la formation professionnelle) ?
C’est parce qu’en tant que coachs, nous ne pouvons définir à l’avance un programme de formation ! Quand Binet a construit son test d’intelligence, on lui a demandé ce qu’était l’intelligence. Il a répondu : c’est ce que mesure mon test...
Ce qu’on nous dit, c’est : "Nous avons défini des critères pour les formations, le coaching ne rentrant pas dans nos critères, ce n’est pas de la formation. CQFD...
Or, précisément, nous devons faire entendre que le coaching est le mode de formation qui correspond le mieux à la nature actuelle du travail. Le DIF, par exemple, apparaît tout à fait adapté au coaching. Nous ne devons pas nous satisfaire de la situation actuelle.
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