A quand une vraie politique du handicap ?
Pour paraphraser une tirade de François Hollande devenue célèbre, Moi, jeune homme handicapé, je vais vous exposer les points à améliorer en faveur de l'insertion dans la société des personnes en situation de handicap.
L'arrivée de François Hollande au pouvoir, en mai dernier, avait laissé entrevoir une avancée en matière de politique du handicap, avec la nomination de Marie-Arlette Carlotti au poste de Ministre chargée des Personnes Handicapées. 9 mois plus tard, aucune mesure n'a été prise.
Pourtant, le chantier est si immense qu'un quinquennat ne suffit pas à régler tous les problèmes. Alors, cette inaction ministérielle se révèle aussi inquiétante que préjudiciable pour tous ceux et celles qui sont en situation de handicap.
Il existe trois domaines principaux pour lesquels il faudrait que Mme Carlotti et ses collègues ministres agissent : l'éducation, l'emploi et l'autonomie.
Scolarité des enfants et étudiants handicapés : un parcours du combattant
Selon les chiffres officiels du Ministère de l'Education Nationale disponibles, ce sont 210 400 jeunes handicapés qui ont été scolarisés à la rentrée 2011. 66 800 d'entre eux ont été accompagnés par des Auxiliaire de Vie Scolaire (AVS). Et les autres ? Certains n'en ont pas besoin, d'autres n'ont pas la chance d'en pouvoir bénéficier.
Pourquoi ? 2 raisons expliquent ce manque d'AVS, car il faut effectivement parler d'un manque. D'une part, le salaire assez minime versé aux AVS (environ 1000€ / mois) au vue des tâches qui leurs sont demandées (prise de note, déplacements interclasses, prise de repas, aide aux toilettes). Le pire étant leur non-formation avant la rentrée scolaire. De ce fait, certains arrivent le premier jour sans même connaître le handicap de leur élève et donc du comportement à adopter. Pourtant, on n'accompagne pas de la même façon un élève autiste qu'un aveugle ou encore un Infirme Moteur Cérébral (IMC). Heuresement, ils bénéficient de journées de formation pendant l'année.
D'autre part, les contrats d'AVS sont renouvables que 5 fois, c'est-à-dire qu'un AVS ne peut l'être que pendant 6 ans. Cela explique la pénurie, car impossible de vouloir faire carrière dans ce métier pourtant noble.
Les étudiants handicapés sont quasiment condamnés à rester à BAC 0. Certes, reconnaissons que peu d'entre eux parviennent à atteindre ce niveau, du fait de la difficulté à progresser scolaire, soit pour des problèmes de santé récurrents, soit pour des déficiences intellectuelles liées à leurs pathologies.
Mais pour les 11 000 étudiants handicapés, l'aventure est parfois semée d'obstacles. Par exempe, comprenez-vous qu'il n'existe pas d'Auxiliaire de Vie Universitaire dans certaines facs ou grandes écoles ? Etant donné le nombre restreint d'étudiants handicapés, les pouvoirs publics ne sont pas prompts à agir dans ce sens. Alors, ils se débrouillent comme ils peuvent. Certains sont accompagnés par l'un des deux parents, d'autres font appel au volontariat des étudiants valides. Il existe des étudiants qui financent sur les deniers de leurs parents des AVS. Mais ce n'est pas donné à tout le monde de procéder ainsi. A l'initiative d'écoles qui sont prêtes à jouer le jeu, un AVS peut être financer, en lien ou non avec la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handiicapées). Cette solution reste toutefois marginales, hélas...
Les études coûtent chères pour un valide mais elles coûtent encore plus pour une personne handicapée. En effet, aux frais communs des études (scolarité, logement, frais quotidien) s'ajoute ceux liés au handicap, tels que les aides humaines pour la vie en dehors des cours (si l'étudiant handicapé est apte à vivre seul en appartement) dont le coût mensuel peut avoisiner 1000€. Quand on sait que l'Allocation Adulte Handicapé s'élève à 743,62€, à laquelle peut s'ajouter la Prestation de compensation du Handicap (PCH), les possibilités d'effectuer des études supérieurs ne sont pas les mêmes pour ces étudiants, selon leurs conditions. Ajuster l'AAH à hauteur du SMIC est donc indispensable.
L'emploi : 6% ou une amende ?
Selon les chiffres de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph), on dénombre 322 300 travailleurs handicapés en mai 2012. La loi handicap de février 2005, établissant de nobles objectifs en matière de handicap, définit le taux légal de 6% de salariés handicapés pour les entreprises de 20 salariés et plus. Aussi, avec la conjoncture actuelle, nombre d'entreprises préfèrent payer des amendes à l'agefiph.
Quelles sont les solutions pour favoriser ces emplois ? En premier lieu, il n'est plus que nécessaire de mieux parler du handicap (voir mon prochain article "Pourquoi le handicap fait-il peur ? Chronique des limites d’Intouchables"). Le handicap, en France, est encore tabou, c''est une réalité. Ce qui freine, et on peut les comprendre, les chefs d'entreprises à embaucher des handicapés, c'est tous les aménagements flous à mettre en place pour faciliter le travail de ces salariés. Par exemple, une personne handicapée peut avoir besoin d'une aide humaine sur le temps du repas. Et ces réalités particulières peuvent être mal appréhendées par les employeurs par manque d'informations. C'est donc aux associations concernées, telles que l'Agefiph ou l'Association des Paralysés de France (APF) de communiquer plus efficacement sur ces questions très concrètes aux réponses parfois plus simples que l'on ne pense. Car cessons de croire qu'aucune personne handicapée ne peut pas être une ressource pour notre économie, et plus largement notre société. Cela dépend à la fois du type de pathologie du salarié concerné. Les adaptations à apporter varieront selon ce critère. Elles doivent se faire en concertation avec l'entreprise, l'employé bénéficiant de ces adaptations et un organisme reconnu par la MDPH.
La seconde proposition est économique. Pour stimuler l'emploi des personnes handicapées, il faut nécessairement le rendre attractif, de surcroît en ces temps de crise économique, par des réductions de charges sociales sur ces emplois. Cela peut paraître hypocrite, d'un point de vue humain, d'employer un individu handicapé pour ces réductions nécessaires mais elles paraissent inévitables, surtout que le taux de chômage de cette catégorie atteint 20% quand la moyenne nationale tourne autour de 10%.
Par delà les richesses économiques que ces employés pourraient générer, il serait intéressant d'évaluer l'impact social de cet apport. Cela changerait inévitablement le regard de la société sur le handicap car celui ne serait plus caché, comme il fût un temps, mais intégré socialement au même titre que les différences de culture ou de religion. On reconnaîtrait ainsi qu'un salarié invalide peut apporter, en rapport avec ses capacités, à la société et ne serait plus exclusivement qu'un "coût" pour la collectivité.
Cela est sans nul doute utopique mais il me semble important pour chacun de tendre vers cela.
L'accessibilité des lieux publics : vers plus d'autonomie ?
Je n'ai aucune faculté de voyance mais je peux affirmer, d'ores et déjà, que l'accessibilité des lieux publics, prévue par la loi handicap de 2005, ne sera pas atteint au 1er janvier 2015. Je suis pragmatique, voilà tout. Avant de dénoncer la non-réalisation de cet objectif, posons la question du bien-fondé de celui-ci, car c'est de cela avant tout dont il s'agit.
La France, telle qu'on l'a connaît, avec son patrimoine riche, peut être rendu accessible en 10 ans, de 2005 à 2015, sans que celle-ci ne se ruine ? La réponse est évidemment non.
Prenons seulement Paris, les travaux de mise aux normes que suppose la loi sont déjà si colossaux que cela nécessiterait au moins 10 ans. En effet, entre les phases d'expertise de faisabilité, de budgetisation et de réalisation des travaux, il peut s'écouler plusieurs années. De plus, il faudrait sans aucun doute formuler des demandes de dérogation auprès de l'UNESCO et des organismes similaires pour des patrimoines classés, sans compter sur ceux qui ne peuvent être tout simplement pas adapté du fait de leur achictecture spécifique. Pas si simple...
Ce constat étant fait, que fait-on ? Ne rien faire ne serait pas la solution. Alors, il s'agit d'être pragmatique en se demandant quels sont les lieux publics à adapter prioritairement. Chacun peut avoir son avis, le mien est de s'occuper des établissements scolaires et des commerces de proximité, premiers lieux de rencontres sociales. Certes, la réalisation de rampes d'accessibilité ou d'ascenseurs, lorsque cela est possible, représente un coût non négligeable et dont la rentabilité est nulle d'un point de vue économique. On pourra constester l'évocation de cet aspect économique, contraire aux valeurs éthiques de reconnaissance d'une différence qu'insinue le handicap. Je partage donc cette idée que les aspects humains dans leurs ensembles doivent primer sur ceux purement économiques, surtout en matière de handicap. Il ne faut toutefois pas occulter ces données économiques, sans quoi on s'écarte de la volonté d'être réalisme évoqué plus haut. Pour conclure sur ces questions de financement, une solution serait de partager les coûts entre les différentes institutions, à savoir l'Union Européenne, l'Etat, les conseils régionaux et généraux, les communes et enfin les associations concernées.
En dépit de ces problèmes d'ordre économique, il est assurément fondamental de prendre conscience que l'accessibilité est bénéfique seulement pour les personnes handicapés. N'y a-t-il qu'eux qui utilisent ces rampes, ces ascenseurs ? En réflléchissant, on s'aperçoit que cela est utile pour les personnes âgées, les femmes enceintes, les bébés en poussette, les personnes en surpoids. Ainsi, ces travaux d'accessibilité ne sont pas réalisés exclusivement pour une catégorie de personnes mais pour un ensemble de personnes, qui à un moment de leur vie, peut avoir besoins de ces accès aménagés. En citant volontairement les personnes âgées, j'appuye le fait que tout le monde est susceptible d'être concerné par cette question et mériterait par conséquent qu'on s'y intéresse davantage.
Ce qui rend complexe l'accessibilité de la société réside dans le fait que celle-ci peut prendre plusieurs formes selon le type de handicap. Car jusqu'ici a été évoqué l'accessibilité physique des liieux mais il serait très réducteur d'aborder que cet aspect en délaissant les autres. Prenons l'exemple d'un établissement scolaire qui, idéalement, devrait pouvoir accueuillir tout type de handicap, du tétraplégique au mal-entendant, de l'aveugle à l'IMC. De ce fait, chaque aménagement doit correspondre au handicap. Un aveugle aura besoin d'outils utilisant le langage Braille, tandis qu'un ordinateur adapté sera nécessaire pour un IMC. On comprend ainsi aisément que la diversité des pathologies rend compliquée la réalisation de cette accessibilité favorisant l'insertion dans la société. C'est un sujet si riche, complexe et passionnant que cela mériterait un article à lui-seul.
Ayant conscience que cette article n'est pas aussi complet que nécéssiterait ce sujet de société, mon simple souhait est d'apporter ma pierre à l'édifice, mon regard en tant que jeune homme handicapé dans la société, basée sur mon expérience personnelle. J'espère que vous, lecteurs, diffuserez cet article très largement car, même si vous n'approuvez pas tout cet article, je suis convaincu que plus on osera parler du handicap, plus les tabous tomberont, les craintes s'atténueront, les possibilités fleuriront.
NB : Les idées formulées dans cet article ne reflétent en rien, notamment en terme d'emplois les pratiques actuelles mais ne sont que des propositions qui n'engagent que moi.
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