A qui profite le rire ?
Deux mois et quelques attentats après le 11 janvier (one-eleven), une simple réflexion m'est venue à l'esprit entre deux flots d'infos (ou un faux) mainstream nous montrant sous toutes les coutures l'horrible épouvantail politique qui fait si peur aux chefs d'Etat responsables. La peur médiatique ne date pas d'aujourd'hui, le regretté Gicquel ne nous contredirait pas sur ce point. La peur comme le rire sont d'indémodables fonds de commerce... Or, le 11 janvier (one-eleven) nous offre un savant cocktail de ces deux constituants élémentaires de l'existence. Faut-il avoir peur de notre rire ou rire de notre peur ? BHL, si tu me lis : réponds-moi !
A qui profite le rire ?
Ils étaient plusieurs à être nombreux, les Charlie de toute la France, et même d'ailleurs. Tellement nombreux que la police n'a pas discuté le chiffre de la participation que les manifestants n'ont pas avancé. L'Intérieur ne savait plus compter. Débordé.
On vit parfois de drôles de moments, comme ça, sur le coup de l'émotion. Quand des brutes sous-éduquées, au parcours de caricatures de mal-aimés plutôt que de Mahomet, réalisent enfin le fantasme qu'une haine vite mûrie et bien manipulée leur proposait : faire un carnage, pour l'exemple. Pour que les autres comprennent bien que l'humiliation a un prix, fût-il exorbitant.
Soudain, il est question de liberté de la presse, de liberté d'expression, voire de liberté tout court, menacée... un pays tout entier se retrouve au bord d'un péril national, non : universel.
Certes... Mais que faire devant une unanimité aussi indiscutable ? Que faire quand on aimait Cabu mais qu'on n'achetait plus ce journal depuis longtemps, en raison d'une ligne éditoriale dérivant vers la complaisance libérale et la vision atlantiste ? Que faire devant l'unanimité des médias mainstream à défendre les voix de la subversion satirique quand ces mêmes médias consacrent tous leurs moyens à soutenir une seule vision de la réalité socio-économique, à ne décrire qu'un monde unidimensionnel (celui de la bien-aimée TINA), et ne parviennent même pas à dénoncer un coup d'Etat en Ukraine et des crimes contre l'humanité à Gaza ?
Non. Le Charlie de Choron, Cavanna, Gébé, Siné, Gourio, ce n'était pas un journal prêt à accepter l'unanimisme et l'hommage cynique d'une brochette de chefs d'Etat dont la plupart figureraient sans déshonneur au Tribunal International de La Haye, ou pour le moins à la Correctionnelle, en tout cas celle de l'Histoire, celle de la Justice leur étant épargnée avec constance.
On eût aimé une telle mobilisation à Oslo contre le monstrueux Breivik... Il ne défendait, il est vrai, qu'une vision caricaturale de l'Occident crétin. Ou un témoignage massif pour les dizaines de milliers de victimes civiles de la guerre de Libye, pauvre peuple aujourd'hui livré au chaos, aux compagnies pétroleuses et aux milices djihadistes, voire aux trafiquants de migrants à noyer dans l'oubli de la liberté ?... Non : c'était avant tout une vision humaniste de BHL, l'homme qui n'a peur que des tartes à la crème.
Il n'empêche. Il y a des surlendemains d'attentats où le rire a un arrière-goût de je-ne-sais-quoi...
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