A quoi sert le PIB ?
Mais qu’est-ce donc que ce fameux PIB qui est reconnu comme seul indicateur de la croissance aussi bien par les croissancistes que par les décroissancistes ? Il peut se calculer selon trois méthodes, qui devraient, théoriquement, chacune donner le même résultat :
1ère méthode : le calcul par les dépenses, soit
- + Dépenses de consommation
- + Dépenses gouvernementales
- + Investissements privés et publics
- + Exportations
- - Importations
En premier lieu, il faut additionner toutes les dépenses de consommation des personnes dans une région. Ce calcul inclut les biens de base, comme l’alimentation par exemple, les biens à plus long terme comme les meubles, et les services reçus, comme les honoraires d’un avocat par exemple. Les dépenses de consommation pèsent le plus lourd dans l’équation du PIB.
Puis, il faut ajouter les dépenses du gouvernement telles que les salaires des fonctionnaires, les dépenses pour maintenir les infrastructures publiques (routes, parcs), les dépenses liées au service public (éducation, santé), les dépenses de l’armée, etc…
Ensuite il faut additionner les investissements privés et publics, donc les dépenses faites par les entreprises pour offrir leurs biens et services. Il faut également comptabiliser les achats de la machinerie des entreprises, les achats d’usines ainsi que les achats de maisons résidentielles neuves des ménages.
Avec cette approche, le PIB est une mesure des produits et services créés dans un pays donné. De ce fait, il faut encore additionner les exportations car même si ces produits ne sont pas consommés à l’intérieur des frontières, leur production a été réalisée localement. Pour cette même raison, il faut aussi soustraire les importations car même si ces produits sont consommés dans le pays, c’est le pays de production qui pourra ajouter la valeur de cette production à son PIB.
2ème méthode : le calcul par les revenus, soit
- + Rémunération des salariés
- + Autres revenus (locatifs, intérêts, dividendes)
- + Profit des entreprises (dont travailleurs non salariés - TNS)
- + Impôts sur les produits et les importations
On peut observer que ce calcul correspond à la somme des revenus des particuliers, des entreprises et des gouvernements.
3ème méthode : le calcul par la valeur ajoutée, soit
- + somme des valeurs ajoutées
- + impôts sur les produits
- - subventions sur les produits
En comptabilité, la valeur ajoutée (VA) est une notion qui s'efforce de mesurer la valeur économique ajoutée par l'activité d'une entreprise. Elle est égale à la valeur de la production, c’est à dire au chiffre d’affaires, diminuée de la consommation intermédiaire[], soit la valeur des biens et services incorporés au cours du processus d’élaboration de la production.
Cette grandeur est réputée pour être la mesure la plus pertinente de l'augmentation de la richesse, donc de que l’on nomme « la croissance ». Ceci explique que l'administration fiscale utilise volontiers la valeur ajoutée comme assiette de l'impôt. Les agents économiques qui créent de la valeur ajoutée sont les entreprises, les organisations, ou le secteur public.
En résumé, nous pouvons dire que le PIB peut s’exprimer :
- soit, par la somme de toutes les valeurs ajoutées du pays
- soit, par la somme de tous les revenus du pays
- soit, par la somme de toutes les dépenses du pays,
Mais à quoi sert réellement cet indicateur ?
A en croire le livret de l’INSEE intitulé précisément « A quoi sert le PIB ? », ce dernier serait « un indicateur de santé de l’économie française ». Cette définition entraîne naturellement le corollaire qu’une croissance du PIB d’une année sur l’autre est un indicateur de bonne santé de l’économie sur la période considérée, et, en revanche, qu’une décroissance du PIB est un indicateur de mauvaise santé.
En réalité, ces trois modes de calcul ne sont pas forcément des indicateurs de bonne santé économique du pays, pour la simple raison qu’ils ne sont que des soldes intermédiaires de gestion de la comptabilité nationale et qu’ils négligent de faire apparaître la donnée essentielle, à savoir le résultat d’exploitation de l’activité globale.
En effet, un solde intermédiaire de gestion n’est pas obligatoirement corrélé avec le résultat final d’exploitation, en ce sens qu’une entreprise peut très bien accuser une faible valeur ajoutée, une faible masse salariale, et de faibles dépenses mais, a contrario, un substantiel bénéfice d’exploitation. Inversement une forte valeur ajoutée, une forte masse salariale et de fortes dépenses peuvent très bien s’accompagner d’un déficit d’exploitation.
Sur la durée, la croissance ou la décroissance de ces indices, d’un exercice sur l’autre, n’est pas obligatoirement symétrique de l’évolution du résultat d’exploitation global. Autrement dit, nous pouvons très bien avoir un PIB, qui augmente et un résultat qui diminue dans le même temps. Et c’est exactement ce qui se passe depuis plusieurs dizaines d’années si nous étudions objectivement la comptabilité de la « Société Industrielle » qui, depuis le premier choc pétrolier présente un PIB en progression d’année en année (bien qu’en sensible ralentissement depuis une décennie), mais, en revanche, accuse un résultat d’exploitation en diminution constante durant cette même période.
Cette affirmation peut surprendre, d’autant que la comptabilité nationale ne produit pas de compte d’exploitation, ni de bilan et que, pour arriver à cette conclusion il est nécessaire prendre en compte des postes comptables que le seul PIB ignore volontairement. (Ces postes seront étudiés et chiffrés en détail dans un prochain article.)
Il est clair que les gestionnaires de la société industrielle, hésitant naturellement à présenter à leurs actionnaires un résultat comptable en décroissance d’une année sur l’autre, ont tout naturellement opté pour la mystification, c’est à dire confondre PIB et résultat, ou encore faire passer des vessies pour des lanternes aux yeux de ces mêmes actionnaires, c’est à dire du peuple. Il est à noter que ce tour de passe-passe n’est possible que dans un système où une poignée d’individus contrôle la diffusion de l’information économique, c’est à dire dans le système représentatif
La présentation de faux bilans, qui est un stratagème connu mais peu utilisé dans la gestion d’entreprise, est par contre devenu la règle dans la gestion politique des nations depuis la fin des trente glorieuses, et la généralisation de l’utilisation médiatico-politique du PIB.
A ce titre, la comparaison entre le fonctionnement comptable d’une entreprise et le celui d’une nation est particulièrement édifiant. En effet, n’importe quel gestionnaire avisé sait très bien que la santé d’une entreprise ne se mesure pas à son chiffre d’affaires, ni au montant de sa valeur ajoutée, et pas non plus au volume de sa masse salariale ou de ses dépenses, mais uniquement à son bénéfice, c’est à dire à ses excédents de gestion qui sont les seuls, bien évidemment, à pouvoir alimenter sa capacité d’autofinancement.
Négliger cette règle revient, en termes comptables, à confondre « solde intermédiaire de gestion » avec « résultat », ce qui est proprement impensable, même pour le plus petit artisan. Mais c’est pourtant ce que font régulièrement nos dirigeants politiques et leur motivation est bien simple : il s’agit, pour eux, de présenter un bilan de gestion positif afin de se faire ré-élire par leurs actionnaires, c’est à dire par nous, les citoyens.
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