« A voté » sous la contrainte

La France est un pays qui prend soin de la santé de ses administrés, quitte à les rudoyer quelque peu en les assommant d’injonctions nutritionnelles comminatoires telles la célèbre « manger 5 fruits et légumes par jour » qui correspondrait à ingurgiter la dose quotidienne de vitamines, minéraux et fibres nécessaire à l’organisme sans qu’il soit précisé si le consommateur obéissant a ingéré en même temps une quantité substantielle de pesticides.
Le citoyen modèle sait qu’il lui faut pratiquer une activité physique régulière, éviter de manger trop gras, trop sucré, trop salé et ne pas grignoter entre les repas mais il semble oublier son devoir le plus sacré, s’il veut pérenniser l’esprit Charlie si cher à nos gouvernants, celui d’aller voter.
Ainsi le bon docteur Bartolone qui a été appelé au chevet de notre démocratie a fort bien décrit son triste état de santé « notre République est aujourd'hui malade de phénomènes de repli, de cloisonnement, d'entre-soi » et déploré que « les absents des marches des 10 et 11 janvier » se soient mis à l’écart du sentiment d’appartenance républicaine.
Après avoir posé ce diagnostic impitoyable, il propose de mettre en place une médication radicale, en forme d’injonction thérapeutique, l’obligation pour tout citoyen d’aller déposer son bulletin dans l’urne quand on le sollicite.
C’est une mesure qui devrait plaire aux poissons pour lesquels les jours de scrutins seraient décrétés jours féries mais c’est oublier un peu vite que l’électeur, même non pécheur à la ligne, agit comme un consommateur et si l’offre politique qu’on lui présente à l’étal ne lui convient pas, il n’achète pas.
Votez, c’est un ordre ! c’est le nouveau slogan lancé par Barto du haut de son perchoir, vous n’aimez pas ce qu’on vous propose à la cantine, il faudra vous forcer, cesser de faire les difficiles, sous peine de sanctions. A la célèbre expression « a voté » prononcée lorsque vous introduisez votre bulletin dans l’urne, vous pourrez ajouter avec un rictus désapprobateur « sous la contrainte ».
Le Président de l’Assemblée qui se rase tous les matins en se rêvant sous-calife à la place de l’actuel tenancier de Matignon devrait plutôt s’interroger sur les raisons qui poussent une part de plus en plus importante de français à l’abstention.
Mais c’est sans doute trop lui demander que de l’inciter en compagnie de ses collègues à se livrer à un travail d’introspection collective pour tenter de comprendre la désaffection croissante du peuple pour la « chose publique »
C’est avec Michel Sapin le distingué penseur solférinien qui après avoir négocié avec virtuosité la courbe du chômage semble avoir retrouvé la sagesse du philosophe que nous terminerons ce billet « Le débat sur le vote obligatoire est un bon débat, mais je ne sais pas moi même comment je le conclurai dans ma tête » a t-il déclaré le jeudi 16 avril.
Il est donc urgent d’attendre que le grand argentier pour l’instant fort occupé à nettoyer les finances publiques ne se décide à faire le ménage dans sa tête, mais au moins cette lumineuse idée tant de fois resucée aura t-elle fait exister médiatiquement pour un moment le locataire du Palais Bourbon.
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