Absurde Land, la dictature absurde (dernière partie)
(suite de la première partie)
An 2345, les plastics ont pris le pouvoir et font régner une terreur non violente pour ce qui est du contrôle social. On se demande encore comment ils ont réussi à imposer leurs idées, peut-être grâce à une promesse de non-violence. Mais la violence est encore pire, elle est insidieuse, hypocrite et bien plus traumatique. On ne tue plus, on pousse au suicide. On ne censure plus, on étouffe par le nombre. On n’attaque plus frontalement, on pousse les individus à faire ce que l’on souhaite. Les sciences cognitives ont suffisamment évolué pour établir des procédures non violentes dans le but d’arriver à manipuler les individus comme on le souhaite, dans le sens où on le souhaite, et sans qu’ils s’en aperçoivent. Un mot, une action devient le bouton que l’on pousse sur la zone cognitive que l’on veut stimuler pour déclencher une attitude, une émotion. La violence physique est mal vue, la manipulation est plus civilisée, la violence psychologique laisse peu de trace, le naturel tend à disparaître.
[...] Mais je m’égare, je parlais d’un rapport de procédure de la Répressive. Voilà comment ça fonctionne, laisser moi vous montrer comment l’on peut aller jusqu’à détruire une personne dans un monde civilisé, et bien sûr sans violence physique, violence qui a la fâcheuse tendance de laisser des traces. Bref, on peut aller jusqu’au meurtre parfait en cas de suicide de la cible, en passant par les meurtres sociaux ou psychique. Mais, en toute courtoisie, et bien sûr dans le respect des lois en vigueur. Seront utilisés à cet effet la pression sociale et certaines techniques de manipulation.
On commence déjà par le contrôle de base. Le but est de montrer à la cible qu’elle n’est pas seule et qu’elle a potentiellement du monde sur le dos. Sont utilisés à cet effet le regard, les gestes et les mots clefs que chaque membre de la clique pourra utiliser. Gestes et mots clefs doivent êtres au nombre de 2 ou 3 maximums, ils devront être répétés au passage de la cible. Les gestes et mots clefs pourront être personnalisés, ou commun tiré de l’argot de la clique. La meilleure utilisation des mots clefs se fait au milieu d’une phrase lors d’une conversation, ou par simple utilisation du mot clef seul. Au bout d’un certain temps la cible devrait comprendre qu’elle a du monde sur le dos. Important, toujours dénier si la cible vient vers vous, nous n’existons pas. Si la cible est des nôtres alors nous n’existons plus pour elle.
On utilise ce principe juste pour montrer les muscles si par exemple la cible a fait preuve d’un acte qu’un des nôtres a jugé répréhensible. En cas de récidive on continue jusqu’à ce que la cible se soumette. Dans le cas contraire la cible tombera dans la goutte d’eau, un principe de torture visant à laisser tomber une goutte d’eau sur le front d’une personne dans le but de la faire devenir folle par un effet de répétition. La répétition des mots clefs et des gestes clefs étant la goutte d’eau qui rendra folle la cible par ce que l’on appelle un principe d’accumulation, du harcèlement si vous préférez. En tout cas ça lui filera du stress si c’est pas les chocottes. Déni de notre existence, et envoie au poste de la Répressive en cas de violence caractérisée font que la cible se sentira comme serrer par des liens, étouffer par la force du nombre. Elle doit se sentir impuissante, et ce, quoi qu’elle fasse. Notre présence au sein de la population est amplement suffisante pour produire l’effet.
D’autres techniques peuvent aussi être mise en place. Ainsi nous pouvons tendre à isoler la cible. Dans ce but nous allons détruire sa réputation. Dans son voisinage nous allons la montrer comme une mauvaise personne qui a commis des actes malsains, agressive, etc. De cette façon les gens auront une image négative de la cible et tendront à agir de manière négative avec elle. La réaction est humaine. De la même façon la cible aura de plus en plus tendance à agir de manière négative en retour ce qui confirmera sa « réputation ». Le but est d’augmenter le stress de la cible, de la pousser à la violence contre les autres ou elle-même. La Répressive pourra par exemple passer dans son voisinage demander si la cible se comporte bien pour éveiller le doute de ce voisinage. Bien sûr aucune information supplémentaire ne sera communiquée au voisinage, le fantasme de chacun et le quand dira-t-on sera bien plus efficace que tout ce que nous pourrions inventer. La cible pourra aussi devenir un paria, dans ce but nous nous efforcerons d’éloigner ses proches d’elles, par corruption, menace, désir, envie, jalousie, etc. Pousser à l’extrême, fréquenter la cible sera synonyme de rejet social. Pour arriver à ces extrémités, il est impératif que la cible ait une mauvaise image, personne ne devrait se sentir coupable du rejet ou de nuire à un innocent, les gens rêvent d’un monde juste.
Pour ce qui est d’absurde Land, et bien voilà. La cible devra constamment être contrarié par les nôtres. Nous « jouerons au con » avec elle dans le but d’éviter tout dialogue normal. On ne la comprendra pas, on répondra à côté, elle demande A nous lui donnerons B. Nous la ferons tourner en rond. Nous utiliserons les injonctions contraires et autres doubles-contraintes. Le but est d’engendrer un maximum de frustration, de stress et de sentiment d’impuissance. On tendra à humilier la cible, la rendre ridicule, la rabaisser, et bien sûr on la fera culpabiliser, ça ne pourra être que de sa faute. Bref, tout ce qui peut casser le moral et la confiance d’un individu, ou encore lui mettre la haine. Provoquons là constamment. Et toujours avec le sourire et une certaine incompréhension si la cible prend mal les choses, nous sommes les gentils.
Nous pourrons monter toute sorte d’opération de sabotage pour la dévier de ses objectifs, elle doit être prise dans nos filets, que ses pensées soient tournées vers nous pour mieux la saturer cognitivement, elle ne doit pas pouvoir s’échapper de cette prison mentale dans laquelle nous devons la conserver. Vampirisons-la, vidons-la de ses énergies. Le rire aussi c’est pas mal, ça ridiculise, ça remet en question et ça permet de prendre l’ascendant. On s’en sert aussi pour décrédibiliser un argument qui nous plais pas, du coup inutile d’argumenter. Un des nôtres a repéré une chose que n’aime pas la cible, une parole, une question, un acte, un produit, etc ? Alors servons la lui, répétons-lui ce qu’elle n’aime pas jusqu’à écoeurement. Une chose qu’elle aime ? Mettons la lui devant les yeux et retirons la lui lorsqu’il tente de l’obtenir. Rappelons-lui par d’innocentes questions pourquoi elle n’a pas cette chose, faisons la culpabiliser face aux multiples frustrations que nous lui occasionnons. Montrons un des nôtres avec cette chose qu’on lui empêche d’avoir, ajoutons de l’envie à sa frustration. Alors couplé avec le principe d’accumulation la cible aura bientôt le cerveau cramé par le stress, pétera un câble, se suicidera ou se soumettra. Le stress faisant baisser les défenses immunitaires, au pire elle crèvera d’un cancer en fin de vie. Et le tout avec le sourire, et bien entendu nous ne savons pas de quoi elle parle si elle ose poser des questions.
Voilà, voilà. Imaginer maintenant le nombre que représentent les forces de la Répressive, les classes dominantes, les diverses forces de sécurité, les informateurs et autres civils travaillant au gouvernement. Vous voyez le nombre que cela peut représenter dans une ville ? On a même pas besoin de venir chercher la cible elle viendra à nous d’une manière ou d’une autre. Et le tout sans utilisation de la force, mais avec une base de donnée des cibles mise à jour et d’un simple besoin de communication d’informations qui n’a même pas besoin de se faire en temps réel. Pas bien compliqué au fond, et bien sûr sans « violence » et avec le sourire. Et puis ce qu’il y a de bien avec la violence psychologique c’est que la personne aura du mal à se plaindre pour trouver du réconfort. Quand tu reviens la tête en sang ya toujours une bonne âme qui va faire preuve d’empathie, tu peux mettre un mot sur tes maux. Bah là non, même ça c’est plus permis avec les plastics, tu peux même plus passer pour une victime si tu te fais attaquer. On pourra même te dire que tu exagères, que tu déraisonnes, que tu fais de la parano, etc. De victime tu passeras bientôt à coupable. Imagine, tu t’es fait cramer le cerveau au point de finir à l’asile, en sortant tu vas te faire rejeter par tout le monde parce que maintenant t’es considéré comme fou, mais pénalement t’es même pas une victime, dans nos lois ya rien de prévu pour punir l’intensité d’un cramage de cerveau et ces conséquences comme on pourrait le faire avec un dommage corporel. Et bien sûr tout le monde trouve ça normal, en revanche si tu claques un provocateur qui veux te cramer le cerveau suite à une accumulation, ben là tu vas avoir tout le monde sur le dos et tu seras responsable pénalement. Pervers non ?
Alors ça c’est un peu la base, après ya des variantes dans la mise en œuvre, le nombre de personnes impliquées pour augmenter ou diminuer l’intensité, les temps de pause pour faire croire à la cible que c’est fini, le faire lourdement, en discrétion, etc. On peut tout autant communiquer en temps réel avec nos puces, voir même envoyer des sons, paroles et autres types de stimulations avec ces puces que tout le monde a, en le sachant ou non, mais c’est une autre histoire. Donc c’est précisément le but de notre rapport cognitif que l’on remettra demain, de quelle façon utiliser ces procédés de manière optimum en fonction de ce que l’on veut faire faire à la cible. Des fois c’est juste pour la virer d’un lieu, des fois pour la cramer et la pousser au suicide.
Voilà, maintenant c’est comme ça qu’on règle nos comptes, avec la terreur youkaïdi, youkaïda. On te baise avec le sourire, c’est légal, et en plus ça n’existe pas. Bon on dit pas que des fois y a eu des ratés, genre des gars qui se sont procuré des armes et ont tiré dans le tas. Mais bon ça s’est souvent passé dans les écoles, les fils à papa qui sont au courant des procédures sont pas encore trop pros et veulent faire comme les grands sans trop savoir gérer, alors du coup … Et encore je parle pas de certaines para cliques qui se mettent en place, des groupes privées qu’on paie pour envoyer un type à l’hosto et autres types d'activités criminelles, on essaie de les récupérer mais bon.
Alors on ne tue plus monsieur, on suicide. Nous sommes civilisés et non violent. Le temps des hommes qui s’assument et prennent des risques est révolu. Le meurtre est à portée de toute lope en groupe, au pire elles prendront des gnons et iront faire du fric en portant plainte. On n’aime pas la violence chez nous monsieur, mais on sait tuer intelligemment, sans trace, sans risque et en toute hypocrisie. Bienvenue à absurde Land, la nouvelle société à responsabilité limitée.
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