Achats de dernière minute pour les fêtes : d’abord les disques
Vous êtes comme moi je suppose, et vous y prenez à la dernière minute pour vos cadeaux de fin d'année, que ce soient des livres ou des CDs de musique (on laissera lez choix des parfums et des chocolats aux spécialistes). Ayant dû ranger récemment ma discothèque, j'ai retrouvé quelques perles et découvert d'autres dont je voudrais vous faire bénéficier. Ne comptez pas sur moi pour vous suggérer des best-sellers (sauf un peut-être, et ce sera pour demain) et encore moins le dernier Rihanna ou le Coldplay nouveau : mon âge canonique fait que les quelques conseils que je me permets de vous prodiguer aujourdhui concernent des lectures ou des albums destinés à de vrais amateurs de musique ayant dépassé la trentaine minimum : en somme, si vous avez cet âge, puisez dans cette liste pour l'offrir à des aînés ayant été bercés par le rock et non par la variété française calamiteuse : ils découvriront que leur rock a par exemple des racines bien cachées dans les années trente, celles de la Grande Depression... vous vous attendiez à autre chose, peut-être, mais en période de fêtes, c'est justement le moment de faire découvrir à d'autres ce qui vous a plu, pour les sortir de leur hit-parade lénifiant. "Think and listen different", aurait dit un grand disparu de l'année ! L'idée fondamentale étant de trouver des albums pouvant faire basculer l'opinion de celui à qui vous l'offrez, en particulier l'épineuse question de la barrière classique/rock que je vous propose de franchir avec quelques suggestions.
Ce sont les fêtes, et le moment d'offrir des coffrets, ou des compilations d'œuvres originales (je déteste les compilations mélangeant tout, à moins qu'elles ne soient un tout début pour entrer dans un style musical différent de celui à qui vous l'offrez : et là c'est encore plus difficile à sélectionner !). Le premier qui m'est venu à l'esprit est celui d'un excellent guitariste (pour moi les ingrédients d'un bon groupe contiennent un bon guitariste, une batterie qui ne sonne pas le carton et au mieux un bassiste mélodique), c'est le mal connu Chris Rea, qui s'est attelé il y a deux ans à un travail assez étonnant, celui d'essayer de faire connaître le blues et son évolution historique via un coffret de ...11 CDs, pour lequel il a négocié avec sa firme de disques un prix véritablement ras du plancher, faisant davantage œuvre de pédagogue que d'œuvre rentable. Cette merveille contient en effet toutes les phases cruciales de l'évolution du blues moderne, en passant par ses origines africaines, son établissement à la Nouvelle-Orleans, avec l'influence des rythmes venus des îles voisines, comme celui de l'arrivée de l'électricité dans le Blues du Delta du Mississipi pour devenir celui de Chicago. Chaque album est une histoire en lui-même, illustré par les tableaux que peint depuis plus d'une dizaine d'années Chris Rea, dont la mauvaise santé nous prive depuis plusieurs années de sa présence sur scène, qui s'est faite trop rare. Je l'ai vu à différentes reprises il y a une vingtaine d'années, et ses prestations scéniques m'avaient vraiment impressionné. Un gros son, bien différent du caractère plutôt "soft" de ces enregistrements "lazy", l'homme étant davantage connu pour son côté chanson de farniente ("On the beach")... le coffret, pure merveille musicale, s'appelle Blue Guitar, a cinq ans d'âge aujourd'hui mais est toujours aussi plaisant à écouter, et est vendu plus cher qu'à son lancement, hélas (il avait été lancé pour une trentaine d'euros), mais se trouve facilement à la FNAC ou sur Amazon. Si vous connaissez un amoureux de la guitare électrique, c'est son cadeau idéal pour les fêtes !
C'est bien connu "A l’approche de Noël, il y a toujours un Beach Boys à mettre sous le sapin". L'autre bijou est un album seul, mais très, très spécial : c'est "Smile", des Beach Boys, l'album mythique enfin sorti du coffre-fort où on l'avait enfermé des dizaines d'années. Ayant une tendresse particulière pour Brian Wilson (et son pote Van Dyke Parks), la sortie de cet album m'a ravi, et j'espère qu'il vous plaira autant : la nouvelle de cette semaine étant celle de la reformation du groupe, ou de ce qu'il en reste de vivant pour un disque et une tournée l'année prochaine. Ça fera un peu réunion de surfers grabataires, mais personnellement, je tendrais l'oreille à ce qu'il va en sortir de bon (ou pas). Smile, laissé inachevé en 1967, et en effet enfin sorti, sous la pression des fans qui ont réussi à convaincre la firme de disque de le faire.
Offrez-le à quelqu'un qui connaît déjà les Beach Boys, et qui va se délecter des prises de son différentes d'uin même morceau, car on s'aperçoit enfin, cinquante après de l'incroyable alchimie menée par la baguette de Brian Wilson pour fabriquer des chefs d'œuvres musicaux tel que Good Vibrations, faisant déplacer la batterie, remontant la partie de piano, mettant la basse plus en avant, etc... L'enchanteur Wislon touille et retouille ses mélodies dans son chaudron magique, pour arriver à la bonne température et au bon goût : jusqu'à novembre dernier, on ne savait rien ou presque de sa tambouille, ou de ses ingrédients, tout ce qu'on avait c'était le chef d'œuvre absolu final : ceci. En attendant le "Do It Again" de 2012, en préparation...
la première fois que j'ai entendu cette intro syncopée basse-batterie piano électrique, je suis resté assis et l'ai repassé plus de dix fois de suite. Monumental morceau, soutenu ensuite par de simples claquements de mains, pour arriver au "pont" et repartir de plus belle en solo de guitare façon groupe de surf. La face B du 45 tours de Good Vibrations avec Heroes and Villains étant un autre bijou serti dans l'album. Smile s'achète plutôt au grand complet, sous la forme des 5 CDs et des livrets indispensables ; mais là, on atteint des sommets en dépenses... Ceux qui désireraient se rafraîchir la mémoire peuvent toujours chercher l'excellent coffret "Good Vibrations" en 5 CDs également.


Les King's Singers nous amènent à un autre phénomène particulier : un dandy, un vrai, qui a fort peu enregistré hélas mais qui a laissé derrière lui deux perles monumentales. Peter Skellern, le seul à ma connaissance à avoir réussi à reproduire le son réputé inimitable des vocalises des chanteuses figurant dans le films de Busby Berkeley tel Footlight Parade ou ceux avec Esther Williams (ici c'est un film de George Sidney). Vous savez, ces films fort particiuliers ou des nageuses ou des danseuses faisaient des chorégraphies filmées de haut, perçues longtemps comme un monument du kitsch. Chez Bugsby, ça prenait des dimensions incroyables, en décors et nombre de participantes : un enfer à régler, en chorégraphie, filmée en temps réel. Avant même l'ordinateur, c'est fou à quoi font penser ces manipulations d'images réalisées avec les moyens de l'époque, dont le simple kaléidoscope (la séquence des pianos est fantastique !). Les chœurs éthérés, très aigus, la marque de fabrique de Berkeley, sont par exemple ici. Il y a même eu dans le genre des scènes avec avions... montées en studio, bien sûr... à croire qu'ils servaient de prétexte pour attaquer la pudibonderie de l'époque, tant les tenues de bain étaient nombreuses et plutôt moulantes. Chez Peter Skellern, les chœurs ont été reproduits fidèlement, et les nouveaux moyens de prises de son des années 80 ont apporté une dynamique phénoménale entre les moments doux et les attaques de l''orchestre, qui font de ses deux albums mythiques des excellents supports pour les essais d'enceinte HIFI : personnellement, je les utlise depuis toujours pour cela.
Les deux disques de Skellern sont consacrés au répertoire de Fred Astaire, cet autre géant, et ont peu, oh joie, en retrouver un des exemplaires disponible sur iTunes. Ne cherchez pas l'édition précédente en vinyl, le premier des deux a été bêtement réintulé depuis "Cheek to cheek". Ecoutez d'emblée "Puttin on The Ritz". et attendez l'attaque progressive du Grimethorpe Colliery Band (à 1'30" ici du début) , et délectez-vous des vocalises des chœurs sur It's a Lovely Day . Un Peter Skellern ici avec cet orchestre avec Hal Fisher à la batterie, George Ford à la basse et Kevin Peake à la guitare "sèche" qui sonnent tous particulièrement biens, rappelant une harmonie locale, plutôt tempérée !
Si vous aimez comme moi les cuivres et les flonflons des harmonies municipales (ah, le tuba, quel régal !), vous serez ravis, je l'espère.
Ecoutez donc "It's a Lovely Day" dans votre Ipod le matin et toute la journée vous semblera parfaite ! Peter Skellern, tant admiré par George Harrison, reste malheureusement un grand méconu encore, comme peut l'être aussi Harry Nilsson.. le temps se retrouve-t-il suspendu, avec lui, grâce à cette erreur de l'espace-termps qu'est Skellern ? Peut-être bien !
A faire obligatoirement écouter à un fan de hard-rock ou de grunge : car plus vous le choquerez, plus il avancera en musique. Se faire questionner les gens, voilà le fondamental ! Phill Lynott, leader d''un groupe de Hard Rock (Thin Lizzy) n'a t-il pas enregistré la plus belle chanson en forme de berceuse pour enfant (dédiée à sa gamine de 4 ans) ? L'occasion de chercher les deux disques solios, pures merveilles, ressortis l'année dernière en double CD, sous le nom de Yellow Pearl : indispensable double album lui aussi !!
Cette notion de Big Band nous conduit invariablement à un autre individu surprenant : un pianiste, lui aussi, ayant une incroyable carrière. Jools Holland, l'un des rares à pouvoir se targuer avoir joué avec presque tout le monde, que ce soit le chanteur de Led Zeppelin ou l'incriyable Tom Jones, archétype du crooner, l'homme aux 100 millions de disques vendus (et une fabuleuse apparition dans Mars Attack de Tim Burton !) qui avait réussi à enterrer tout le monde il n'y a pas si longtemps (en 1999 !) avec son album Reload et son titre phare SexBomb (avec Mousse T), salué par toute la critique. Les petits malins lecteurs de pochettes de disque l'ayant remarqué sur l'excellent CD du "Docteur House", qui peut aussi être un beau cadeau "découverte" pour le blues pour ceux qui l'ignorent encore. C'est en effet Tom Jones qui chante, et non Hugh Laurie sur "Baby please make a change", une reprise à couper le souffle avec violon plaintif et dobro des Mississipi Sheiks.
Tom Jones, qui a aujourd'hui 71 balais, est un grand chanteur de blues qui s'ignore !!! Son duo avec John Lee Hooker dans "Burning Hell", sur son dernier album de 2010 mérite le détour à nouveau comme son superbe "Nobody's Fault But Mine". Vous l'aviez rangé chez les ringards, comme moi d'ailleurs, c'est el moment de revoir votre opinion à son sujet ! Quant à l'album de Laurie, pour moi l'un des disques de l'année, il vous offre plein de possibilités, en particulier de l'offrir à toutes les femmes qui en sont dingues et qui ignorent peut-être encore que son disque est une petite merveille de blues !
Jools Holland, du groupe Squeeze, est depuis 1992 animateur d'une émission de TV anglaise (Later with Jools Holland, ) où il invite qui il veut, réalisant des duos incroyables que l'on peut découvrir sur CD. En plus d'être un fan affiché de la série du prisonnier, Holland est un pianiste hors pair, qui peut tout aborder, et il possède un Big Band décoiffant qui n'est venu (hélas) jouer en France qu'à deux reprises : en 2006 et en 2008. Il a invité tout le monde, y compris ColdPlay, ou Roberto y Gabriela, dont vous savez mon goût pour ces deux talentueux musiciens : ensemble, ils ont joué une version énergique d'Hanuman. Jools a derrière lui une abondante discographie, dans laquelle vous pouvez puiser sans hésiter en choisissant les albums avec invités : le "Friends" ou le "More Friends", ou le "Piano Solo" ou le "Big Band" : car le talentueux Jools ne déçoit jamais ! Mettez-le aux côtés de Dr John ça devient une pièce à quatre mains d'anthologie. Le New-Orleans et sa syncope particulière ne présente en effet aucun mystère pour lui. Mettez-le en studio avec Mark Knopfler, ça devient un morceau cisélé de rock. Le jazz ? Pas de problème : même en face d'Herbie Hancock, il ne perd rien de sa superbe. Donnez lui à jouer l'archétypique Vol du Bourdon traité boogie, il vous en fait un petit joyau. Demandez-lui d'inviter Dave Edmunds, ça ne rate pas ils s'entendent ensemble pour se souvenir de Love Sculpture (purée voilà qui ne me rajeunit pas !) et vous rejouer ensemble La Danse du Sabre ! Un bon groupe étant constitué d'un bon bassiste et d'un excellent batteur, Jools peut aussi vous le démontrer avec... deux batteurs : avec ici Gilson Lavis et Roland Rivron, par exemple. Pur régal que cette joute... plutôt pyrotechnique ! Quant à la formidable Adele, à qui on ne peut que souhaiter une belle carrière, tant elle est douée, celle qui fait du bien à la musique en planant très haut dans les charts, elle aussi s'est retrouvée l'invitée de Jools il n'y a pas longtemps, en mai dernier. Histoire de "connect the dots", comme on dit là-bas : de relier les générations musicales, ce qui est le plus difficile à faire.
Voilà, j'ai plein d'autres suggestions encore, mais les fêtes approchent et je vais vous proposer demain quelques bouquins, sans plus de prétention bien sûr... une petite dernière suggestion pour la route : l'incroyable double album de Peter Gabriel, New Blood, ou le génie des années 80 a réussi la prouesse d'adapter ses titres phare en les habillant d'habits classiques. Deux albums ; l'un chanté, l'autre complètement instrumental, qui sont deux purs joyaux eux aussi : là encore, à offrir à celui qui n'écoute que de la musique classique, car il appréciera la prise de son exemplaire, ou à un rockeur de la période Genesis pour le rassurer ; certains vieux héros vieillissent plutôt très bien !!! Grand, très grand disque !!! Subtil, élégant, fin, de l'orfévrerie musicale !!! Bon sang ce qu'il vieillit bien celui-là !
Allez, un dernier chef d'œuvre encore à écouter intégralement : Van Morrison, idole absolue, avec sa voix devenue au fil du temps instrument véritable, et un album phénoménal sorti en 2009 : la mise en Live l'un de ses disques maîtres : "Astral Weeks", enregistré"Live At The Hollywood Bowl" sorti en 2009 déjà : magistral, absolument magistral, et indispensable. Transcender ainsi un album aussi mythique il n'y avait que The Man en personne pour y arriver ainsi !
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