Achraf en Irak connaîtra-t-il le sort du ghetto de Varsovie ?
Durant la seconde guerre mondiale, la résistance polonaise avait chargé Jean Karski de se rendre en Grande-Bretagne puis aux Etats-Unis pour alerter le monde libre de la situation en Pologne. Karski avait aussi été chargé par les représentant du ghetto de Varsovie, dans lequel il avait pu se rendre – et ressortir – de faire connaitre au monde cette image de l’enfer et leur besoin d’aide urgent pour sauver cette population civile sans armes et sans défense vouée à une mort programmée.
Une fois en Grande-Bretagne et aux USA, il avait pu rencontrer les plus hautes autorités de ces deux nations et des diverses résistances. Ses interlocuteurs, préoccupés par le conflit mondial, accordèrent une oreille attentive au drame du ghetto et à la catastrophe des camps, mais y opposèrent une passivité intolérable. Or le sort de cette guerre eut sûrement changé si les Alliés avaient combattu la politique nazie d’extermination et aidés des foyers de résistance comme celui du ghetto de Varsovie qui livra une bataille aussi épique qu’héroïque.
Le silence et l’inaction effroyables auxquels s’est heurté à l’époque Jean Karski se retrouve aujourd’hui dans le silence – médiatique en particulier – qui entoure le sort du camp d’Achraf en Irak. Sous blocus depuis trois ans et soumis à des restrictions inhumaines, comme un blocus médical, ce camp abrite une population civile sans armes et sans défense de 3400 réfugiés iraniens – dont un millier de femmes – que le gouvernement irakien cherche absolument à éliminer sur ordre de ses nouveaux maîtres de Téhéran.
Après plusieurs attaques qui ont laissé près d’une cinquantaine de morts et un millier de blessés dans le camp, Bagdad met toute son énergie à empêcher de Haut Commissariat de l'ONU pour les Réfugiés de déterminer le statut de ces opposants iraniens, car « cela conférerait à ces réfugiés un statut qui obligerait l’Irak à les protéger », selon un diplomate européen anonyme cité par le quotidien belge Le Soir du 2 décembre.
Pour comprendre ce qui est vraiment en jeu ici, nous devons prendre un peu de recul. Le vrai problème n'est pas l'Irak, mais l'Iran. Bagdad répond essentiellement aux demandes de Téhéran. Les mollahs voient Achraf comme une épine dans leur flanc, car de nombreux habitants appartiennent à l'Organisation des Moudjahidine du peuple d'Iran (OMPI), le principal mouvement de résistance iranien.
L’Irak a l’intention au 31 décembre d’envahir le camp massivement et d’emmener de force par bus entier la population, après avoir « diviser les hommes des femmes, les jeunes des vieux », précise l’eurodéputé Struan Stevenson chargé au Parlement européen des relations avec l’Irak. Bagdad compte en parquer 2000 dans une immense prison irakienne, Camp Cropper, et en livrer tout de suite « un bon millier à l’Iran », toujours selon le diplomate européen anonyme.
Une telle démarche équivaudrait à un « arrêt de mort » pour les Achrafiens qui ont fui l'oppression du régime des mollahs et qui sont à la pointe de la bataille pour l’instauration de la liberté et de la démocratie en Iran. Ceux qui ont vécu pendant années à Achraf seront « dispersés en petits groupes », pour être ensuite « torturés et assassinés », loin des yeux du monde et à l’abri du regard gênant des diplomates étrangers. On voit comment le scénario du ghetto de Varsovie se profile à nouveau.
Or les résistants ont réussi à alerter monde. Une mobilisation sans précédent s’est développée en Europe et aux Etats-Unis. Des conférences, des manifestations – dont la presse en France ne dit étrangement rien - ne cessent de rassembler des hautes personnalités transatlantiques pour tirer depuis des mois toutes les sonnettes d’alarmes. Jusqu’en Irak où un million cinquante mille citoyens et 94 personnalités politiques, chiites et kurdes compris, se sont dressés au mois de novembre en défense d’Achraf, parce que ce camp reste un barrage à la domination rampante de Téhéran sur l'Irak. Le Parlement européen a pris la tête de la mobilisation et l’Union européenne a même nommé un envoyé spécial pour cette crise. Mais à près de 20 jours de l’échéance fatidique, les gouvernements n’ont toujours pas bougé, même pour accueillir une poignée de malades et de blessés graves privés de soins.
Dans ce contexte, si l’Occident se contente à nouveau, comme pendant la seconde guerre mondiale, d’observer sans bouger un nouveau crime contre l’humanité, il est certain que nul ne pourra reprocher à ces hommes et à ces femmes qui refusent de capituler devant le fascisme religieux, de ne pas se laisser mener à l’abattoir, pour reprendre les termes du Vice-président du Parlement européen Vidal-Quadras. Comme les combattants du ghetto de Varsovie, ils résisteront jusqu’au dernier, préférant une mort honorable à une boucherie sous la torture ou dans une obscure prison irakienne. A la différence que les Achrafiens, eux, n'ont pas d'armes et se battront à mains nues, comme ils l’ont déjà fait par deux fois, face aux blindés et aux soldats armés irakiens.
Cependant, il est possible d’éviter une nouvelle tuerie. Ainsi que le soulignait dans une cionférence à Bruxelles le 30 novembre le député européen français José Bové : « Le camp d'Achraf, aujourd'hui, représente à la figure du monde la résistance aux mollahs en Iran. Le soutien aux habitants du camp d'Achraf est donc un devoir international pour les démocrates du monde entier. Il faut aujourd'hui peser de tout notre poids pour dire nous n'accepterons pas que le 31 décembre, le régime irakien puisse démanteler ce camp et massacrer les habitants d'Achraf. »
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