Adieu Parti socialiste

Le visage du Parti socialiste au lendemain de ce congrès ? Sans moi !
I) Le congrès du PS : analyse des résultats
La 1re étape du congrès du Parti socialiste, le vote des militants pour différentes motions (des textes qui définissent une ligne politique ainsi qu’une stratégie d’alliance) vient de se terminer :
- la motion E de Ségolène Royal remporte 29 % des suffrages des militants ;
- la motion A de Bertrand Delanoë remporte 25 % des suffrages ;
- la motion D de Martine Aubry remporte elle aussi 25 % des suffrages ;
- la motion C de Benoît Hamon remporte 19 % des suffrages.
Logiquement, selon la tradition au Parti socialiste, c’est Ségolène Royal et ses alliés de la motion E qui se retrouvent en position d’organiser le rassemblement avec les différentes autres motions pour former une majorité.
Mais ses adversaires, vu qu’elle n’a pas une majorité franche, sont tentés de briser cette tradition, étant en position eux aussi de former une majorité.
Et quelle serait la réaction des partisans de Ségolène Royal dans cette situation ? On peut s’attendre à de sacrés déchirements.
Ce congrès risque comme vous le voyez de jeter encore plus le discrédit sur un Parti socialiste qui visiblement n’arrive pas à se sortir de ses intrigues et de ses guerres de pouvoir internes.
Au-delà de tout ça, analysons les résultats.
Quand vous voyez des scores allant de 60 à 90 % dans certaines fédérations ou sections pour telle ou telle motion vous comprenez que des enjeux locaux se sont forcément mélangés à ce vote.
Comment expliquer de tels scores aux allures si peu démocratiques ?
C’est qu’il faut, au Parti socialiste, comprendre toute l’importance de l’appareil. Par appareil j’entends les élus, les responsables, ainsi que leurs équipes et leurs soutiens qui composent la majorité des militants.
Avoir telle ou telle fédération dans sa poche, c’est avoir comme garantie des centaines ou des milliers de votes.
Eh oui c’est hallucinant, mais c’est pourtant la vérité, des gens votent comme leurs élus locaux ? C’est une des particularités du PS, c’est ce qui crée le fameux phénomène de balkanisation qu’on désigne couramment par le terme de "baronnies locales".
Et vous comprenez pourquoi, avant l’élection, certains pronostiquaient à Benoît Hamon et la motion C qu’il défendait seulement quelques pourcents n’étant soutenus par aucune fédération ou par aucun membre de l’appareil.
Quand on comprend cela, on comprend mieux ce vote qui reconduit exactement la même majorité sortante.
Les motions A de Bertrand Delanoë (25 %), la motion D de Martine Aubry (25 %) et la motion E de Ségolène Royal (29 %) issues de cette majorité totalisent 79 % des votes là où, au précédent congrès, cette même majorité faisait seulement 60 %.
On prend les mêmes et on recommence... Et on se demande bien dans ces conditions comment il pourrait en être autrement.
A la différence qu’à l’intérieur de cette majorité, c’est le courant de SR, le courant le plus modéré économiquement, le seul qui prône ouvertement une alliance avec le MoDem de François Bayrou, qui devient majoritaire...
Benoît Hamon, sans soutien, fait un score honorable de 19 % en rassemblant toute l’aile gauche du parti.
Certains vont y voir un succès, une percée ou une victoire, sachant qu’on lui pronostiquait un score beaucoup moindre.
Mais au précédent congrès cette même aile gauche rassemblait presque 40 % des suffrages.
Alors est-ce une victoire ? Ou est-ce une déroute ?
Pour moi la réponse est évidente. Y voir une victoire est à mon sens une vue de l’esprit. C’est pourtant tel qu’on le présente dans les médias ou tel que s’en réclament Hamon ou certains membres de la motion C pour se justifier de continuer à briguer le poste de premier secrétaire ou pour essayer de peser sur les négociations qui auront lieu dans la seconde partie du congrès pour la formation d’une majorité.
Même si on se met à considérer qu’une partie de l’aile gauche a voté pour la motion de Martine Aubry du fait de la présence dans cette même motion de Laurent Fabius, qui a représenté cette aile gauche lors des désignations de la présidentielle en 2007, c’est-à-dire au maximum la moitié, environ 12-13 %, ajoutés aux 19 % de la motion C, le résultat serait quand même un net recul.
Ensuite, au-delà du renouvellement des équipes aux différentes responsabilités, l’enjeu de ce congrès était bel et bien aussi celui du changement de ligne politique.
Et avant que la crise financière ne vienne chambouler le déroulement des débats, ce congrès annonçait un véritable combat idéologique entre les deux véritables courants de pensée qui s’opposent au PS.
Il y a une partie du PS, la plus modérée, qui trouve parfois que les réformes de Sarkozy sont bonnes même s’ils s’y opposent sur la forme (à l’image de l’allongement de la durée de cotisation pour les retraites, les régimes spéciaux, le traité de Lisbonne, ou le vote d’abstention pour le projet de garantie pour les banques).
Ils disent qu’il faut d’abord créer les richesses en permettant à l’économie de se développer avant de pouvoir les répartir en protégeant les salariés (en clair s’inspirer des modèles nordiques sociaux-libéraux alliant économie libérale et forte protection sociale => assouplissement du licenciement/privatisations/gel des salaires, mais beaucoup d’efforts de formation et de suivi social du parcours professionnel).
Et soit ouvertement, soit à demi-mot, ils prônent une alliance avec le centre pensant que l’alliance de toute la gauche n’est plus une stratégie payante pour obtenir la majorité absolue à la présidentielle.
L’autre partie, l’aile gauche du PS, rejette sans concession les politiques de Sarkozy sur le fond et sur la forme (exemple : ils rejettent l’allongement de la durée de cotisation et préfèrent réduire les exonérations ou augmenter l’assiette des cotisations en faisant participer le capital, rejettent le traité de Lisbonne et proposaient un projet institutionnel qui n’imposait pas de politiques libérales et permettait ainsi une Europe plus sociale, ou encore s’opposaient à tout refinancement des banques sans contreparties qui permettraient aux travailleurs d’être mieux protégés contre la transformation de la crise financière en crise sociale et sans réformes qui empêcheraient une telle crise de recommencer).
Ils veulent réformer profondément l’économie pour s’attaquer à ce qu’ils jugent être la sources des différents problèmes (exemple : réformer le système financier et nationaliser le système bancaire, mettre un terme à la doctrine du libre-échange et revenir à une forme de protectionnisme afin de protéger les gens face à la violence de la mondialisation, veulent développer les services publiques comme, par exemple, celui de l’énergie afin de permettre à la France d’anticiper la crise énergétique qui se profile).
Ils pensent qu’il faut combattre idéologiquement la droite pour faire reculer leurs idées et faire progresser les leurs, et ainsi rassembler autour de ces idées toute la gauche.
Mais, comme je l’ai dit, c’était avant que la crise financière ne vienne chambouler les débats, car, ensuite, la crise ayant validé pas mal des arguments de l’aile gauche du PS (elle qui avait longtemps avant expliqué le caractère néfaste du système financier, prévu la crise et déjà proposé des solutions pour l’éviter), les discours des plus modérés se sont stratégiquement alignés pour dénoncer cette crise et l’irresponsabilité des banques et du système néo-libéral. La partie la plus spectaculaire de la crise s’éloignant et son souvenir se dissipant dans l’esprit des gens, on peut se dire, j’en suis en tout cas convaincu pour avoir vécu déjà plusieurs fois ce genre de discours de circonstance vite oubliés, qu’ils ne tarderont pas à définir cette crise comme un malencontreux accident, à reprendre leurs précédents discours et à défendre leurs précédentes idées.
Pour moi, en tout cas, les résultats sont évidents, l’aile gauche du PS fondant comme neige au soleil, ce sont bien les plus modérés qui ont remporté cette bataille idéologique à l’intérieur du PS, logiques d’appareil aidant.
Et je ne vois pas comment cela pourrait s’inverser quand même une crise de l’ampleur que nous vivons n’y change rien.
II) Le départ de Jean-Luc Mélenchon
C’est l’avis de Jean-Luc Mélenchon, sénateur de l’Essonne, et figure emblématique de cette aile gauche du PS pour ses discours marqués très à gauche et à contre-courant de la ligne majoritaire du parti, qui désespéré par cette dérive du Parti socialiste vers le centre, par cette pollution parmi les membres du Parti socialiste des idées de la droite et de la social-démocratie européenne, désespéré par l’absence totale de combat idéologique contre la droite, désespéré aussi par l’abandon par le Parti socialiste des populations touchées par les licenciements et les politiques de Nicolas Sarkozy, et déçu par ce faible score alors que toute l’aile gauche c’était pour la première fois vaillamment mobilisée et rassemblée autour d’un Benoît Hamon qui a fait une excellente campagne, qui s’est révélé comme un excellent leader très charismatique et volontaire et autour d’une motion qui a réussi à organiser un renouvellement des générations et qui défendait des idées validées par les faits par la crise financière, a préféré quitter le PS le lendemain du vote.
Certains au PS veulent faire de ce départ un non-événement.
On peut les comprendre, c’est encore une fois de la politique politicienne, il vaut mieux toujours minimiser ce genre de départ pour éviter d’avoir à parler des sujets qui fâchent (ici en l’occurrence le basculement progressif du PS de parti de gauche sous Mitterrand en 1981 en parti de centre gauche et droite-compatible, aujourd’hui).
Et d’ailleurs dans l’autre sens, le choix de partir aussitôt après le vote des militants sans attendre le résultat final du congrès est aussi de la part de Mélenchon, de la politique politicienne, même si c’est principalement un acte de conviction, il a voulu à mon avis quand même faire un coup d’éclat.
Car il ne faut pas croire qu’il s’agit d’un acte non préparé, au contraire, Mélenchon avait prévenu depuis longtemps qu’en cas de victoire des sociaux-libéraux ou sociaux-démocrates à ce congrès il quitterait le parti, qu’il était intéressé par la démarche d’Oscar Lafontaine en Allemagne qui a quitté le Parti socialiste Allemand, le SPD, pour créer un parti plus à gauche, DIE LINKE, alors que le SPD gouverne aujourd’hui avec la droite. Et son courant politique, l’association PRS (Pour une République sociale) a anticipé ce résultat en se préparant à une transformation en parti politique depuis quelques mois.
Non, ce n’est pas un non-événement, loin de là, car cette lente dérive du Parti socialiste vers un parti de nature beaucoup plus centriste laisse malheureusement toute une partie des citoyens français de gauche sans représentants.
C’est mon cas, je ne me reconnais plus dans le Parti socialiste, et je ne me reconnais pas non plus dans le NPA d’Olivier Besancenot ou dans le Parti communiste, même si je me sens plus proche d’eux aujourd’hui que du Parti socialiste.
Pour moi, l’initiative de Jean-Luc Mélenchon est en quelque sorte salvatrice, car je nourris depuis longtemps le faible espoir, dans mon immense désespoir, à défaut de voir le PS redevenir de gauche, de voir la gauche se recomposer, et faire front commun, pour transformer radicalement cette foutue société devenue complètement folle à cause de cette déferlante néo-libérale que l’on subit depuis la fin des années 1960...
Et je ne crois pas être tout seul dans ce cas.
Je sais, à l’image de Benoît Hamon, qu’il y en a encore au Parti socialiste qui espèrent un jour le changer de l’intérieur, mais j’espère qu’ils se rendront compte très vite qu’il s’agit d’une impasse et qu’ils rejoindront cette initiative. La gauche a aussi besoin d’eux. Benoît Hamon pourrait faire un sacré leader dans ce nouveau parti. Et ils ne pourront aider en rien en restant dans un Parti socialiste à mon sens irrécupérable à cause des logiques d’appareil, appareil totalement dominé par les sociaux-libéraux et les sociaux-démocrates.
La crise sociale qui a déjà commencé, mais dont l’ampleur s’annonce encore plus terrible, les milliers de licenciements annoncés, la stagnation des salaires alors que les prix ne cessent d’augmenter, rend plus que jamais nécessaire l’action politique. Les politiques de Sarkozy avec la destruction de nos services publiques (Poste, SNCF, Education, Sécurité sociale, etc.), les régressions sociales (retraite, santé, droits du travail), la régression de nos libertés, l’amplification des inégalités par des politiques de classe toujours aussi injustes et inefficaces (paquet fiscal, défiscalisations des heures sup, etc.) doivent plus que jamais être combattues avec une totale détermination, dans la rue, mais aussi au plus haut niveau politique.
III) Conclusion
J’espère sincèrement que cette initiative de Jean-Luc Mélenchon et de tous ceux ou celles qui vont quitter le Parti socialiste pour construire cette nouvelle force de gauche, va réussir là où de nombreuses autres initiatives, on pense par exemple à celle de Jean-Pierre Chevènement, il y a quelques temps maintenant, ont malheureusement échoué.
Et même si j’ai peur que les divisions du PS ouvrent un grand boulevard à la droite pour 2012, je ne vois malheureusement pas d’autre solution.
Ayant quitté le Parti socialiste moi aussi, je vais adhérer à ce nouveau parti sans hésiter.
Je déplore cette dérive du Parti socialiste, mais j’espère pour eux sincèrement qu’ils vont au moins avoir la sagesse de respecter la victoire de Ségolène Royal, sinon j’ai franchement des doutes sur l’avenir de leur parti.
Voici quelques liens :
Le beau reportage de Télétoc qui a suivi Mélenchon dans la préparation du congrès :
L’explication de Mélenchon :
Et une interview de Benoît Hamon après le vote qui devrait selon moi aller jusqu’au bout de ses idées et lui aussi quitter le Parti socialiste :
Une interview de Jean-Luc Mélenchon sur France Inter en audio seulement (dispo seulement 7 jours) :
http://www.tv-radio.com/ondemand/france_inter/RDVPOL/RDVPOL.ram
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