ADN, les vrais enjeux
L’enjeu principal n’est pas là ou pourrait le faire croire la polémique actuelle. La question, telle que la soulève Philippe Val, le patron de Charlie Hebdo, serait dans le fait qu’il y aurait inégalité de traitement entre les candidats à l’immigration, au titre du regroupement familial, et les citoyens français. En réalité, la question fondamentale devrait plutôt être énoncée ainsi : est-il légitime, que l’Etat ait connaissance de notre signature génétique, c’est-à-dire de notre ADN.
Nous pouvons nous appuyer sur l’Histoire : les autorités de Vichy ont justifié leur position première par rapport aux autorités allemandes de l’époque ainsi : après tout, ils nous demandent de déporter des Juifs étrangers, ce sont donc des étrangers, et nous cédons sur les étrangers, Juifs par ailleurs, parce qu’ils sont étrangers et que, de toute façon, dans la situation actuelle, nous n’avons pas le choix. L’Histoire a montré que cette distinction entre étrangers et citoyens français a cédé bien vite face aux exigences des nazis.
Aujourd’hui, de bonne foi, les champions de la gauche intellectuelle, morale et politique, de Bernard Henri-Levy à François Hollande, tiennent un discours que nous pourrions qualifier de défaitiste, sur le registre suivant : la caractérisation, la reconnaissance d’un individu de par son génome n’est illégitime que parce qu’elle crée une inégalité scandaleuse entre les citoyens français et les étrangers.
En réalité, le débat est ailleurs : l’Etat, même républicain et démocratique, a-t-il le droit de connaître l’identité génétique des citoyens et non-citoyens qui résident, ou aspirent à résider, sur son territoire ? La défense maladroite, le mot est amusant, de nos apprentis humanistes nous amène directement à la question suivante : et dans le fond, si l’Etat connaissait l’ADN de tous les citoyens français, alors il serait légitime qu’il le réclame à tous ceux, au demeurant fort nombreux, qui veulent nous rejoindre.
L’opposition manifestée à cette mesure a débordé le cadre de la gauche, pour englober les fameux « gaullistes historiques » que sont, au premier chef, Charles Pasqua, et, accessoirement, Edouard Balladur, en passant par les « centristes » que sont François Bayrou et Dominique de Villepin. Que Charles Pasqua, qui a endossé l’expression « charters », s’oppose bruyamment à cette mesure doit nous faire profondément réfléchir. Cela signifie probablement pour lui, que tant qu’il s’agit d’ expulser des individus parce qu’ils ne sont pas citoyens ou résidents autorisés, il les refoule, mais que s’il s’agit de rejeter qui que ce soit parce qu’il n’a pas un ADN conforme, il s’y oppose. Cela devrait nous interpeller.
Il s’agit d’une question d’Ethique qui déborde largement les clivages traditionnels. Il s’agit du refus qu’un individu soit caractérisé par son génome. Cela devrait nous amener à refuser tout usage de l’identification policière par l’ADN, hors du cadre strict d’une enquête judicaire d’ordre criminel, et d’abolir les lois qui autorisent les forces de l’ordre à constituer un fichier ADN comprenant, au départ, les criminels, puis dans un deuxième temps, tous les habitants créant un quelconque désordre à l’ordre public, tels que les faucheurs d’un champ de maïs OGM par exemple, et pour finir, tous les citoyens.
Quand on défend un principe, il faut en défendre l’intégralité, et pas tel ou tel aspect de son application. Autoriser les seuls juges d’assises, qui ont à connaître des crimes, à effectuer des vérifications d’ordre génétique est la seule et unique façon de lutter contre la dérive authentiquement totalitaire qui menace notre monde contemporain
S’indigner de l’identification génétique des candidats à l’immigration, mais la considérer comme acceptable quand elle concerne les citoyens français ne tient pas debout.
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