Adresse aux fédérations de parents sur l’« absentéisme » des enseignants
Comment l'EN crée le problème qu'elle combat : un sytème pervers.

Adresse aux fédérations de parents sur l'"absentéisme" des enseignants
Une collègue me faisait remarquer il y a peu, s'agissant de l'"absentéisme" des enseignants, qu'au lieu de faire à nouveau des plans pour le combattre (basés sur le remplacement au pied levé par des collègues et donc la fameuse flexibilité si prisée des DRH d'entreprises qui prennent leur salarié pour des citrons ), il conviendrait plutôt de faire cesser d'URGENCE toutes les activités débilitantes, épuisantes et chronophages qui font que l'enseignant finit par craquer et ne plus pouvoir ...faire cours.
Enlevez ces activités parasites, le professeur parvient, péniblement, à "faire" ses cours avec tout le travail pédagogique annexe et connexe : il tient le coup.
Ajoutez, que dis-je, empilez, chaque année un superflu totalement éreintant et qui ne sert en rien les élèves, le prof se met en arrêt, épuisé !
Qu'a-t-on à y gagner ?
Est-ce si difficile à comprendre pour ceux qui gèrent les ressources inhumaines de l’Éducation nationale ??
Pourquoi les fédérations de parents ne s'emparent pas de ce problème qui les concerne directement : on peut prévoir désormais une explosion d'enseignants tentés,oui, par...une désertion salutaire, leur santé étant en jeu.
Amis de la FCPE, de la PEEP et autres, ce sont vos chers enfants qui en feront les frais !
La vie du prof -en l’occurrence sa survie— permet en effet accessoirement celle de l'élève en tant qu'élève.
Pouvoir assurer son cours dans les meilleures conditions matérielles ET morales devrait être la priorité. Priorité absolue.
Les fédérations de parents devraient être informées de cet état de fait : si les profs s'absentent, s'ils connaissent parfois le burn-out, ce n'est pas tant désormais à cause des cours eux même qu'à cause de toutes les tâches annexes qui n'ont absolument rien à voir ou si peu avec l'enseignement, et qu'on leur impose.
Réunions stériles, concertations bidon, formations inutiles. A cela s'ajoute une forme de harcèlement administratif et de pression permanente qui ne cesse de croître. Le stress s'ajoute au stress, les injonctions aux injonctions (souvent contradictoires).
Tout le monde se rappelle dans Ben-Hur la scène où les galériens, enchaînés à leur banc, sont menés au rythme d'une cadence de tambour impérieuse (boum ! boum ! boum !) cependant que le fouet s'abat sur leurs épaules. Nous sommes ces galériens et l'institution esclavagiste donne la cadence. J'exagère ? Même pas ! Nos garde-chiourme zélés, technocrates encravatés d'apparence inoffensive, ne sont certes pas de grands humanistes...
Or depuis plus de vingt cinq ans que j'enseigne cette cadence n'a JAMAIS, jamais, cessé de monter en intensité, comme dans le péplum au moment de l'abordage. Sauf que pour nous, cela dure depuis 25 ans et plus. L'abordage, c'est la "Réforme", réforme permanente et continue, en général, absurde et aveugle, ennemie de la raison et du plus élémentaire bon sens. Les réformes sont sans doute nécessaires mais qui un jour décida qu'elle devraient être *inintelligentes*, c'est à dire, notamment, totalement ignorantes des réalités du terrain ?
Chaque année on nous en demande plus, la charge de travail et notamment de travail inutile, s'accroît (L'US, journal du SNES, par exemple, s'est fait une spécialité de le dire tous les ans en début d'année, sans que cela n'ait le moindre effet à la baisse).
Les 18h ou les 15 h de cours, de même que les préparations et les corrections sont tenues visiblement par l'administration de l'E.N pour quelque chose de tout à fait annexe puisqu'aussi bien elle s'emploie activement à nous mettre des bâtons dans les roues et à nous empêcher littéralement de faire notre travail.
Enseigner correctement dix huit heures ou vingt heures par semaine requiert une énergie constante. Si l'administration tenait tant que cela à nous voir ne manquer aucune heure elle commencerait très logiquement par diminuer tout ce qui rend une tâche déja impossible... encore plus impossible ! Tout au contraire elle continue à gaspiller l'énergie psychique des enseignants, qui pourtant est à la fois précieuse et indispensable.
Je soutiens donc que l'EN est en grande partie responsable d'un épuisement professionnel, qu'elle suscite et fomente elle même chaque année davantage...avant de mettre en place des "plans" pour la "continuité du service public" (face caméra, main sur le cœur, sourire aux fédérations).
Le "fléau" qu'elle combat, l'E.N en est elle même la première responsable.
Conclusion :
Il importe grandement que les parents sachent que l'énergie du professeur est dévoyée et malmenée par une institution perverse ou folle (peu importe, les historiens ou les philosophes le diront un jour) qui a totalement perdu le sens des priorités.
Une Institution qui, c'est inédit, fait en sorte d'empêcher les enseignants d'enseigner, à une époque où la crise des vocations bat son plein.
Il faut DONC rediriger en urgence cette énergie enseignante, en sorte qu'elle ne finisse pas par se dilapider ou pire s'exténuer complètement, en sorte qu'elle profite exclusivement à l'enseignement et à l'élève plutôt qu'à l'esbroufe ou la bureaucratie.
On pourrait par là réduire en grande partie les défaillances actuelles et à venir, que chacun redoute à juste titre.
Ce serait cela le bon plan, Madame la ministre.
[ Pour rappel quand même, d'après des statistiques, les enseignants sont moins absents que les salariés du privé et les moins absents dans la fonction publique.
Le taux d’absentéisme pour raisons de santé, tous secteurs confondus, est en moyenne de 3,7 % et qu'il est de 3,2 % dans l’enseignement (enseignants et autres personnels). C’est moins que la moyenne de l’administration publique (3,7 %) ]
Antoine Desjardins, professeur de lettres
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