Affaire 3 - Trois lourdes affaires de violences policières et de justice sous influence gouvernementale
Affaire 3 - Trois lourdes affaires de violences policières et de justice sous influence gouvernementale
Affaire 3
Les faits se sont déroulés, la nuit du 21 au 22 juin 2019, lors de la célébration de la Fête de la musique le long du quai Président-Wilson, sur l'île de Nantes, en Loire-Atlantique où un groupe de personnes, estimé à plus de 2 000 se trouvait réuni.
D’après un reportage de l’AFP et le journal Le Monde, comme chaque année une dizaine de murs d’enceinte (sound systems) étaient installés sur le quai. Les autorités avaient donné, jusqu’à 4 h du matin, l’autorisation de diffuser la musique.
Steve Maia Caniço, jeune homme de 24 ans, animateur en périscolaire et amateur de musique techno était présent à la fête. Selon les représentants de la police et l'IGPN, les participants à la fête ont agressé les policiers, qui ont alors répondu de façon proportionnée, notamment par l'utilisation de gaz lacrymogènes.
D’après des participants à la fête et des secouristes présents, l’intervention non justifiée des policiers a provoqué une panique ayant conduit à la chute de plusieurs personnes dans la Loire. En ce qui concerne Steve Maia Caniço, le rapport de l'IGPN conclut qu'il n'est pas possible d'établir un lien direct entre l'intervention policière et sa disparition.
Différentes chutes dans la Loire
Les autorités ont avancé des nombres différents de chutes de personnes dans la Loire. Tout d'abord, le jour des faits, la direction centrale de la Sécurité publique annonce trois chutes et ne mentionne aucune chute pendant l'intervention de la police. Puis le 24 juin, la préfecture annonce 14 chutes dans la Loire :
_ 7 personnes aidées à remonter sur le quai par les pompiers à remonter sur le quai.
_ 4 autres sont aidés par une association de sauvetage mandatée par la ville de Nantes
_ 3 autres réussissent à regagner la terre ferme après avoir trouvé des échelles.
Le rapport de l'IGPN signale qu’entre « 8 et 14 personnes sont tombées » et certifie que 3 ont été secourues dans la Loire avant l’intervention de la police. Toujours selon l'IGPN, des personnes sont tombées à l'eau pendant l'intervention de la police, mais « aucune des personnes n'a déclaré être tombée à l'eau du fait de l'action de la police ». Selon HuffPost, les témoins affirment que la police a chargé et que plusieurs personnes ont chuté dans l’eau dans le mouvement de panique ou aveuglées par les gaz lacrymogènes.
L’Inspection générale de la Police cherche à se défausser sur la mairie
Dans son rapport, l’Inspection générale de la Police nationale pointe un défaut de sécurisation des abords de la Loire, dû selon eux à une défaillance des autorités municipales. On peut lire dans le rapport :
« La ville n’avait mandaté que deux agents d’une société privée de sécurité afin d’empêcher la foule attirée par les sound systems de tomber dans le fleuve proche, alors même qu’ils étaient censés placer ces sound systems le long du quai Wilson. Elle a fait positionner des barriérages le long d’une partie seulement du quai Wilson, alors que les sound systems ont été installés jusqu’au bout du quai (en direction du pont des Trois Continents) ce qui a généré un risque pour le public. »
Le maire adjoint à la sécurité, Gilles Nicolas, répond à ces accusations1 :
Aymeric Seassau, adjoint PCF à la mairie de Nantes accuse :
[1]« Des barrières pour quoi faire ? Pour s'y faire écraser par la police ? Il y a des installations de ce type-là depuis vingt ans à cet endroit à Nantes, on n'a jamais eu de problème. La responsabilité de ce qui s'est passé ce soir-là est entièrement celle de la police. Le seul problème, c'est l'intervention et les outils utilisés ce soir-là. »
[2]Des agents de la Sécurité civile décrivent « De quoi créer la panique, des gens qui criaient et couraient désorientés. Un des secouristes fustige :
« Je ne sais pas quelle est la définition du mouvement de foule de l'IGPN, mais j'aimerais comprendre, si c'est 'un grand nombre de personnes qui fuient rapidement un nuage de gaz lacrymogène, alors oui, il y en a eu un. »
Ces éléments, les agents de la Sécurité civile assurent les avoir transmis à l'IGPN dans leurs témoignages. Dans le rapport pourtant, il n'est pas question de « personnes qui fuient » ou de « panique ».
Un précédent
[3]« Dans des conditions très proches, soit deux ans auparavant, le jour de la Fête de la musique 2017, sur le même quai Wilson, une intervention policière avait abouti à la chute de deux personnes dans la Loire. Les policiers nantais avaient alors opté pour « un repli tactique », sous la direction du même commissaire impliqué dans l'affaire de 20197. Suite à cela, la foule s'était dispersée lentement. Un compte-rendu d’opérations de police datant du 22 juin 2017 avait été rédigé et transmis à la préfecture ainsi qu’à la Direction centrale de la Sécurité publique (DCSP).
Un agent de sécurité publique ayant participé à des opérations dans le cadre des fêtes de la musique précise que les années précédentes déclare :
« Notre but est de protéger les jeunes, pas de les mettre en danger. D’ailleurs, il y a cinq ans de cela, lorsque j’étais sur le dispositif, comme nous savions que les berges n’étaient pas protégées et qu’ils étaient en état d’ébriété, nous attendions qu’ils s’épuisent d’eux-mêmes. Et vers 6, 7 heures du matin, ils arrêtaient. Ils ne dérangeaient personne puisqu’il n’y a pas d’habitation autour. Cette année, il ne fallait pas intervenir ou alors il fallait leur trouver un autre lieu de fête. »
Déclaration de la disparition de Steve Caniço
_ À 3 h du matin, il envoie trois derniers textos à ses amis :
« Je suis trop fatigué j'ai besoin d'aide. »
« Moi je suis au mur assis là où il y a le drapeau de Bretagne. »
« On peut se retrouver ou quoi STP. »
_ À 3 h 16, soit plus de 30 minutes avant l'arrivée des forces de l'ordre sur la zone, selon le rapport de l'IGPN, le téléphone portable de Steve Caniço « borne » pour la dernière fois au niveau du quai Wilson.
_ Le rapport de l'IGPN indique que « les premières investigations confirment que » Steve Caniço « était présent à proximité des lieux de l'opération de police ».
_ Le jour même (les événements s'étant déroulés tôt dans la matinée), Steve Caniço ne répond plus aux appels téléphoniques de ses amis. Il ne se présentera pas à son travail d'animateur scolaire dans la journée et les jours suivants. Celui-ci est alors considéré comme disparu et la police diffuse un appel à témoins dès le 24 juin. La disparition de Steve est d'autant plus inquiétante qu'il ne savait pas nager.
Steve Caniço aurait été aperçu pour la dernière fois à proximité immédiate du sound system Rebelle, en train de se reposer. Une de ses amies l'a vu endormi après 4 h du matin.
Le corps de Steve Maia Caniço est retrouvé
Enfin, le lundi 29 juillet 2019, après plus de 5 semaines, le corps de Steve Maia Caniço est retrouvé. Quel calvaire pour ses parents, proches et amis !
Macron et Castaner persistent et signent pour annihiler toutes responsabilités des forces policières dans la mort de Steve Maia Canico et des violences produites au cours de la tragique soirée. Il n’y a pas eu de répression, pas de bavures, les forces de l’ordre ont agi avec discernement et professionnalisme et s’il y a eu quelques violences elles sont justifiées, car précédées par celles des fêtards. L’Enquête administrative de l’IGPNconclut qu’il « ne peut être établi de lien » entre l’intervention des forces de l’ordre et la disparition de Steve.
Cependant, [4]l'avocate de la famille de Steve Maia Caniço, Me Cécile de Oliveira, s'est déclarée mardi soir étonnée de la prise de parole du Premier ministre :
« Je suis tout à fait étonnée que le Premier ministre ait pris la parole aujourd'hui. On annonçait plutôt une prise de parole du ministre de l'Intérieur pour qu'il donne connaissance des conclusions du rapport de l'IGPN. Le Premier ministre lui-même prend la parole, clairement, « l'affaire devient une affaire d'État ». Clairement, cette prise en main par l'exécutif d'une affaire qui est confiée à un juge d'instruction me paraît être révélatrice d'un moment politique très compliqué sur les interventions policières. »
[5] Confusion dans la chaîne de commandement
En revanche, ce que le rapport administratif révèle, sans toutefois s'y attarder, c'est un curieux flottement dans la chaîne de commandement.
_ Dès 4 h 37 en effet, soit peu après les premiers tirs de lacrymogènes, les écrans du centre de supervision urbain d'où est suivie l'opération montrent « un épais nuage de fumée blanche qui empêchait toute visibilité sur la réaction des participants ». Quasi immédiatement, l'ordre est donné deux fois de « cesser l'emploi des moyens lacrymogènes ». Ces ordres ne sont pas suivis d'effets.
_ Jusqu'à 4 h 52, moment où le commissaire de la section de CRS envoyée en « renfort » sur le quai fait cesser les tirs, les détonations lacrymogènes se poursuivent.
Une source policière confie à FranceInfo :
« À moins d'un péril imminent pour ses hommes, le commissaire sur le terrain était tenu d'obéir. »
L'avocate des 89 plaignants s’interroge :
« On constate un ordre hiérarchique qui n'est pas respecté et pourtant, l'IGPN nous dit qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause l'opération. ».
Marianne Rostan avocate de 88 plaignants, invoque l’obligation d’obéissance prévue par le code de la sécurité intérieure :
« Je ne conçois pas aujourd'hui que l'IGPN ne demande pas à ce commissaire pourquoi cet ordre n'a pas été respecté. Le commissaire a-t-il perdu le contrôle de ses hommes ? Dans ses conclusions, le rapport retient que « le commissaire divisionnaire ne se trouvait pas en capacité de diriger réellement ses effectifs » qui, pris à partie par des jets de projectiles, ont été contraints « de se défendre individuellement et d'initiative ».
Dans un document qui n'a pas été rendu public, mais dont des extraits ont été publiés par Mediapart le commandant de la section de CRS appelée à 4 h 50 en renfort explique avoir renoncé « à l'utilisation de tous moyens lacrymogènes pour éviter les mouvements de panique et les possibles chutes dans le fleuve voisin ». Ce n'est qu'à ce moment-là, vers 4 h 52, que la situation revient au calme. Le rapport de l'IGPN le retient d'ailleurs, estimant que c'est grâce à « la combinaison de l'arrivée d'une compagnie complète de CRS [...] et la fin effective du recours aux moyens lacrymogènes » que la foule a fini par se disperser.
Des témoignages
[6] Jérémy fait partie des 89 personnes présentes sur le quai Wilson, le soir de la Fête de la musique à Nantes, qui ont porté plainte contre les forces de l'ordre. Deux motifs : la « mise en danger de la vie d'autrui » et des « violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique ». Il confie au micro de France 3 :
« Je suis parti dans le mauvais sens, le sens du vent, les lacrymogènes m'ont suivi, c'était des fumées assez denses, je ne voyais plus rien. […] À un moment, j'ai mis les pieds dans le vide et je suis tombé à la renverse dans la Loire. Une chute de six mètres de haut, peu avant 5 heures du matin. »
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C’est le JDD qui est le plus explicite et complet dans la recherche de témoignages parmi les participants de la tragique soirée.
[7] Il titre : « le JDD a eu accès à 148 témoignages des plaignants en exclusivité »
Le soir de la Fête de la musique à Nantes, Steve Maia Caniço a perdu la vie à la suite d’une opération policière controversée. Si le rapport de l’IGPN nie les conséquences de la charge des forces de l’ordre, voire son existence même, le JDD a eu accès à 148 témoignages recueillis par l’association locale Média’Son qui apportent une autre vision de la fin de soirée. Ces récits donnent la mesure, à travers les yeux des fêtards, de la violence qui s'est abattue au cœur de la nuit, pendant une demi-heure, sur le bord de la Loire.
Peu déclarent connaître Steve Maia Caniço. Certains n'ont couché que quelques mots, rageurs ou douloureux. D'autres se sont plus longuement épanchés. Beaucoup, précis et méticuleux, décrivent une nuit de confusion et de grande brutalité.
***
Dix-huit des 148 témoins soutiennent avoir vu des gens tomber dans le fleuve. Aux alentours de 4h 40, une femme prise dans les gaz s'approche du bord pour mieux respirer. Elle expose :
« Soudain, j'aperçois une personne dans la Loire, elle avait du mal à nager et s'éloignait de la berge. Avec un petit groupe de personnes, nous lui parlions afin qu'elle reste éveillée et nous lui éclairions la berge pour qu'elle s'en approche. Les pompiers, sur un bateau à proximité, sont prévenus.[…]Je n'ai pas pu voir dans ce chaos et cette confusion si la personne avait été repêchée… »
***
Certains jurent avoir appelé les forces de l'ordre à la rescousse :
« Quand on est allés voir la police pour leur dire qu'il y avait des gens à l'eau, on s'est fait envoyer balader : « 'Cassez-vous ou on vous embarque ! », s'étrangle un témoin. Un autre, rencontré par le JDD, précise son souvenir. « On était une dizaine près de l'eau, on suivait un mec qui se débattait dans la flotte, relate-t-il. On est allés voir les flics pour qu'ils nous aident, ils ont répondu texto : « 'C'est pas notre boulot, c'est celui des pompiers. ». Un troisième explique pour sa part avoir vu quelqu'un « prévenir les CRS qu'une personne était tombée à l'eau ». Selon lui, ces derniers sont « venus avec des lampes de poche l'espace de dix secondes. Ils n'étaient même pas au bon endroit et ils sont repartis sans rien faire, vers leur fourgon. »
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« À partir de là, il faut imaginer des centaines de personnes qui hurlent en courant dans tous les sens, des bruits de « 'plouf » dans l'eau, du gaz partout, des détonations de grenades, des flics qui frappent des gens, égrène au téléphone l'un des 89 plaignants, encore choqué. C'était le chaos. »
Un témoin, rencontré depuis à Nantes, confesse sans finasser :
« On est tous pompettes, on est contents d'être là et les gars nous chargent pour une putain de dernière musique. Alors, ouais, les plus énervés, comme moi, on a foncé. Je le cache pas, on a lancé des bouteilles. »
Dix policiers porteront d'ailleurs plainte pour ces violences.
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« L'un des récits les plus violents concerne ce jeune plaignant qui parle du moment où il s'extirpe du nuage de gaz. Lui ne se retrouve pas devant la Loire, mais face à une rangée de policiers casqués. « Un CRS m'a mis un coup de matraque sur le dessus du crâne, je suis tombé par terre et ai reçu plusieurs coups », détaille-t‑il, assurant que c'est lui, le garçon frappé au sol qu'on aperçoit sur l'une des vidéos amateurs. Le jeune homme réussit finalement à se relever. Rebelote et coup de bouclier. De sa fuite, il n'a « pas vraiment de souvenirs », sinon que ses amis se sont occupés de lui. « J'avais du sang partout sur le crâne et j'étais à moitié sonné », retrace-t-il. »
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Sébastien
Violence et stupeur. Cette nuit du 21 juin, pour la Fête de la musique à Nantes, Sébastien s'est vu mourir noyé. Ce soir-là, ce peintre en bâtiment de 32 ans se laisse convaincre par un ami d'aller écouter la musique des sound sytems électros installés sur le quai Wilson comme chaque année. Il raconte :
« C'était sympa, j'ai rencontré des gens pas vus depuis longtemps. On s'est assis pour discuter. Sans garde-corps à ce niveau des berges, la Loire est laissée à bonne distance. Tout le monde le sait (Sébastien craint l'eau : il ne sait pas nager, mais, à cet instant, il n'y songe pas). Les copains éclusent quelques bières, parlent du son « vraiment cool », de ce qu'ils deviennent, de l'anniversaire de la mère de Sébastien organisé le lendemain. Et là, ça a pété, on n'a rien compris. On s'est retrouvés dans un nuage de gaz, mes yeux se sont mis à brûler, des gens couraient dans tous les sens. Désorienté, j’ai perdu mes amis. J'ai eu deux peurs : tomber par terre et arriver esquinté aux 60 ans de ma mère ; ou tomber dans la Loire et me noyer. Les yeux clos, j’avance à tâtons, dans la nuit, les cris et la lacrymo, je continue ; sauf que je pars dans le mauvais sens. En fait, là où il y avait moins de gaz, c'était vers la Loire. À 2 mètres de l'eau, mes jambes butent sur un corps penché au-dessus du fleuve. À quatre pattes, un homme hurle qu'il y a des gens dans l'eau, qu'il faut les sortir de là. Il était en train de les diriger, il m'a demandé de venir l'aider, mais moi je ne sais pas nager, j'avais un peu picolé. Terrifié, je recule doucement pour fuir la Loire et ses puissants courants, contre lesquels se débattent au moins trois personnes. Je me suis senti lâche et inutile. J'étais seul. C'était le premier contact de ma vie avec la police. J'arrête pas d'y penser. Des amis m'ont rassuré, m'ont dit que si j'avais marché un peu plus vite je tombais dans l'eau. C'était une putain de bavure. Il faut porter plainte. Mais j'ai même pas pensé à Steve, je ne connaissais pas l'histoire. Je me suis juste senti en danger. »
[1] https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/disparition-de-steve-a-nantes/avaient-ils-besoin-de-tels-moyens-les-lacrymogenes-au-coeur-de-la-polemique-sur-la-mort-de-steve-maia-canico_3567005.html
[2] https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/disparition-de-steve-a-nantes/avaient-ils-besoin-de-tels-moyens-les-lacrymogenes-au-coeur-de-la-polemique-sur-la-mort-de-steve-maia-canico_3567005.html
[4] https://www.europe1.fr/societe/mort-de-steve-lavocate-de-la-famille-evoque-une-affaire-detat-3912264
[5] https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/disparition-de-steve-a-nantes/avaient-ils-besoin-de-tels-moyens-les-lacrymogenes-au-coeur-de-la-polemique-sur-la-mort-de-steve-maia-canico_3567005.html
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