Affaire Abliazov : Interpol impuissante face à la criminalité en « col blanc »
Le retrait de Moukhtar Abliazov, condamné à de nombreuses reprises pour détournement de fonds et qui fait l'objet de poursuites judiciaires en Ukraine et en Russie, de la liste des personnes recherchées par Interpol, est une nouvelle illustration de l'incapacité de la justice internationale à lutter efficacement contre la criminalité financière.
Le 18 juillet, Interpol a retiré Moukhtar Abliazov, oligarque kazakh accusé de s’être livré à des détournements de fonds massifs, de sa liste des personnes recherchées. Cette décision incompréhensible est un nouvel exemple de la facilité avec laquelle certains criminels en col blanc, souvent issus de l’ex-bloc soviétique, se jouent de la justice internationale et parviennent à échapper aux poursuites judiciaires.
Car Moukhtar Abliazov, actuellement exilé en France, n’est pas un enfant de chœur. Banquier et ancien ministre kazakh, il est actuellement poursuivi au Royaume-Uni, au Kazakhstan, en Ukraine et en Russie, pour avoir détourné à son profit près de 10 milliards de dollars lorsqu’il présidait la banque BTA, flouant au passage des milliers de petits épargnants.
Suite à la découverte de ces malversations par les autorités kazakhes, M. Abliazov a fui le pays pour le Royaume-Uni, où il a résidé trois ans avant de s’enfuir à nouveau, cette fois-ci pour la France. Désireuse de faire la lumière sur cette affaire, la justice kazakhe a ouvert un procès contre l’oligarque et ses collaborateurs. A l’issu de celui-ci, Moukhtar Abliazov a été condamné à 20 ans de prison par contumace pour détournement de fonds, abus de pouvoir, et participation à un groupe criminel organisé.
Au Royaume-Uni, la Haute Cour de Justice l’a condamné, en 2012 et en 2013, à rembourser 4,8 milliards de dollars à la banque BTA et à 22 mois de prison pour outrage à la Cour. D’autres condamnations pourraient suivre, la Cour d’appel d’Angleterre et du pays de Galles ayant déclaré, le 2 février 2017, la justice britannique compétente pour traiter des accusations de dissimulation d’actifs portées à l’encontre de M. Abliazov et de son beau-fils, Ilyas Khrapounov, à qui on reproche d’avoir cherché à contourner le gel des avoirs imposé à l’oligarque.
Enfin, des poursuites pour détournement de fonds et blanchiment d’argent sont toujours en cours en Russie et en Ukraine, qui ont demandé l’extradition de Moukhtar Abliazov.
Comment expliquer qu’un oligarque poursuivi par la justice de plusieurs pays puisse profiter d’une totale liberté de mouvement, sans qu’Interpol n’y trouve quelque chose à redire ? Pourquoi retirer Moukhtar Abliazov de la liste des personnes recherchées alors que son complice suspecté, Ilyas Khrapounov, y figure toujours ? C’est à ces questions que doit rapidement répondre Interpol, sous peine de totalement se délégitimer et de perdre le peu de crédit que les citoyens accordent encore à une justice internationale dévoyée par les puissants.
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