Affaire Adèle Haenel, accusations de harcèlement sexuel : Christophe Ruggia, coupable idéal, innocent probable ?
Le 3 novembre 2019, le journal Médiapart publie une longue enquête sur l'affaire Adèle Haenel. Cette comédienne accuse le réalisateur Christophe Ruggia de « harcèlement sexuel », d'« attouchements » sur le torse et les cuisses et de « baisers forcés dans le cou ».
Les faits allégués auraient eu lieu alors qu'elle était âgée de 12 à 15 ans et se rendait de son plein gré chaque samedi chez le réalisateur dans son appartement parisien, notamment pour lui emprunter des films et discuter cinéma avec lui.
Sommaire :
Version de Christophe Ruggia concernant la rupture en 2005
Le mythe des trente témoins qui corroboreraient le récit d'Adèle Haenel
La connivence affective et physique entre un adulte et une jeune fille
Adèle casse avec le réalisateur, refuse de lui parler, mais lui reproche de ne plus s'occuper d'elle
Le témoignage de Mona Achache, ex-compagne de Ruggia
Le récit d'Adèle, énigmatique
La comédienne affirme que, à chaque fois qu'elle venait chez le réalisateur, il y avait une sorte de rituel :
« Je m’asseyais toujours sur le canapé et lui en face dans le fauteuil, puis il venait sur le canapé. »
Et là, elle dit qu'elle subissait ses « assauts », qu'il la collait, la caressait, l'embrassait dans le cou... Pour elle, il est clair qu'il « cherchait à avoir des relations sexuelles avec » elle. (s)
Apparemment, elle savait très bien ce qui l'attendait chez le réalisateur puisqu'elle déclare :
« À chaque fois je savais que ça allait arriver. Je n’avais pas envie d’y aller, je me sentais vraiment mal, si sale que j’avais envie de mourir. Mais il fallait que j’y aille, je me sentais redevable. » (s)
Lors de l'entretien avec Edwy Plenel le 6 novembre 2019, elle déclare qu'elle trouvait Christophe Ruggia « dégueulasse ». (entretien)
Une fois qu'elle était assise dans le canapé, elle explique qu'elle devait réagir pour échapper au réalisateur :
« Il était excité, je le repoussais mais ça ne suffisait pas, il fallait toujours que je change de place. » D'abord à l'autre extrémité du canapé, puis debout vers la fenêtre, « l’air de rien », ensuite assise sur le fauteuil. » Et « comme il me suivait, je finissais par m’asseoir sur le repose-pied qui était si petit qu’il ne pouvait pas venir près de moi », détaille-t-elle
Elle se déplaçait donc dans la pièce « l'air de rien » pour lui échapper, jusqu'à ce qu'elle s'asseye « sur le repose-pied qui était si petit qu’il ne pouvait pas venir près » d'elle. (s)(s)(s)
Ce repose-pied était donc son îlot de tranquillité.
Petite remarque :
L'enquête précise que lorsqu'Adèle venait chez Christophe :
Le cinéaste « procédait toujours de la même façon » : « des Fingers au chocolat blanc et de l’Orangina » posés sur la petite table du salon, puis une conversation (...) (s)
On suppose donc que le réalisateur l'invitait à s'asseoir à l'endroit où elle aurait les Fingers au chocolat blanc à portée de main. C'est à dire sur le canapé.
Par ailleurs, il serait intéressant que des experts en psychologie adolescente se penchent sur cette partie du récit d'Adèle.
Celle-ci arrivait dans l'appartement du réalisateur se sentant « si sale » qu'elle avait « envie de mourir », sachant « à chaque fois » ce qui l'y attendait. Et elle se serait « toujours » assise sur le canapé. Si vraiment elle était ultra certaine du cauchemar qui l'attendait sur ce canapé, on peut imaginer alors qu'elle aurait pu aller s'asseoir « l’air de rien » directement sur le repose-pied pour y manger ses Fingers. Cela lui aurait permis d'éviter les caresses dont elle accuse le réalisateur.
Il y a donc peut-être dans ses descriptions une part d'exagération adolescente, qui transforme un « quelque fois » en « toujours » et en « chaque fois ». Et il faut aussi tenir compte que de nombreuses années nous sépare de l'époque des faits allégués, et que le matériau de base est le ressenti d'une adolescente, pas les observations d'un scientifique équipé de caméras vidéos.
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Une contradiction ?
Dans l'enquête de Médiapart, dans le paragraphe immédiatement après les déclarations ci-dessus, on peut lire ceci :
Pour l’actrice, il est clair qu’« il cherchait à avoir des relations sexuelles avec [elle] ». Elle souligne ne pas se souvenir « quand s’arrêtaient les gestes » du cinéaste, et explique que ses « caresses étaient quelque chose de permanent ». Elle raconte la « peur » qui la « paralysai[t] » dans ces moments : « Je ne bougeais pas, il m’en voulait de ne pas consentir, cela déclenchait des crises de sa part à chaque fois », sur le registre de la « culpabilisation », affirme-t-elle. « Il partait du principe que c’était une histoire d’amour et qu’elle était réciproque, que je lui devais quelque chose, que j’étais une sacrée garce de ne pas jouer le jeu de cet amour après tout ce qu’il m’avait donné. » (s) (s)
Donc là, nous avons un coup de théâtre : en fait, lorsque le réalisateur est censé la caresser, elle est « paralysée » par la « peur ». Donc, elle ne « bouge pas ».
Dans l'enquête, dans le paragraphe juste au dessus de celui-ci, Adèle dit au contraire qu'elle devait « toujours » changer de place et qu'elle finissait pas se réfugier sur le repose-pied.
C'est gênant.
En effet, l'enquête de Médiapart nous présente les souvenirs d'Adèle comme étant « précis ».
Alors comment une telle contradiction est-elle possible ?
On peut imaginer que, 15 ans après, Adèle n'a au contraire pas de souvenirs réellement précis de la multitude des rendez-vous du samedi après-midi avec le réalisateur qui se sont étalés sur trois années.
Peut-être aussi qu'Adèle a oublié de préciser qu'en réalité deux types de scénarios pouvaient se produire : selon qu'elle était pétrifiée par la peur ou non.
Dans le premier cas elle ne bouge pas, et reste sur le canapé. Dans le second, n'étant pas immobilisée par la peur, elle se déplace dans la pièce pour aller sur le repose-pied.
Il faut alors remarquer ceci : les deux scénarios finissent de la même façon, elle ne couche pas avec le réalisateur.
En effet, selon les éléments d'accusation portés par Adèle, il n'y a jamais eu de relations sexuelles entre Adèle et Christophe Ruggia.
Pendant l'entretien avec Edwy Plenel le 4 novembre 2019, elle déclare que Christophe Ruggia, « n'est pas passé à l'acte » (i)
Et voilà ce qu'écrit la journaliste de Médiapart qui a mené l'enquête publiée le 3 novembre 2019 :
Adèle Haenel dit mesurer « la force folle, l’entêtement » qu’il lui a fallu, « en tant qu’enfant », pour résister, « parce que c’était permanent ». « Ce qui m’a sauvée, c’est que je sentais que ce n’était pas bien » (e)
Examinons maintenant la description exacte d'Adèle Haenel sur ce qui était censé se passer sur le canapé :
Christophe me collait, m’embrassait dans le cou, sentait mes cheveux, me caressait la cuisse en descendant vers mon sexe, commençait à passer sa main sous mon T-shirt vers la poitrine (s)
Jamais elle ne décrit un geste qui irait sur la poitrine ou sur le sexe.
Dans l'enquête de Médiapart, il est impossible de trouver la moindre description qui permettrait de dire que les gestes qu'elle affirme avoir subi touchent des zones érogène.
Les gestes vont « vers ».
Mais apparemment, ils s'arrêtent en chemin.
Ou bien, ils font marche arrière ?
On ne sait pas.
Par ailleurs, tout au long de l'enquête, elle ne prononce jamais les mots « agression sexuelle ». Elle ne prononce jamais non plus les mots « abus sexuels ». Elle parle juste d'« abus ».
Un abus de caresses non sexuelles ? (s)
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Première conclusion : Adèle Haenel se rend chez Christophe Ruggia de son plein gré chaque samedi. Mais si l'on en croît ses récits, elle le fait la mort dans l'âme, rejoignant un homme qu'elle trouve dégueulasse et sachant très bien à quoi s'attendre de sa part.
Une fois sur le canapé, elle subit des caresses qui visiblement ne touche jamais les zones sexuelles.
Ensuite, soit elle fuit vers le repose-pied, et il ne se passe rien de plus.
Soit elle est paralysée par la peur, elle ne bouge pas, et il ne se passe rien de plus non plus.
D'après ce qu'elle explique, il lui faudrait alors simplement endurer les chantages verbaux de Christophe.
Chantages qui pendant trois ans ne marcheront jamais puisque elle affirme qu'il n'est jamais passé à l'acte.
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Une autre contradiction ?
Lors de l'interview d'Adèle Haenel par Médiapart diffusée le 4 novembre 2019, Edwy Plenel, patron du journal, interpelle Adèle : « Vous dites qu'il est excité et qu'il veut des relations sexuelles »
Adèle répond du tac au tac : « Ca c'est mon interprétation. Je pense qu'elle est assez valable étant donné que j'ai quand même subi ses assauts pendant pas mal de temps, pour ne pas dire quelques années. » [i]
Puisqu'il s'agit d'une « interprétation » de sa part, alors cela signifie que Christophe Ruggia ne lui a jamais verbalisé un quelconque désir. Jamais il n'a prononcé de mots qui signifieraient qu'il aurait envie de coucher avec elle. S'il l'avait fait, alors Adèle n'aurait rien eu à « interpréter ». Elle aurait su directement de sa bouche ce qu'il voulait. Donc il n'a rien dit.
Or, dans l'enquête de Médiapart, rappelez-vous ce qu'elle affirme :
« Je ne bougeais pas, il m’en voulait de ne pas consentir, cela déclenchait des crises de sa part à chaque fois », sur le registre de la « culpabilisation ». « Il partait du principe que c’était une histoire d’amour et qu’elle était réciproque, que je lui devais quelque chose, que j’étais une sacrée garce de ne pas jouer le jeu de cet amour après tout ce qu’il m’avait donné. »
Le genre de scène que décrit ici Adèle Haenel est une scène où Christophe Ruggia lui aurait reproché de ne « pas consentir », et l'aurait fait culpabiliser à ce sujet.
Si cette scène avait réellement existé, Adèle Haenel aurait été parfaitement au courant que Ruggia voulait une relation sexuelle, sans avoir à rien interpréter du tout.
Donc, a priori, cette scène de « culpabilisation » n'a jamais existé.
Ou alors elle a existé mais n'a rien à voir avec le sujet : peut-être qu'Adèle ne « consentait » pas à aller à un casting que lui avait programmé le réalisateur, quelque chose de ce genre, et puis que les souvenirs se sont mélangés dans la tête d'Adèle ? ?
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Conclusion :
Les récits d'Adèle Haenel devront faire l'objet d'une étude par divers experts, notamment des experts en psychologie adolescente. En effet, en première analyse, les souvenirs d'Adèle Haenel semblent manquer de cohérence et de clarté. On peut toutefois noter que, selon le témoignage d'Adèle, Christophe Ruggia n'est « pas passé à l'acte ».
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Le scénario le plus probable
Adèle prétend qu'elle venait chez Christophe car elle se sentait « redevable ».
La raison de sa venue chez Christophe les samedis après-midi est certainement tout autre, et toute simple : elle l'aimait beaucoup et se réjouissait d'être en sa compagnie pour discuter cinéma.
Vincent Rottiers est le deuxième jeune acteur ayant participé avec Adèle au tournage du film Les Diables en 2001. Il témoigne qu'à l'époque Adèle « n’arrêtait pas » de « coller » Christophe Ruggia, « comme une première de la classe avec son prof ». (e)
Le père d'Adèle déclare que, pour sa fille, Christophe « était l’alpha et l’oméga ». (e)
Et Adèle déclare elle-même pendant l'enquête de Médiapart que Christophe était alors à ses yeux « une sorte de star, avec un côté Dieu descendu sur Terre ». (e)(s)
Quelle adolescente ne rêverait pas de fréquenter sa « star » ?
Et inversement Christophe avait développé pendant les longs mois où il travaillait avec Adèle une affection paternelle pour elle.
Tina Baz, la monteuse du film, déclare que Christophe Ruggia était « respectueux », « d’une affection formidable », « avec un investissement absolu dans son travail » et une « relation paternelle sans ambiguïté » avec Adèle. (e)
Visiblement, il y avait une réciprocité des affects.
Il est donc parfaitement naturel qu'Adèle ait eu envie de revoir Christophe après la fin du tournage du film. Et réciproquement.
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Version de Christophe Ruggia concernant la rupture en 2005
Entre 2002 et 2005 Adèle Haenel échouait à tous ses castings, et elle avait, selon Christophe Ruggia, tout misé sur son futur film. En effet, ce dernier lui avait promis de lui écrire un nouveau rôle.
Mais en 2005, Christophe Ruggia doit lui annoncer qu'elle ne jouera pas dans sa prochaine réalisation, car son producteur ne veut pas « en entendre parler ». Christophe Ruggia déclare : « Le lendemain, je recevais une lettre d'une violence inouïe où elle racontait qu'elle stoppait le cinéma parce que je l'avais trahie et manipulée. » (s)(s)(s)
Pour le moment, cette information n'est pas recoupée.
Mais admettons que Christophe Ruggia dise vrai.
Comme nous venons de le voir dans le chapitre précédent, Adèle avait une admiration pour Christophe, et, inversement, elle recevait beaucoup de marques d'affection de sa part. (s)
Et d'ailleurs cela continue : 15 après, Christophe la soutient toujours, et met en ligne à chaque fois que sort un nouveau film d'Adèle Haenel un message sur sa page Facebook avec un coeur. (s)(s)
Le contexte de base est donc très certainement celui d'une grande affection entre Adèle et Christophe.
Dans ce contexte là, la « trahison » du réalisateur pourrait avoir deux aspects.
Il trahit une promesse.
Ce n'est déjà pas rien.
Mais en plus, Adèle peut avoir le sentiment que le réalisateur ne l'aime pas vraiment, que toutes ses marques d'affection n'étaient que du vent.
Il est donc tout à fait vraisemblable qu'elle ait ressenti à la fois une blessure de coeur intense et un sentiment de dévalorisation profond, d'autant plus qu'à l'époque, elle est en échec professionnel.
Et c'est cela qu'elle lui ferait payer aujourd'hui.
On retrouve souvent dans son discours que Christophe Ruggia l'a trompé sur l'amour qu'il éprouvait pour elle.
Il jouait clairement la carte de l’amour, il me disait que la pellicule m’adorait, que j’avais du génie. J’ai peut-être cru à un moment à ce discours. (e)
L'expression « Il jouait clairement la carte de l’amour » indique que pour Adèle il ne s'agissait que d'une stratégie sans sincérité.
Et elle rajoute : « J’ai peut-être cru à un moment à ce discours. »
Sous-entendu : elle n'aurait pas dû le croire car son affection n'était en réalité pas authentique.
Et finalement, elle traite Christophe de « pédophile », c'est à dire un homme sans amour, asservi à ses intérêts propres.
« Ce qu'aujourd'hui je considère clairement comme de la pédophilie et du harcèlement, je me forçait à penser à l'époque, que c'était de l'amour. Au fond de moi, j'ai toujours su que quelque chose clochait, que ce n'était pas de l'amour. » (i)(s)
15 ans plus tard, Adèle dénie complètement l'existence d'une affection sincère de la part du réalisateur.
Mais cela n'est que son jugement personnel bien sûr. A l'inverse de ce que dit Adèle, Christophe Ruggia peut tout à fait avoir une très grande affection pour elle, comme nous le verrons plus tard.
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Le mythe des trente témoins qui corroboreraient le récit d'Adèle Haenel
Un mythe important pour l'affaire est celui des témoignages qui corroboreraient celui d'Adèle, « plus de vingt » rapporte par exemple Le Parisien. (s)
Ce mythe est important dans la mesure où il est brandit par tous ceux qui ont condamné Christophe Ruggia avant qu'il ait pu bénéficier d'un procès en justice.
Or, aucun des 30 témoins interviewés par Médiapart n'était présent, par définition, lors des têtes-à-têtes qu'ont eu la comédienne et le réalisateur pendant trois ans dans l'appartement parisien de Christophe les samedis après-midi.
Aucun témoin n'a vu jamais le moindre signe de harcèlement sexuel de la part de Christophe.
Voilà ce qu'on peut lire dans l'enquête de Médiapart :
Comment distinguer, sur un tournage, la frontière subtile entre une attention particulière portée à une enfant qui est l’actrice principale du film, une relation d’emprise et un possible comportement inapproprié ? À l’époque, plusieurs membres de l’équipe peinent à mettre un mot sur ce qu’ils observent. D’autant qu’aucun d’entre eux n’a été témoin de « geste à connotation sexuelle »
Tout est dit.
Et le reste n'a aucune importance.
Ou tout au moins ne devrait en avoir aucune.
Mais étudions tout de même les deux reproches faits à Ruggia : l'emprise et la connivence physique.
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Pas de dimension sexuelle dans la relation Adèle / Christophe pendant le tournage des Diables en 2001
Mais avant il faut préciser une chose très importante.
Adèle affirme que c'est seulement après le tournage des Diables que la relation avec Christophe a « glissé vers autre chose ». (e)(s)
Et une autre formulation présente dans l'enquête de Médiapart le confirme :
l'« emprise (...) aurait ensuite ouvert la voie, selon l’actrice, à des faits plus graves, après le tournage ».
En réalité, les seuls faits reprochés au réalisateur par les témoins pendant le tournage sont l'« emprise » ainsi que sa connivence affective et physique avec la comédienne. Si vraiment quelque chose de « plus grave » a eu lieu, c'est à dire quelque chose de sexuel, alors ce fut après le tournage.
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L'« emprise », concept ambigu
Médiapart a interrogé 20 membres de l'équipe du tournage du film Les Diables qui a eu lieu en 2001. Neuf d'entre eux « décrivent une « emprise », ou bien un fort « ascendant » ou encore un rapport de « manipulation » du cinéaste avec les deux comédiens, qui le percevaient comme « le Père Noël » ». (e)
Les deux comédiens en question sont les jeunes Vincent Rottiers et Adèle Haenel.
Première remarque : Vincent Rottiers et Adèle Haenel étaient volontaires pour accepter l'« emprise » de Christophe Ruggia. Les acteurs sont en effet consentants pour subir ce qu'on appelle la « direction d'acteurs » par le réalisateur, une « emprise » qui consiste pour le metteur en scène à diriger ses comédiens dans leur façon de jouer.
C'est le métier.
Un réalisateur qui essaie d'obtenir de ses jeunes acteurs des performances millimétrées dans des scènes difficiles comme l'éveil à la sensualité va évidemment les « diriger », ce qui est une forme de « manipulation ».
Eric Guichard, chef opérateur dont le témoignage figure dans l'enquête de Médiapart, ne dit pas autre chose :
Eric Guichard décrit un « ascendant évident » de Ruggia, mais qu’il a placé « au niveau de la fabrication d’un film de cinéma » et attribué « à la difficulté du personnage d’Adèle ». (e)
A nouveau interrogé, mais cette fois par le magazine Marianne, Eric Guichard ajoute :
« Christophe Ruggia a été clair dès le départ en précisant qu'il ne voulait voir aucun membre de l'équipe interférer avec Vincent Rottiers et, vu son rôle d'autiste, avec Adèle en particulier. Ruggia savait où il allait, même si cette façon de travailler pouvait se révéler dure et épuisante. » (s)
Deuxième remarque : une emprise dans un certain domaine ne préjuge en rien d'une emprise dans un autre domaine. C'est bête à dire, mais par exemple, si vous êtes parent, vous parviendrez peut-être à imposer à votre enfant une heure de coucher, mais il se peut que vous ne parveniez jamais à lui faire avaler un plat qu'il déteste !
Et d'une manière générale, le concept d'« emprise » est très ambigu. Un nourrisson de trois mois peut avoir une « emprise » colossale sur ses parents, leur imposant ses besoins en permanence.
Le concept étant ambigu, il est très subjectif et permet des décryptages variés :
On peut dire par exemple qu'Adèle était sous l'« emprise » de ses propres sentiments d'affection pour le réalisateur, et c'est pour cela qu'elle le « collait » comme dit Vincent Rottiers, et retournait donc le voir chaque samedi.
Et puis de toutes façons, comment pourrait-on déduire d'une quelconque « emprise » du réalisateur sur sa jeune comédienne que le réalisateur aurait eu une intention sexuelle ?
Brandir sans cesse ce concept d'« emprise » comme preuve que le réalisateur serait coupable n'est tout simplement pas sérieux.
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La connivence affective et physique entre un adulte et une jeune fille
Revenons à Eric Guichard, le chef opérateur. Il affirme avoir « rarement » vu « une relation si fusionnelle » entre un réalisateur et son actrice. Selon lui, la jeune comédienne était « habitée par son rôle », « subjuguée par Christophe, très investie » et « ne se confiait qu’à lui ».
Même si Eric Guichard n'a pas vu de « geste déplacé » lui non plus, son commentaire en appelle un autre : lorsqu'un adulte a une connivence, notamment physique, avec une jeune fille qui n'est pas de son sang, cela peut facilement entraîner des craintes chez certaines personnes.
A vrai dire, la peur de la pédophilie est devenue tellement forte dans notre société (s), que certains finissent par voir le mal partout et ne supporteraient peut-être pas non plus qu'un père soit très proche de sa fille.
Le conseil suivant, par exemple, tirée du site Nos Pensées, pourrait se révéler complètement inaudible pour certains :
Il est important de prendre conscience de ces occasions au cours desquelles on peut avoir un contact physique avec les enfants, et ce par le biais de différents gestes : leur prendre la main, leur caresser la tête, leur faire des câlins et des bisous. Manifester de l’affection physique à nos enfants, aussi grands soient-ils, cela ne les fera pas fuir, bien au contraire ; cette intimité est bénéfique pour les parents comme pour les enfants, et renforce la relation que l’on entretient avec eux. (s)
Il paraît donc absolument normal que quatre membres de l'équipe de tournage aient trouvé quelque chose à redire à la liaison fusionnelle entre Adèle et Christophe.
Laëtitia Cangioni, régisseuse générale du film :
« Les rapports qu’entretenait Christophe avec Adèle n’étaient pas normaux. On avait l’impression que c’était sa fiancée. On n’avait quasiment pas le droit de l’approcher ou de parler avec elle, parce qu’il voulait qu’elle reste dans son rôle en permanence. »
Hélène Seretti, comédienne : Christophe « collait trop » à Adèle. Il était tactile, mettait ses bras sur ses épaules, lui faisait parfois des bisous.
Dexter Cramaix, technicien de régie, et compagnon (s) de Hélène Serretti :
Leur relation n'était « pas à la bonne place », « trop affectives » et « exclusives », « au-delà du purement professionnel ».
Edmée Doroszlai, scripte : Christophe et Adèle ressemblaient à « un couple, ce n’est pas normal. »
Et oui, c'est vrai : une relation proche entre un adulte et une jeune fille, sans aucune dimension sexuelle, peut déjà être vue comme « pas normale » et déclencher une suspicion chez certaines personnes, voire un malaise, une gêne.
Mais ce n'est pas le cas pour tout le monde.
Par exemple, d'autres membres de l'équipe, comme le dit l'enquête de Médiapart, assurent eux n'avoir « rien remarqué ». Et la monteuse du film, Tina Baz, affirme que Christophe avait avec Adèle une « relation paternelle sans ambiguïté ».
Que seulement 4 personnes sur 20 aient fait des remarques dépréciatives sur la connivence affective et physique de Christophe et Adèle pourrait même surprendre à notre époque ! Mais le tournage du film a eu lieu en 2001, et depuis, la crainte de la pédophilie a pris de l'ampleur.
Conclusion : la seule chose que peut démontrer l'enquête de Médiapart, c'est la connivence entre Christophe et Adèle. Et que personne n'a été témoin de « geste à connotation sexuelle ».
Mais, désormais qu'Adèle accuse le réalisateur de l'avoir harcelée sexuellement, cette relation saine devient le support de toutes les projections que l'on peut faire lorsque le tribunal médiatique nous a asséné que l'accusé est un pédophile ayant agressé sexuellement une jeune fille (voir mon article précédent).
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La contre-enquête de Marianne
Cette contre-enquête indique que : sur la centaine de personnes ayant participé au tournage, 20 ont été sollicitées. Quatre seulement, dont deux en couple, affirment avoir ressenti quelque chose d'anormal... Au final, personne du groupe n'a été témoin de « geste à connotation sexuelle » (pressreader).
Et elle apporte des éléments nouveaux, donnant par exemple des précisions sur Laëtitia Cangioni et Edmée Doroszlai, qui sont deux personnes ayant trouvé que la relation entre Christophe et Adèle n'était pas « normale ».
Dans l'enquête de Médiapart, il est indiqué que Laëtitia Cangioni, régisseuse générale, a quitté le tournage sur la fin, victime d'un burn-out. Or, selon le directeur de production Erik Deniau, elle est partie au premier tiers du film :
« Elle a explosé en vol parce qu'elle n'avait pas les épaules pour supporter les contraintes de ce tournage difficile. Car, en plus d'un budget réduit, Christophe était capable d'attendre longtemps si un détail dans un décor ou une lumière ne lui convenait pas. Un professionnalisme susceptible d'instiller de la tension au sein de l'équipe ». (contre-enquête)
Il faudra donc vérifier quels étaient les sentiments de Laëtitia vis-à-vis du réalisateur.
Edmée Doroszlai, la scripte, affirme dans l'enquête de Médiapart avoir « tiré la sonnette d'alarme » en constatant « l'épuisement et la souffrance mentale des enfants ». « Ça allait trop loin. Pour les protéger, j’ai fait arrêté plusieurs fois le tournage et j’ai essayé de contacter la DDASS. »
Pour le directeur de production Erik Deniau il s'agit d'une « pure affabulation. A aucun moment, le tournage n'a été stoppé. Vous imaginez, bloquer une quarantaine de personnes sur un plateau, vu ce que ça coûte ! Et si jamais cela avait dû se produire, ce n'est certainement pas une scripte qui aurait pu imposer une telle décision ». (contre-enquête)
Il ne paraît donc pas du tout invraisemblable que le témoignage d'Edmée Doroszlai soit orienté.
Selon Marianne, elle était la seule à avoir refusé de signer son contrat, malgré les demandes répétées de la production. Puis elle avait attaqué en justice la production pour « travail dissimulé », et gagné.
Et selon Ruggia, elle avait des raisons de le charger, car il avait refusé de se joindre à elle dans son attaque en justice de la production. Et il avait appris aussi par la suite qu'elle voulait être créditée comme coréalisatrice du film au vu de sa grande charge de travail.
Bref, on comprend que chaque témoignage devra être examiné à la loupe pour vérifier s'il ne s'agit pas d'un règlement de compte vis-à-vis du réalisateur.
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L'amère ironie du sort
Si l'on postule que Christophe Ruggia est innocent, alors ce qu'il doit vivre aujourd'hui est probablement terrible. Les témoignages de deux membres de l'équipe du tournage de Les Diables le décrivent dans une relation « fusionnelle » et « paternelle sans ambiguïté » avec Adèle, donc une très belle relation.
Tout ce qui est désormais plaqué sur cette relation est profondément laid.
Même le début de la relation, qui a pourtant dû être géniale pour Adèle, est noircie.
Dans ses carnets rédigés en 2006, Adèle parle de ce que représentait pour elle le fait de pouvoir participer au tournage du film Les Diables en 2001 :
Elle y évoque la « nouveauté », le « rêve », le « privilège » d’« être seule sur scène, au centre de l’attention de tous ces adultes », « de sortir du lot ». (e)
Adèle affirme également que c'est uniquement après le tournage des Diables que la relation avec Christophe a « glissé vers autre chose ». (e)
Cette première expérience cinématographique n'a donc sûrement pas été un calvaire.
D'autres éléments le confirment.
Selon Véronique Ruggia, assistante de son frère : « Comme pour tout tournage avec des enfants, la Ddass avait approuvé le scénario. Ceux-ci avaient rencontré une psychologue afin de bien vérifier qu'ils se sentaient prêts à incarner leur personnage. Elle leur avait même donné un numéro d'urgence à appeler en cas de problème. Quant à moi, ça fait partie de mon travail, j'ai revérifié, juste avant le tournage, qu'ils étaient toujours d'accord avec ce qu'on attendait d'eux ».
Et Véronique Ruggia était là lors des quatre mois qui ont précédé le tournage du film, pendant lesquels elle et Christophe ont fait répéter les deux jeunes acteurs un jour et demi par semaine, le mercredi après-midi et une journée le week-end. (contre-enquête)
Dans l'enquête de Médiapart, cette période est présentée comme celle où « l’emprise » du metteur en scène s’est nouée, dans un « conditionnement » et un « isolement ». (enquête)(s)
Un « isolement » ?
Pour Véronique Ruggia, spécialisée en coaching d'enfants, « tout était extrêmement cadré. Les répétitions se faisaient dans des endroits neutres. Des professeurs de voix, de danse et de buto leur ont prodigué une formation de qualité. »
Ces exercices particuliers étaient destinés à « les mettre en confiance pour qu’ils puissent jouer des choses difficiles : l’autisme, l’éveil à la sensualité, la nudité, la découverte de leur corps ». Le réalisateur déclare : « Tous les trois, nous avons développé des connivences extraordinaires ».
Regardez ci-dessous. Remarquez par exemple sur cette photo prise en 2002 la main gauche du jeune Vincent Rottiers posée sur la main de Christophe Ruggia, et la main gauche d'Adèle posée sur l'épaule du réalisateur. Ne ressent-on pas cette « connivence » ?
Le droit de réponse du réalisateur, publié par Médiapart le 6 novembre, montre l'affection particulière de Christophe Ruggia pour Adèle Haenel :
« J’avais une admiration sans borne pour son envie de cinéma et pour le talent que j’avais décelé chez elle, et j’étais blessé que la plupart des personnes qui m’entouraient ne le voient pas chez elle. À cette époque, il n’y en avait que pour Vincent Rottiers, lui aussi un acteur exceptionnel, qui portait en grande partie « Les Diables » sur ses épaules. Ce que je vivais alors comme une injustice faite à Adèle Haenel. » (droit de réponse de Ruggia)(s)
Et l'enquête de Médiapart indique que Christophe a écrit deux lettres à Adèle après qu'elle a rompu avec lui, l'une en 2006 et l'autre en 2007. Il y évoque son « amour » pour elle : « Tu me manques tellement, Adèle ! », « Tu es importante à mes yeux », « La caméra t’aime à la folie ». Il ajoute qu’il devra « continuer à vivre avec cette blessure et ce manque », tout en espérant une « réconciliation ».
Reprocherait-on à un père d'avoir une « admiration sans borne » pour certaines qualités de sa fille ? D'avoir de l'affection pour elle et de souffrir lorsqu'elle se fâche avec lui et s'éloigne de lui ?
Et pourtant, c'est précisément cette affection pour Adèle qui condamne Ruggia aujourd'hui.
Cette proximité affective avec Adèle fait de lui le pire des êtres humains.
Tout se retourne contre lui.
Il est facile d'imaginer qu'il puisse se sentir « dévasté ». (s)
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Adèle rompt avec le réalisateur, refuse de lui parler, mais lui reproche de ne plus s'occuper d'elle
Dans l'enquête de Médiapart, on peut lire ceci :
La comédienne affirme avoir adressé, début 2005, une lettre au metteur en scène, dans laquelle elle lui explique qu’elle ne « veut plus venir chez lui » et qu’elle « arrête le cinéma ».
(...)
De son côté, le réalisateur, qui lui écrira avoir reçu sa lettre « en plein cœur », tente de renouer le contact, via sa meilleure amie (...) « On a déjeuné ensemble à la Cantine de Belleville, se souvient cette dernière. Moi, je n’étais au courant de rien. Au milieu de la discussion, il m’a dit qu’Adèle ne lui parlait plus, il a essayé d’avoir des nouvelles et implicitement de faire passer un message. »
De plus, l'enquête de Médiapart indique que Christophe a écrit deux lettres à Adèle après qu'elle a rompu avec lui, l'une en 2006 et l'autre en 2007.
Il écrit : « Tu me manques tellement, Adèle ! », « Tu es importante à mes yeux », « La caméra t’aime à la folie ». Il explique qu’il devra « continuer à vivre avec cette blessure et ce manque », tout en espérant une « réconciliation ». (s)
Christophe semble donc souffrir de la rupture voulue par Adèle.
Or, lors de l'entretien filmé du 4 novembre 2019, où Edwy Plenel, patron de Médiapart, interviewe Adèle, cette dernière lit une longue lettre adressée à son père, où elle relate le moment où elle a quitté Christophe et arrêté le cinéma.
Elle dit notamment :
« J'ai coupé les ponts avec tout le monde. J'ai quitté mon agent, j'ai arrêté les castings (...). J'ai choisi de survivre et de partir seule, plutôt que de rester. Qui alors est venu me voir pour m'aider ? Pour mon bien, pour ma carrière ? Toute la bienveillance de Christophe ne l'a pas trop empêcher de se détourner de moi et de poursuivre son engagement politique en faveur des enfants, sa vie dans le monde du cinéma comme si de rien n'était. » (i)
Donc, elle envoie une lettre de rupture au réalisateur. Elle le met à distance, et refuse la communication. Le réalisateur souffre de la situation, cherche à lui faire passer des messages par sa meilleure amie, espère une réconciliation, lui envoie des lettres pour lui dire qu'elle lui manque.
Et Adèle affirme qu'il se « détourne » d'elle ?
Comme toujours avec Adèle, qui empile les déclarations contradictoires ou illogiques, on nage en plein brouillard.
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Une dynamique de vengeance
Pendant l'entretien du 6 novembre 2019 avec Edwy Plenel, Adèle affirme avoir été « auparavant » dans une « dynamique de vengeance » (entretien).
Elle dit également pendant cet entretien :
« Aiguisée par un désir de revanche, je suis devenue une lame. Je n'ai fait que devenir plus puissante. Jusqu'à devenir ce que je suis aujourd'hui. Je parle de statut social. Je suis puissante aujourd'hui socialement. Et Christophe n'a fait que s'amoindrir. » (i)
Par ailleurs, Adèle Haenel prétend pendant l'entretien avoir une démarche « extrêmement pacifiste » (i).
Et elle affirme ne plus être dans une « dynamique de vengeance », son but étant maintenant la « libération de la parole » : « C'est un bienfait, dans les collectifs, dans les familles, qu'en fait on se parle, et qu'on reconnaisse nos torts ». (i)
« Si j'en parle, ce n'est pas pour brûler Christophe. C'est pour remettre le monde dans le bon sens. » déclare-t-elle (i)
Pourtant, à écouter cette interview, on pourrait avoir l'impression exactement inverse, c'est à dire qu'elle fait tout pour enfoncer Christophe, comme par exemple dans le passage suivant, lorsqu'elle lit la lettre qu'elle a écrit pour son père :
« Christophe ne voulait pas voir les choses en face, c'est à dire qu'il ne pouvait pas me mettre deux gifles et me forcer par la contrainte physique, car alors, il n'aurait pas pu éviter de se voir tel qu'il est, c'est à dire un homme de quarante ans, qui abuse d'un enfant de 12, 13, 14 ans. Tu comprends, ce n'est pas par respect pour l'enfant que j'étais qu'il n'est pas passé à l'acte, c'est par peur de se regarder en face. » (i)
On rêverait évidemment de voir tous les pédophiles s'abstenir de passer à l'acte. (s)
Et même en supposant que Christophe Ruggia est un pédophile, on ne peut que se réjouir qu'il ne soit pas « passé à l'acte » avec Adèle.
Mais Adèle, non, elle ne se réjouit pas.
Il est vrai que les pédophiles qui ne passent pas à l'acte sont des « pédophiles abstinents », qui maîtrisent leurs pulsions, respectent les enfants, et peuvent donc, théoriquement, être acceptés par notre société.
Mais, était-il tolérable que Christophe Ruggia puisse bénéficier d'une image somme toute pas trop négative ?
Quoiqu'il en soit, Adèle explique que la seule chose qui a retenu Christophe Ruggia de ne pas passer à l'acte n'est pas le respect qu'il éprouve pour elle, un sentiment certainement trop noble pour lui, mais son incapacité à s'assumer en tant que pédophile, son refus de reconnaître ses tendances naturelles, bref, sa lâcheté et son hypocrisie.
On peut donc imaginer que, s'il avait été un tout petit peu moins couard et malhonnête, il l'aurait violée. Donc que Christophe Ruggia est un violeur en puissance.
Et plusieurs fois dans cet entretien, c'est la même chose : elle se livre à de féroces réquisitoires contre Christophe Ruggia.
Par ailleurs, Adèle Haenel manifeste beaucoup de colère tout au long de cet entretien.
Cepenant, il faut noter qu'en avril 2019, lorsqu'Adèle fait sa première longue déclaration à Médiapart, elle déclare : « Je suis vraiment en colère, Mais la question ce n’est pas tant moi, comment je survis ou pas à cela. Je veux raconter un abus malheureusement banal, et dénoncer le système de silence et de complicité qui, derrière, rend cela possible. » (enquête)(s)
Ainsi, la colère qu'elle ressent ne serait pas dirigée contre Christophe Ruggia, mais contre un « système ».
A cause de ce mélange entre dénonciation militante et dénonciation personnelle, il devient complexe de faire la différence entre une saine colère et un éventuel désir de vengeance non assumé.
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Le témoignage de Mona Achache, ex-compagne de Ruggia
Selon l'enquête de Médiapart, Mona Achache affirme que Christophe Ruggia lui aurait parlé du fait qu'il aurait été « amoureux » d'Adèle.
Elle dit que Christophe lui aurait relaté une scène précise : « Il regardait un film avec Adèle, elle était allongée, la tête sur ses genoux à lui. Il avait remonté sa main du ventre d’Adèle à sa poitrine, sous le tee-shirt. Il m’a dit avoir vu un regard de peur chez elle, des yeux écarquillés, et avoir pris peur lui aussi et retiré sa main. » (enquête) (s)
Ruggia affirme ne pas avoir raconté une scène de ce genre à Mona Achache. Il dit qu'au début de sa relation avec Mona Achache, il lui avait simplement confié sa « fascination pour l'actrice », sa « tristesse de n'avoir pas pu la faire tourner dans un second film », et sa « douleur devant sa violente réaction ». Selon lui, « le reste n'est que pure invention. » (contre-enquête)
Néanmoins, le témoignage de Mona Achache pourrait être capital, car il vient conforter la version d'Adèle.
Adèle affirme en effet que, durant la scène récurrente du canapé : Christophe Ruggia « commençait à passer sa main sous mon T-shirt vers la poitrine ». (s)
Il faut savoir que, dans un procès, ce type de témoignage concordant peut représenter un élément déterminant pour les magistrats.
Encore faudrait-il bien sûr que les juges décident qu'une main sous un T-shirt est suffisante pour caractériser une agression sexuelle, mais c'est là un autre sujet.
Mona Achache a été contactée en juin 2019 par Médiapart.
Adèle Haenel avait été entendue par Médiapart dès le 18 avril 2019.
Mais, dans son enquête, Médiapart précise que Mona Achache n'a jamais été en contact avec Adèle. Donc, a priori, elle n'a pas été au courant des accusations d'Adèle, et n'a pas pu construire son témoignage en conséquence.
Grâce à Marianne, on apprend cependant le fait suivant, omis par Médiapart : Mona Achache est amie avec Laëtitia Cangioni, qui fait partie des quatre personnes ayant témoigné d'une relation « anormale » entre Christophe Ruggia et Adèle lors du tournage des Diables en 2001.
Il va donc falloir attendre le résultat des enquêtes judiciaires pour se prononcer sur la validité du témoignage de Mona Achache. Il faudra déterminer si Laëtitia Cangioni était en contact avec Adèle Haenel, et si Mona Achache a eu des informations par Laëtitia Cangioni sur les déclarations d'Adèle Haenel avant le mois de juin.
Notons en outre que l'enquête de Médiapart précise le positionnement de Mona Achache par rapport à la dénonciation d'Adèle Haenel. Le voici :
Pour Mona Achache, il ne s’agit pas de « régler des comptes » ou « lyncher un homme », mais de « mettre au jour un fonctionnement abusif ancestral dans notre société ». « Ces actes découlent du postulat que la normalité siège dans la domination de l’homme sur la femme et que le processus créatif permet tout prolongement de ce principe de domination, jusqu’à l’abus »
Mona Achache épouse donc là encore totalement le discours d'Adèle Haenel.
La justice devra donc vérifier si Mona Achache n'a pas voulu donner un petit coup de main à Adèle Haenel, afin de faire progresser les causes (honorables) qu'elles défendent toutes les deux.
Par ailleurs, dans le magazine Marianne, Christophe Ruggia donne une tout autre version que celle donnée par Mona Achache dans Médiapart.
En effet, Mona Achache affirmait dans l'enquête de Médiapart qu'après la confidence que lui aurait faite Ruggia, elle aurait été « sidérée », et l'aurait alors quitté brutalement, sans lui avoir mentionné la raison, et souhaité ne plus le revoir. Or Ruggia affirme qu'elle avait rencontré un autre homme, et que c'est lui qui a quitté l'appartement où ils vivaient ensemble. (contre-enquête)
Si les dires de Ruggia peuvent être vérifiés, cela affaiblira le témoignage de Mona Achache.
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Conclusion générale
A priori, le dossier est fragile : les témoins n'ont rien vu qui indiquerait une intention sexuelle chez Ruggia, et les déclarations d'Adèle sont contradictoires ou illogiques.
Il ressort néanmoins du discours d'Adèle que Christophe Ruggia n'a jamais eu de geste touchant ses zones érogènes.
Mais soyons prudent, et attendons les prochains développements de l'affaire.
Il se pourrait par exemple que, lors de l'audition du 26 novembre 2019, Adèle Haenel ait fait évoluer ses déclarations au contact des policiers, et que désormais elle l'accuse d'avoir eu des gestes touchant les seins par exemple.
Si elle fait évoluer ses déclarations, il serait bon qu'elle explique pourquoi, puisque, si l'on en croît le billet de blog de Marine Turchi, journaliste à Médiapart, chaque mot de l'enquête de Médiapart « a été pesé » (s)
Et en outre, dans cette enquête, il est indiqué :
En avril 2019, la comédienne prend le temps de choisir chaque mot pour raconter. Elle marque de longues pauses, reprend. (e)
Un autre point à surveiller est le témoignage de Mona Achache.
En effet, Adèle, pendant toutes les années où elle s'est rendue chez le réalisateur, ne s'est jamais confiée à quiconque avant la rupture avec lui en 2005.
Il y a donc un mystère total sur ce qui s'est passé dans l'appartement parisien du réalisateur.
Les confidences faites à sa compagne après 2005 par le réalisateur pourraient devenir un point essentiel du dossier si elles se trouvent confirmées.
Mais, quoiqu'il en soit, on peut d'ores et déjà affirmer que le tribunal médiatique et le tribunal de l'opinion ont condamné Christophe Ruggia de façon complètement irresponsable : l'affaire est beaucoup plus complexe que ne semble le penser les journalistes et une partie de l'opinion.
Rappelons que la Société des Réalisateurs de Films a lancé immédiatement une procédure de radiation après la parution de l'enquête de Médiapart, et que les financiers de Christophe Ruggia lui ont tourné le dos. La société civile a donc suivi le verdict du tribunal médiatique, légitimant ce dernier par le bannissement professionnel du réalisateur (voir mon article précédent)
C'est la raison pour laquelle la pétition que j'ai lancée demande à la Société des Réalisateurs de Films d'abandonner la procédure de radiation de Christophe Ruggia.
Un tel geste serait d'une immense portée symbolique.
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