Affaire Clearstream : interview de Denis Robert
Ces dernières semaines l’affaire Clearstream a pris des proportions importantes dans la presse et sur la toile. On ainsi assisté à des perquisitions en série (DGSE, MinDéf, bureau et domicile d’un ancien général, SGDN, EADS, Thomson, etc.). On a aussi vu des hommes politiques se porter partie civile dans l’affaire (Sarkozy, DSK hier, Madelin aujourd’hui). Mais l’affaire Clearstream existait avant celle du Corbeau, et c’est par Denis Robert que le scandale est arrivé... J’ai donc voulu recueillir ses impressions sur la tournure que prenaient les choses.
T : Comment vous est venue l’envie/l’idée d’enquêter sur l’activité de la fameuse banque de compensation du Grand-Duché ? Saviez-vous dans quoi cette affaire allait vous entraîner ?
C’est né de ma rencontre avec le gestionnaire de l’association des bouchers charcutiers du Luxembourg (ndlr : Ernest Backes) un ancien salarié de Cedel qui allait devenir Clearstream. Ce qu’il me racontait était hallucinant. J’ai cherché à vérifier ; ce que j’ai découvert l’était encore plus ; j’ai tiré sur le fil ; ça a donné un livre et un film, puis un second livre, un second film... Puis le dernier, la domination du monde... Disons que cette histoire et cette enquête m’ont rendu plus lucide et que j’ai eu envie de faire partager ce chemin vers cette lucidité.
Je ne savais pas où cela m’entraînerait. Pour moi, c’était une exploration...
T : Je sais qu’il faudrait des heures pour le faire dans le détail, mais pouvez-vous résumer, pour ceux qui ne la connaîtraient pas encore, l’affaire Clearstream ?
Clearstream, c’est la banque des banques. Elle a son siège à Luxembourg. Elle est au centre de milliers d’affaires en devenir, car elle a mis en place un système de dissimulation et d’effacement de transactions financières internationales. Nous l’avons découvert, révélé. Nous sommes attaqués. Nous nous défendons. C’est l’affaire des affaires.
T : Vous êtes le mieux placé pour savoir que le scandale Clearstream va bien au-delà de cette agitation du microcosme politico-industriel français. Comment avez-vous vécu les évolutions de cette affaire qui se résume aujourd’hui en France à l’affaire du Corbeau ?
Bien et mal à la fois. Le corbeau dénature mon travail. En même temps, cela fait parler de nous et de notre travail.
T : Concernant ce fameux Corbeau, vous étiez le premier à posséder les fameux listings, vous a-t-on reproché d’être à l’origine des répercussions de l’affaire en France ? Avez-vous communiqué ces listings ? A qui ? Un extrait semble avoir été diffusé sur le Net, est-ce une partie de la vraie liste ?
Je m’en suis déjà largement expliqué. Un type vient me voir un jour, se propose de m’aider. C’est un ancien broker. Nous travaillons ensemble sur un projet de film sur Clearstream. Je lui donne des documents et des listes de comptes. Il n’est pas le seul à qui j’en ai donné. Il m’apprend plus tard qu’il travaille pour la DGSE. Puis je découvre ces lettres de Corbeau. Elles sont faites à partir de mes documents. Pourquoi ? Je ne sais pas...
Le type qui tient le site dont vous me parlez est un pseudo-investigateur, c’est surtout un suceur de roue. Il utilise tout ce qui passe à portée de sa main pour faire du fric et du scandale. Il s’appelle ****. Sur son site, la moitié des infos sont bidonnées.
T : Avez-vous été en contact avec Imad Lahoud ?
Bien sûr. Voir votre question précédente.
T : Pourquoi ne pas diffuser cette liste aujourd’hui ?
Je ne sais pas, c’est une bonne question. Je le ferai peut être.
T : Question directe : savez-vous qui est le corbeau ?
Non, si je le savais, je l’écrirais. Le plus intéressant n’est pas de savoir qui, mais de savoir pourquoi. Ils sont peut être plusieurs. Je ne comprends pas bien le sens de tout ça.
T : Dans certains milieux, la piste russe avait été évoquée (nous étions à l’époque en pleine tempête Ioukos). Avez-vous un avis sur la question ?
Le corbeau de la première lettre a des expressions russophones, effectivement. Mais c’est peut-être une stratégie pour noyer les pistes. Je pense que cette piste russe est une diversion. Par contre, le compte russe de la Menatep existe réellement ; voir mes livres.
T : De manière globale, quel jugement portez-vous sur l’utilisation de cette affaire à des fins politiques ? Avez-vous été contacté directement par un, ou des hommes politiques (ou des industriels) faisant partie des protagonistes de l’affaire ?
Oui, j’ai été contacté. Je n’ai pas donné suite. Je suis méfiant.
T : J’imagine que cette affaire a profondément chamboulé votre vie ? Avez-vous été (l’êtes-vous d’ailleurs encore ?) l’objet de pressions, de menaces ?
Je l’ai été. Je ne le suis plus. Je peux l’être à nouveau. La notoriété protège... Jusqu’à un certain point. Quand vous devenez vraiment dangereux, on vous élimine.
T : Une grande partie de la Toile française semble s’être mobilisée derrière vous (cf. la pétition, le blog, le podcast de John-Paul Lepers, etc.). Considérez-vous ce support comme le plus adapté à la médiatisation de votre situation vis-à-vis de Clearstream ?
Peut-être. La Toile permet de contourner, de submerger, voire d’entraîner les médias disons plus officiels.
T : Regrettez-vous aujourd’hui de vous être attaqué à un aussi gros poisson ?
Non jamais, j’ai une vie très excitante qui me permet d’écrire des livres très excitants. Tout va bien.
T : Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Euh... D’abord des vacances. Ensuite, d’autres livres.
T : Merci pour le temps que vous m’avez accordé.
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON