Affaire Griveaux : « Ces gens ont une conception étrange de la démocratie »

Pour Observateur Continental, Stephane Montabert, président de l'UDC Renens (Suisse), nous donne son analyse sur l'affaire Griveaux et sur les affirmations des politiques et média qui nous expliquent que la divulgation de « vidéos privées » menace la vie démocratique.
Qu'est-ce-que nous montre l'affaire du « Griveaux Gate » ?
- Il est peut-être excessif de parler d’un « Gate » - il n'y a pas eu de manipulation gouvernementale visant ni à créer l’affaire ni à l'étouffer. C'est plutôt un événement singulier dans une campagne qui démolit l’image projetée par un candidat. Rien de ce qu’a fait Griveaux n’est d’ailleurs illégal ; mais, conscient que ses chances d’élection étaient désormais nulles et son image personnelle détruite, il a logiquement choisi de se retirer.
Que pensez-vous des affirmations des politiques et des médias qui affirment que « la démocratie est mise en danger » avec la publication de vidéos à caractère privée comme dans le cas de Griveaux ?
- Ces gens ont une conception étrange de la démocratie – une démocratie qui ne résisterait pas à la vérité ? Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, rétorqueront-ils. Mais, au-delà de la formule toute faite, qui a la légitimité finale de décider ce qui peut être dit ou non ? N’est-ce pas aux citoyens de faire le tri ? Et il est difficile d’imaginer ceux qui crient à la mise en danger de la démocratie aujourd’hui tenir le même langage si la vidéo avait affecté un concurrent honni... On aime bien les révélations embarrassantes, mais seulement chez les autres !
Dans quelle mesure ce « Griveaux Gate » est une bonne et une mauvaise chose ?
- De mon point de vue, c’est une excellente chose. Si Griveaux avait atteint la Mairie de Paris, quiconque disposant de cette vidéo aurait eu un fantastique levier pour le faire chanter.
Quelle différence voyez-vous entre le « Griveaux Gate », le « Strache Gate » ou le « Strauss-Kahn gate » ?
- Le cas Strauss-Kahn a impliqué la justice, et révélé que « tout le monde savait » au sein des médias, qui avaient choisi de se taire pour préserver le politicien. Le « Strache Gate »* est une opération montée avec talent pour détruire l’image d’un parti politique entier. La vidéo de Griveaux, enfin, est l’œuvre d’un franc-tireur qui a surpris tout le monde. Hormis le fait qu’elles affectent la sphère politique, ces affaires sont très différentes les unes des autres.
Faut-il rendre la vie privée de l'homme politique transparente puisqu'il est avant tout un homme public ?
- Qui peut prendre cette décision, sinon le principal intéressé ? Ce sont les hommes politiques eux-mêmes qui décident jusqu’où ils ouvrent les portes de leur vie privée aux journalistes et aux réseaux sociaux, si la mayonnaise prend. Mais plus ils se révèlent dans l’espoir de paraître sympathiques, plus ils doivent rester cohérents vis-à-vis des valeurs qu’ils invoquent dans leurs discours.
Est-ce-que l'affaire Griveaux ne montre pas positivement la faiblesse humaine chez cet homme politique ?
- La nature humaine n’est pas exempte de faiblesses. Les électeurs le savent bien, et le projet politique l’emporte généralement sur l’exigence de perfection. Mais la cohérence est aussi importante. Benjamin Griveaux ne paye pas pour sa vidéo, mais pour la contradiction explosive entre ce qu’elle représente et sa campagne où il mettait sans cesse sa famille et les valeurs familiales en avant. L’hypocrisie est totale.
Où commence la vie privée d'un homme politique ?
- Elle est équivalente à celle de n’importe quelle personnalité publique, même si la révélation d’un écart de conduite n’a pas les mêmes conséquences. À chacun ensuite de voir comment il agit en fonction de ses convictions, ou du risque de se faire prendre. Les hommes politiques aimeraient bien faire partie d’une caste supérieure où pareille dérive est rendue impossible ou illégale, mais à l’heure des réseaux sociaux, cet objectif semble chimérique.
Est-ce-que de telles affaires sont possibles en Suisse ?
- De telles affaires ont déjà eu lieu ! En 2014, un politicien écologiste argovien s’est pris en photo nu dans son bureau de maire, créant le scandale. En 2017, un conseiller national démocrate-chrétien fut accusé de harcèlement et démissionna. Un membre du gouvernement valaisan actuel, démocrate-chrétien lui aussi, a été contraint d’avouer un enfant illégitime…
Les réactions des médias et des partis varient selon les individus et les couleurs politiques, comme en France. Mais en fin de compte, quel que soit le pays, la responsabilité de la moralisation de la vie publique en revient toujours au citoyen à travers son vote.
* Le « Strache Gate » est le piège tendu au vice-chancelier de la République d'Autriche, figure charismatique du FPÖ. Une caméra cachée fut placée dans sa villa de vacances à Ibiza pour obtenir des scènes privées et des révélations politiques.
Le blog du politicien suisse : http://stephanemontabert.blog.24heures.ch/
Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=1384
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